Éric Zemmour au Trocadéro, scène privilégiée des démonstrations de force de la droite

Éric Zemmour au Trocadéro, scène privilégiée des démonstrations de force de la droite

Éric Zemmour tiendra dimanche 27 mars, au Trocadéro, un grand meeting de campagne. Le fondateur de Reconquête suit ainsi les exemples de Nicolas Sarkozy et de François Fillon qui, en 2012 et 2017, avaient également misé sur ce cadre grandiose pour espérer faire la différence.
Romain David

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« Un évènement historique ». C’est que promet Éric Zemmour à ses sympathisants auxquels il a donné rendez-vous le 27 mars, au Trocadéro, pour un grand rassemblement, sans doute le plus important de sa campagne depuis son meeting de décembre à Villepinte, qui avait réuni 13 000 personnes, selon les organisateurs. Sur son compte Twitter, le polémiste, que les derniers sondages cantonnent à la 3e place au premier tour avec 10-11 % des intentions de vote, loin derrière Marine Le Pen (à 20 %), a posté un visuel qui rappelle par son minimalisme et ses couleurs vives certaines affiches publicitaires vintages. Au premier plan : le parvis des Libertés et des Droits de l’homme, cette grande terrasse qui sépare les deux ailes du Palais de Chaillot, revêtue d’un tapis tricolore. Au fond, la tour Eiffel en majesté sous un ciel crépusculaire.

À quelques mètres du musée de l’Homme, le lieu pourrait sembler incongru pour le polémiste d’extrême droite, qui entend tordre le cou aux contraintes juridiques imposées par la Cour européenne des droits de l’homme pour pouvoir faire appliquer ses mesures sur l’immigration. La place du Trocadéro domine la colline de Chaillot, dans le XVIe arrondissement. Napoléon rêvait d’y bâtir un immense palais pour son fils, le roi de Rome. Son nom rappelle la victoire d’un corps expéditionnaire français, envoyée à Cadix en 1823 pour aider Ferdinand VII à combattre la révolte des libéraux espagnols. En 1933, le député de Guyane, Gaston Monnerville, futur président du Sénat, y prononce un discours remarqué sur les persécutions juives en Allemagne, qu’il compare au massacre des Héréros en Afrique de l’Ouest au début du XXe siècle. Mais depuis une dizaine d’années, cette place et le parvis qui la jouxte sont aussi devenus un lieu très politique, espace privilégié des rassemblements de la droite.

La démonstration de force de Nicolas Sarkozy

En 2012, Nicolas Sarkozy y organise « son » 1er-Mai, qu’il veut le point d’orgue de la campagne de l’entre-deux-tours. L’occasion pour le président sortant de renouer avec une thématique qui a contribué à son succès cinq ans plus tôt : le travail. Entouré notamment de François Fillon, Jean-François Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet et Nadine Morano, il se pose en défenseur du « vrai travail », et n’hésite pas à tacler les traditionnels rassemblements syndicaux qui, au même moment, défilent à quelques kilomètres de là, entre Denfert-Rochereau et Bastille, parfois sous le slogan « Virons Sarko ».

« Ils ont choisi de se rassembler sous le drapeau rouge, nous avons choisi de nous rassembler sous le drapeau tricolore ! », lâche le chef de l’Etat. Des paroles amplifiées par le décorum. Les deux gigantesques pavillons du Palais de Chaillot qui encadrent le parvis des Libertés et des Droits de l’homme, avec ses statues en bronze néoclassiques, et au-delà la vue plongeante sur la tour Eiffel et le Champ de Mars, inscrivent la silhouette de Nicolas Sarkozy au milieu d’une carte postale monumentale et très franco-française. La marée de drapeaux bleu-blanc-rouge agitée par les militants restera comme l’une des images fortes de cette présidentielle. À l’époque, les organisateurs revendiquent 200 000 participants, un chiffre largement raillé par les oppositions. Selon des révélations faites par Mediapart en 2014, dans le cadre de l’affaire Bygmalion, ce meeting en plein air aurait au moins coûté 576 000 euros à l’ex-UMP. Un coût comparable à celui dépensé par EELV pour l’ensemble des meetings d’Eva Joly durant la même présidentielle.

La planche de salut du candidat Fillon

En pleine tourmente après les révélations du Canard enchaîné sur des soupçons d’emplois fictifs concernant sa femme et ses enfants, auquel s’est ajoutée une polémique sur des costumes offerts par l’avocat Robert Bourgi, le candidat François Fillon jette son dévolu sur le Trocadéro pour essayer de reprendre la main sur une campagne devenue véritable chemin de croix. Mais là encore, rien ne va (vraiment) se passer comme prévu.

Le choix de l’esplanade peut surprendre de la part de l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, qui n’aura eu de cesse, durant la campagne de la primaire, de se démarquer de l’ex-chef d’Etat. Mais il faut se rappeler que quelques mois plus tôt, la Manif pour tous avait réuni ses soutiens au Trocadéro, or, Sens commun, mouvance conservatrice issue de l’opposition à l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, a en partie été chargé de l’organisation du rassemblement par François Fillon. Le Sarthois envoie ainsi un signal fort à son aile droite, sur laquelle il s’est largement replié à mesure que des personnalités plus modérées, comme Jean-Christophe Lagarde ou Bruno Le Maire, ont quitté le navire.

Une autre polémique entoure le véritable motif de ce rassemblement. Son annonce fait suite à la convocation de François Fillon par la justice pour une audition préalable à sa mise en examen. Un article de Valeurs actuelles évoque une marche « contre le coup d’Etat des juges », ce qui fait réagir jusque dans les rangs de la droite. Certains responsables, comme le député Philippe Gosselin, refusent de se joindre à une manifestation contre la justice. Finalement, les proches de François Fillon, dont le sénateur Bruno Retailleau, feront plutôt valoir « un rassemblement » de soutien au candidat, formulation plus consensuelle.

Le 4 mars 2017, c’est sous une pluie battante que François Fillon monte sur scène, une image qui tranche avec le grand ciel bleu de Nicolas Sarkozy. L’éclaircie qui salue la photo de famille met surtout en lumière l’absence de certains poids lourds du parti, comme Gérard Larcher, Alain Juppé, Xavier Bertrand ou Nicolas Sarkozy. Epilogue de ce rassemblement : la sempiternelle guerre des chiffres. Jusqu’à 300 000 personnes selon Bruno Retailleau – 100 000 de plus que Sarkozy cinq ans plus tôt -, mais seulement 50 000 selon de nombreux commentateurs. La préfecture de Police de Paris n’a livré aucun comptage.

Le symbole d’une certaine droite

Du rassemblement de François Fillon, une expression est restée : « La droite Trocadéro », pour désigner un électorat catholique et conservateur. On la retrouve en 2019, dans la bouche d’Édouard Philippe, dénonçant dans Le Figaro « la reconstruction de la droite Trocadéro » face à la liste LR portée par François-Xavier Bellamy aux Européennes. La formule, assumée par certains responsables comme Laurent Wauquiez ou Julien Aubert, résume aussi l’écartèlement de la droite depuis 2017, entre une frange plus libérale et modérée, et les tenants d’une ligne identitaire, préoccupée par les questions de sécurité et d’immigration. Deux pôles que Valérie Pécresse tente de réconcilier depuis son investiture au congrès de décembre dernier.

En choisissant le Trocadéro, Éric Zemmour, chantre de l’union des droites, espère certainement égaler la démonstration de force des deux précédents. Et surtout : faire oublier des sondages de moins en moins favorables en envoyant un signal fort à ses concurrents dans la dernière phase de la campagne. Selon des informations de RTL, 45 000 personnes se seraient déjà inscrites. Toujours selon la radio, le candidat prévoit un dispositif hors normes : environ 200 cars alloués et huit écrans géants pour un budget d’un million d’euros.

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