État et élus locaux « au bord de la rupture » ?
Les représentants des trois grandes associations d’élus locaux, François Baroin, Dominique Bussereau et Hervé Morin, ont dénoncé ce mardi la « recentralisation » à l’œuvre dans le pays. Les départements et les régions ont fait savoir qu’ils ne signeraient pas les contrats financiers avec l’État.

État et élus locaux « au bord de la rupture » ?

Les représentants des trois grandes associations d’élus locaux, François Baroin, Dominique Bussereau et Hervé Morin, ont dénoncé ce mardi la « recentralisation » à l’œuvre dans le pays. Les départements et les régions ont fait savoir qu’ils ne signeraient pas les contrats financiers avec l’État.
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L’image est rare : les trois représentants des trois grandes associations d’élus locaux se sont retrouvés derrière le même pupitre ce mardi. François Baroin, président de l’Association des maires de France (AMF), Dominique Bussereau, à la tête de l’Assemblée des Départements de France (ADF) et Hervé Morin, le patron des Régions de France (ARF) étaient réunis pour dénoncer d’une même voix ce qu’ils considèrent comme une « recentralisation du pays ».

« Nous assistons à une reprise en main de la décentralisation et des libertés locales », a mis en garde le président du Conseil régional de Normandie, Hervé Morin. Les sujets de discorde sont nombreux : réforme de l’apprentissage pour les régions, incertitudes sur la politique de la ville, manque d’accompagnement dans l’accueil des mineurs étrangers isolés pour les départements, et surtout la contractualisation budgétaire que l’État veut nouer avec les 322 plus grandes collectivités du pays.

Tirs nourris contre la contractualisation budgétaire

L’ADF et l’ARF ont annoncé qu’elles ne signeraient pas ces pactes financiers, imposant aux collectivités une limitation de la progression annuelle de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2% par an. « Nous ne signerons pas les conventions financières avec l’État, c’est une décision unanime du conseil des Régions de France », a insisté Hervé Morin. « Les départements, dans leur intégralité, ne sont pas décidés à signer les contrats que l’État nous propose », renchérit Dominique Bussereau.

Quant à la puissante AMF, qui regroupe l’essentiel des collectivités visées par le dispositif, François Baroin déclare que les communes et les intercommunalités sont « libres » de faire leur choix, tout en rappelant que l’association n’est « pas favorable » au principe. « Ce ne sont pas des contrats […] C’est un encadrement bête et méchant », estime le maire LR de Troyes.

Les trois élus locaux soulignent que les collectivités locales ont engagé un effort budgétaire bien plus important que l’État ces dernières années et que cette contractualisation n’intervenait pas dans « un climat de confiance ». Selon François Baroin, la circulaire de Bercy, qui encadre ce mécanisme, ne laisse « aucune marge de manœuvre pour les préfets », qui seront amenés à examiner les budgets.

Le patron de l’AMF accuse d’ailleurs le gouvernement de ne pas avoir respecté sa parole sur l’arrêt de la baisse des dotations. « Il y a une baisse pour plus de 22.000 communes. On a une chute nette, contrairement à ce qui a été dit. »

« Vous avez en face de vous plutôt des gens violemment modérés »

Les derniers congrès des associations d’élus locaux et la dernière conférence nationale des territoires l’ont montré : le climat s’est détérioré entre les collectivités et l’État. Pour couper court aux critiques, le trio issu du centre droit se défend d’être « ronchon » et rappelle qu’il a fait preuve de « bienveillance » à l’égard de l’essentiel des réformes du gouvernement. « Vous avez en face de vous plutôt des gens violemment modérés sur toute une série de sujets et plutôt bienveillants vis-à-vis de l’impulsion donnée par le président de la République », a expliqué François Baroin devant la presse.

Mais face au constat d’une « recentralisation accélérée » et d’une « remise en cause de la libre administration et de l’autonomie financière » des collectivités, le discours se tend. « Les caisses des collectivités territoriales, ce n’est pas le tiroir-caisse pour faire les fins de mois d’un État qui ne se réforme pas et qui continue de produire des déficits », réagit l’ancien sénateur.

Pour l’heure, il n’est pas question d’un divorce consommé, mais Dominique Bussereau appelle l’exécutif à réagir rapidement :

« Il y a un dialogue entre l’État et les collectivités mais il ne se traduit pas par des résultats […] Si nous n’aboutissons pas, là ce sera une forme de colère des élus locaux. Pour l’instant, ce n’est, non pas un avertissement mais un message que nous adressons au gouvernement. »

« Ce n’est pas un avertissement mais un message que nous adressons au gouvernement », affirme Dominique Bussereau
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Images : Oriane Mancini et Clément Perrouault

Plus virulent, Hervé Morin considère que le « bataillon » des élus locaux est à l’heure actuelle « extrêmement fâché ». Le président des Régions de France confie même que la participation des trois grandes associations à la prochaine conférence des territoires durant l’été « est une question » qui va « se poser ».

« Les libertés locales sont en danger », avertit Hervé Morin
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Images : Oriane Mancini et Clément Perrouault

« On n'est pas loin de la rupture »

En attendant, les élus locaux comptent interpeller à cette occasion le gouvernement sur deux points majeurs. Sur la question des « petites lignes ferroviaires pointées du doigt dans le rapport Spinetta, François Baroin demande à l’exécutif de s’engager clairement sur cette problématique. « On aimerait qu’il dise combien il va mettre », affirme le président de l’AMF.

Deuxième sujet d’inquiétude : les conséquences sur les collectivités locales de la diminution de 120.000 fonctionnaires durant le quinquennat. « Le gouvernement en propose plus de la moitié sur les collectivités, ça ne marche pas comme ça », peste François Baroin. Et d’ajouter : « On n’est pas loin de la rupture. À un moment, on ne va plus pouvoir tenir ».

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