États généraux de l’Alimentation : vers une meilleure rémunération des agriculteurs ?

États généraux de l’Alimentation : vers une meilleure rémunération des agriculteurs ?

Les États généraux de l’Alimentation, qui ont réuni les acteurs du secteur durant cinq mois, se clôturent ce jeudi. Ils présentent leurs conclusions, base de futurs textes présentés en 2018. Certains participants ne masquent pas leurs doutes.
Public Sénat

Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Cécile Sixou)

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

Après cinq mois de travaux, les États généraux de l’alimentation rendent leurs conclusions pour permettre aux agriculteurs de « vivre dignement de leur travail » grâce à des « prix justes ». Mais aussi de permettre à l’agriculture française de « monter en gamme » et de faire naître une alimentation plus « saine, sûre et durable ».

Au total, quatorze ateliers, qui ont réuni 700 acteurs de tous les maillons de la chaîne, allant de l’agriculteur au consommateur, ont jeté les bases d’un futur projet de loi qui devrait être présenté en février, et dont les grandes pistes avaient été déjà dévoilées à l’automne par l’exécutif. La méthode est saluée, les acteurs reconnaissent un « processus intéressant », mais les solutions mises sur la table font parfois débat.

Les États généraux veulent notamment remettre la contractualisation entre les producteurs et les distributeurs sur « de nouvelles bases ». La nouveauté serait de partir des producteurs dans l’élaboration des prix, et non plus de la fin de la chaîne. La « construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production », avait expliqué Emmanuel Macron en octobre. Le chef de l’État avait alors demandé aux différents acteurs des filières de s’y atteler avant même le nouveau texte.

La FNSEA accuse la distribution de ne pas jouer le jeu

Une ombre est venue se greffer au tableau : selon la FNSEA, les négociations commerciales annuelles entre la distribution et les producteurs ne sont pas conformes aux engagements pris en novembre. La présidente de la puissante fédération agricole, Christiane Lambert, a accusé sur BFMTV-RMC les distributeurs ce mercredi de « tricher » et de ne « pas respecter » la charte du 14 novembre. « Pour 75%, ils proposent des baisses de prix de -2 à -10% » aux industriels, selon elle. « De fait, cela va se répercuter jusqu’aux producteurs. »

Christiane Lambert en appelle au président de la République, qui avait promis de mettre fin à la « guerre des prix ». « M. Macron doit s’exprimer pour faire respecter son discours de Rungis du 11 octobre ». Selon Challenges, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert, aurait convoqué les distributeurs suspectés de ne pas jouer le jeu.

« Je reste assez dubitatif en ce qui concerne la signature de la grande distribution, on les a déjà vus à l’œuvre en la matière », a permis de douter, dans Sénat 360, le sénateur (LR) de la Manche Jean Bizet, sur les conclusions de ces États généraux.

Au-delà de cette contractualisation d’un genre nouveau, deux principaux outils seront expérimentés pendant deux ans et seront mis en place rapidement pour encadrer les prix dans la distribution. Pour ce faire, le gouvernement veut procéder par le biais d’une ordonnance. La loi d’habilitation serait présentée dès les premières semaines de 2018.

L’encadrement des promotions

Premier levier : l’encadrement des promotions, très utilisées dans l’agroalimentaire. Celles-ci ne pourront pas excéder 34% en valeur (le prix), en 25% en volume (la quantité offerte). La limitation de cette pratique est plutôt bien vue par la FNSEA, qui juge que les promotions contribuent au « tassement des prix » et « à la perte de repères » pour les consommateurs.

Une deuxième piste fait débat : la relève de 10% du seuil de revente à perte (SRP). Ce « SRP », dans le jargon du commerce, est le prix en dessous duquel le distributeur n’a pas le droit de vendre un produit. En d’autres termes, le distributeur devra revendre ses produits au moins 10% plus chers que le prix d’achat.

La mesure recueille le scepticisme de plusieurs acteurs, à commencer par les associations de consommateurs. « On va augmenter de 10% certains produits, en promettant que miraculeusement cet argent, pris sur le dos des consommateurs, descendrait vers l’industrie agroalimentaire et que cette industrie redonnerait cet argent aux agriculteurs. Par quel miracle, on ne sait pas, il n’y a pas d’outils », a critiqué sur Europe 1 Olivier Andreault, chargé de l’alimentation à l’UFC-Que Choisir.

« Tous les produits alimentaires n’étaient pas vendus à perte en grande surface, donc cela aura un impact sur un nombre limité de produits », précise dans Sénat 360 Marie-Hélène Schwoob, chercheuse à l’Institut du développement durable et des relations internationales.

La FEEF, fédération qui représente les fournisseurs PME de la distribution, se montre gênée par ce signal. « Les États généraux de l’Alimentation étaient destinés à améliorer le revenu des agriculteurs et la première mesure qui va être prise par le gouvernement consiste à augmenter les marges de l’aval concentré. On marche sur la tête ! », explique Dominique Amirault, Président de la FEEF.

Pour la Confédération paysanne, ce relèvement de seuil paraît « un peu illusoire » et ne résout pas la question de la répartition des marges entre les différents maillons. « S’il suffisait d’augmenter les marges du maillon du transformateur au distributeur, pour que cela redescendre au producteur, on le saurait depuis un moment », réagit dans Sénat 360 Nicolas Girod, le secrétaire national. Il reconnaît toutefois que cette mesure peut être un « bien dans l’apaisement des relations commerciales ».

La relève de 10% du seuil de revente à perte est « un peu illusoire » , pour le secrétaire de la Confédération paysanne
00:45

Les ONG et la Confédération paysanne attendent l’État au tournant sur le bio

Face à ces remontées de prix, les consommateurs s’attendent à une « montée en gamme », et un renforcement de la qualité. Les États généraux proposent une série de mesures pour répondre à l’objectif d’une « alimentation saine, sûre et durable ».

Les États généraux veulent notamment une refonte du programme Écophyto, pour accélérer la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires (pesticides et insecticides), ou encore imposer une séparation dans le conseil et la vente de ces produits. Ils réaffirment également l’objectif de 50% de produits biologiques et locaux dans l’approvisionnement de la restauration collective. « On est dans le vœu pieu », reconnaît dans Sénat 360 le sénateur écologiste Joël Labbé.

50% de bio dans la restauration collective : « On est dans le vœu pieu », pour Joël Labbé (EELV)
01:17

Une cinquantaine d’ONG et d’organisations de la société civile, dont plusieurs associations environnementales, demandent désormais au gouvernement de traduire les conclusions de ces États généraux en « engagements concrets ». Et de mettre des moyens sur la table. Échaudée par les récentes décisions budgétaires concernant l’agriculture biologique, la « Plateforme citoyenne pour une transition agricole et alimentaire » réclame un « gage de sincérité » à Emmanuel Macron : « que le gouvernement remette sur la table les 400 millions d'euros manquants pour les 3 ans à venir pour le maintien de l'agriculture bio ».

La déception semble tout de même visible. « On reste sur la faim », constate Joël Labbé. Certains observateurs font d’ailleurs lien avec l’absence (remarquée) de Nicolas Hulot à cette dernière journée des États généraux.

Et l’Europe ?

Dans cette possible nouvelle donne agricole qui pourrait se profiler, certains rappellent que d’autres facteurs – extérieurs – vont jouer. À commencer par l’Europe, dont la PAC est appelée à se restructurer. Observant les annonces, le sénateur Jean Bizet, président de la commission des Affaires européennes, juge que « tout reste à faire » après ces États généraux. « Il ne faut pas perdre de vue que la politique de l’autorité de la concurrence est une compétence exclusive de l’Union européenne. Il faut revisiter tout cela au niveau communautaire ». Il ajoute que le principe de réciprocité doit également « s’appliquer très fermement » dans le cadre du marché unique.

États généraux de l'alimentation : Jean Bizet rappelle le cadre européen
00:38

Reste aussi l’interrogation sur les futurs traités de libre-échange internationaux. Outre le très controversé Ceta, déjà signé avec le Canada, les agriculteurs s’inquiètent des négociations entre l’UE et le Mercosur. Hier, la présidente de la FNSEA demandait à « stopper la signature de ces accords scélérats ». Des textes qui « font entrer des produits qui ne sont pas les mêmes que nous avons en France », affirme-t-elle.

 

 

Dans la même thématique

États généraux de l’Alimentation : vers une meilleure rémunération des agriculteurs ?
2min

Politique

Départ du proviseur du lycée Maurice-Ravel : « Dans un monde normal, celle qui aurait dû partir, c’est l’élève », dénonce Bruno Retailleau

Menacé de mort après une altercation avec une élève à qui il avait demandé de retirer son voile, le proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel a quitté ses fonctions. Une situation inacceptable pour le président des Républicains au Sénat, qui demande à la ministre de l’Éducation nationale d’« appliquer la loi jusqu’au bout ».

Le

PARIS: UNEDIC, prevision financieres de l assurance chomage
7min

Politique

Réforme des règles de l’assurance chômage : les pistes du gouvernement

Après un séminaire gouvernemental sur le travail, où il sera question de l’assurance chômage, le premier ministre va s’exprimer ce soir lors du 20 heures du TF1. La piste principale est celle d’une réduction de la durée d’indemnisation des chômeurs, actuellement de 18 mois maximum. Les règles de l’assurance chômage ont déjà été durcies deux fois, depuis qu’Emmanuel Macron est Président.

Le