États-Unis : quels scénarios jusqu’à l’investiture de Joe Biden ?

États-Unis : quels scénarios jusqu’à l’investiture de Joe Biden ?

Le Congrès américain a certifié jeudi 7 janvier, l’élection du candidat démocrate Joe Biden. Une séance troublée par l’intrusion de partisans de Donald Trump dans le Capitole. Alors comment va se dérouler cette phase de transition jusqu’à la passation de pouvoir ? Le président sortant peut-il être destitué d’ici-là ? Un climat de violences est-il à redouter ?
Public Sénat

Par Fanny Conquy

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Joe Biden sera bien le 46e président des Etats-Unis. Le Congrès américain a validé son élection et certifié le vote des grands électeurs ce jeudi. Une certification qui a cependant été interrompue pendant plusieurs heures à cause de l’intrusion violente de militants pro-Trump au sein du Capitole. « Cette situation, c’est du jamais vu » pour l’historien des États-Unis André Kaspi. « Les institutions fédérales sont sacrées aux États-Unis, c’est le symbole de l’union des Américains. Cette insurrection au sein du Capitole et le degré de brutalité que l’on a vu, c’est inédit. »

Maintenant que l’élection de Joe Biden a été certifiée, « le seul scénario possible désormais, c’est que le 20 janvier prochain Joe Biden prêtera serment et deviendra président des États-Unis » selon Jeff Hawkins, ancien ambassadeur des États-Unis et chercheur à l’IRIS. Donald Trump en effet, a épuisé tous les recours devant la justice sur les accusations de fraudes lors du vote. « De plus, Donald Trump a perdu le soutien d’une partie de ses parlementaires. Par ailleurs, d’ici la cérémonie de passation de pouvoir, il n’y aura pas d’autre moment clé. Donc pour Jeff Hawkins, les jeux sont faits. »

 

La cérémonie d’investiture

Donald Trump reste officiellement président encore treize jours, jusqu’à la cérémonie d’investiture de Joe Biden. Alors que certains doutaient de sa présence à la passation de pouvoir et de son attitude face au président élu, Donald Trump a publié ce matin un message « Même si je suis complètement en désaccord avec le résultat de l’élection, et les faits me donnent raison, il y aura toutefois une transition ordonnée le 20 janvier. »

« C’est un moment clé pour la démocratie américaine, c’est un moment censé être pacifique. » analyse Jeff Hawkins. « Un président sortant qui n’assisterait pas à la passation de pouvoir, ce serait du jamais vu dans l’histoire des États-Unis » souligne André Kaspi.

Évènement majeur, cette cérémonie est généralement très suivie dans le monde entier. Cette fois-ci, elle sera évidemment particulièrement scrutée. Le climat de cette passation de pouvoir pourrait en effet être tendu, des contre-manifestations et des violences pourraient troubler l’évènement. Les services de sécurité seront sans doute d’autant plus vigilants et préparés.

 

Une situation complexe et imprévisible

« Habituellement, la phase de transition entre deux présidents est une période sacrée. C’est un pays très respectueux des institutions. Ces institutions représentent la condition même de l’union des Etats américains. C’est la première fois qu’elle est bafouée et ternie à ce point-là » selon Romain Huret, historien des États-Unis et directeur d’études à l’EHESS.

Dans les semaines qui viennent selon lui, il est possible d’assister à un regain de tensions, voire de violences. Certes, Donald Trump a demandé à ses militants de rentrer chez eux après les incidents au Capitole, mais une part de son électorat conteste toujours l’élection de Joe Biden. « Certains refusent désormais ce rituel démocratique, ils prônent une démocratie directe, sans les grands électeurs, et avec une nouvelle façon d’exercer directement le pouvoir. Une partie de ses militants ne croit plus en la représentation politique, et a donc occupé ce lieu symbolique qu’est le Capitole. Cela peut faire penser à certaines aspirations qu’avaient les Gilets Jaunes en France il y a deux ans. Et ce type de mouvement et de contestation ne disparaît pas du jour au lendemain » analyse Romain Huret.

Donald Trump bénéficie d’une certaine base qui reste mobilisée, mais sur le plan politique, il a divisé les Républicains. Dans son électorat, certains estiment que c’est allé trop loin. Et chez les parlementaires, une partie d’entre eux a été choquée. « Chez les sénateurs, beaucoup à droite ont dit : on ne peut plus suivre ! » estime Jeff Hawkins. L’historien André Kaspi va dans le même sens : « L’attitude de Donald Trump a fracturé son parti. Il a toujours des soutiens, mais une part des Républicains est désormais contre lui. La situation est complexe et imprévisible. »

 

Une procédure d’impeachment peu probable

Après le chaos suscité par la violence des manifestations pro-Trump hier au Congrès, plusieurs élus démocrates dont Elizabeth Warren et Ted Lieu, demandent à écarter le président du pouvoir. Ils en appellent au 25e amendement de la Constitution américaine. La procédure d’impeachment permet en effet de destituer le président des États-Unis s’il n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions.

Cependant, cette hypothèse semble peu probable. « C’est une procédure assez longue et complexe. Ce serait très difficile d’ici la fin de mandat. Et même politiquement, ce ne serait pas très utile. Les démocrates ont gagné l’élection. Et dans les semaines qui viennent, avant tout, ils vont avoir à gérer d’autres urgences comme l’épidémie » selon l’ancien ambassadeur Jeff Hawkins.

 

Former la nouvelle équipe

La phase de transition entre l’élection et la prestation de serment du président est notamment dédiée à la formation des équipes. « Traditionnellement pendant cette période, le président élu se concentre sur sa prise de fonction et sur la formation de son équipe. Il est rare qu’il se manifeste pendant cette période, il y a une forme de respect, pour ne pas faire d’ombre au président sortant jusqu’à la fin officielle de son mandat. Mais là, Joe Biden a été obligé de réagir suite aux évènements du Capitole, c’est très rare » analyse Jeff Hawkins, ancien ambassadeur des Etats-Unis.

Les prochains jours seront également consacrés à l’installation des nouvelles équipes administratives. « Contrairement à la France, aux États-Unis, la haute fonction publique démissionne à la fin du mandat : les ambassadeurs, les cabinets… Il faut donc un certain temps pour réorganiser les futures administrations » explique l’historien Romain Huret.

Mais André Kaspi conclut : « Une fois au pouvoir, le début de mandat sera difficile pour Joe Biden. Il a certes remporté la présidentielle, et les démocrates ont la majorité au Sénat, mais avec une très faible avance. » Pour l’historien des Etats-Unis, Joe Biden devra faire face à une division très profonde du pays.

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