Européennes : Faure laisse la place à Glucksmann, le PS se divise

Européennes : Faure laisse la place à Glucksmann, le PS se divise

Face à la division à gauche, le numéro 1 du PS accepte que Raphaël Glucksmann mène la liste pour les européennes. Décision qui passe très mal chez certains camarades, qui voit en lui un « bobo » qui ne parlera pas aux ouvriers. « C’est un pari risqué. Mais entre mourir tout seul et vivre avec d’autres, ça vaut le coup d’être tenté » pour le sénateur Jérôme Durain.
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Confronté à la difficulté de trouver une tête de liste pour les européennes, le PS a trouvé la solution : ce ne sera pas un socialiste. Le PS va en effet soutenir l'essayiste Raphaël Glucksmann pour mener une liste pour le scrutin du 26 mai prochain. Quatre mois seulement après la création du parti Place publique, sur le thème de l’union de la gauche, l’un de ses leaders va donc se retrouver sur le devant de la scène.

« Je propose ma candidature pour être tête de liste », a déclaré sur France Inter vendredi matin le fils du philosophe André Glucksmann. Il compte mener la liste « en tandem » avec la militante écologiste Claire Nouvian, cofondatrice du mouvement. Annonce aussitôt saluée sur Twitter par le premier secrétaire du PS, Olivier Faure. « Avec Place publique et tous ceux qui rejoindront cette démarche, s'ouvre un chemin, celui des combats communs. Je demanderai demain aux socialistes de s'y engager » affirme le numéro 1 du PS. Les maires socialistes de Lille et Paris, Martine Aubry et Anne Hidalgo, viennent aussi apporter leur soutien au projet.

« On aura un conseil national extrêmement divisé »

Un conseil national du PS doit encore entériner samedi cet effacement socialiste. Il s’annonce tendu. Beaucoup, notamment d’anciens hollandais, déjà critiques depuis quelques mois de la stratégie d’Olivier Faure, n’acceptent pas ce choix. « Pourquoi le PS s’effacerait-il derrière Place Publique ? » s’interroge dans Le Parisien, Patrick Kanner, président du groupe PS. « Nous avons le devoir de ne pas mettre nos drapeaux sous la table avant même de commencer à nous battre. Si le PS ne prenait pas la direction d’une liste, il y aura des remous et des conséquences dramatiques pour le parti » prévient encore le sénateur du Nord. Il compte consulter son groupe mardi prochain.

Le sénateur PS Rachid Temal, qui avait soutenu Olivier Faure lors du dernier congrès, demande aussi « une tête de liste socialiste ». Et d’ironiser sur l’ajout d’« une nouvelle liste ».

Encore une fois, le PS se retrouve profondément divisé quant à la stratégie et la ligne à suivre. La fronde vient aujourd’hui de ceux qui dénonçaient, sous le quinquennat de François Hollande, les frondeurs d’alors qui s’opposaient aux choix économiques de l’ancien Président. « Il va perdre beaucoup, beaucoup de soutiens. On aura un conseil national extrêmement divisé, alors qu’on aurait pu sortir rassemblés derrière la candidature d’Olivier Faure » pense un sénateur PS, qui craint « un affaiblissement collectif ». Certains risquent de refuser de mener campagne. Le même sénateur raconte que le commissaire européen « Pierre Moscovici, lorsqu’il est venu devant le groupe PS, a dit regretter avoir voté pour Olivier Faure ».

Outre le choix de s’effacer, c’est aussi la personnalité de Raphaël Glucksmann qui pose problème à certains. « Quand il a dit, je serai une tête de liste polyphonique, je peux vous dire que dans les milieux ouvriers, ça marquera les esprits... C’est un bobo sympathique. Mais il n’y aura pas un électeur sur deux qui va le comprendre. C’est un intello dont on ne connaît pas le nom derrière le périph » tacle un responsable socialiste.

« Le PS ne peut plus revendiquer d’occuper la place centrale »

Pour les défenseurs de la stratégie d’Olivier Faure, la situation imposait au contraire ce choix. « La question du PS n’est qu’une partie de la question. Mon sujet, c’est d’abord l’avenir de la gauche » explique la sénatrice PS Laurent Rossignol. L’ancienne ministre ajoute : « Le PS incarne des valeurs, une histoire et encore un projet. Mais il ne peut plus revendiquer d’occuper la place centrale dans la recomposition de la gauche. S’il veut être utile, il faut qu’il accepte de ne pas être dans l’idée qu’il se fait de lui-même et d’aller avec les autres ».

Quant à ceux qui estiment que Raphaël Glucksmann ne représente pas grand-chose, Laurence Rossignol répond qu’« il représente une envie de rassemblement d’une gauche qui ressemble beaucoup à celle qu’on veut reconstruire. Quand on est tout petit, c’est un mauvais procès fait à Glucksmann ».

« On est à une charnière »

Un réalisme qui oblige les socialistes à revoir leur logiciel. Fin de l’hégémonie, que les alliés du PS lui ont longtemps reproché. Place à l’humilité et au partage des places, comme l’explique le sénateur PS Jérôme Durain :

« Nous sommes faibles, nous pesons peu. Soit on raisonne depuis le PS, à l’ancienne, avec ses courants. Et on continue à se partager un gâteau de plus en plus petit. Soit on se dit comment on fait pour répondre aux aspirations des citoyens de gauche qui veulent plus grand et plus large ».

Cet ancien proche d’Arnaud Montebourg reconnaît la difficulté du choix d’Olivier Faure : « C’est un pari risqué. Mais entre mourir tout seul et vivre avec d’autres, ça vaut le coup d’être tenté ».

Un opposant aux choix d’Olivier Faure n’en démord pas et apprécie peu la manière dont les choses se sont passées. « L’accord a été passé mardi dans la journée. On avait un bureau national mardi. Olivier Faure n’en a pas dit un mot. Puis il y a eu la fuite dans la presse… » selon ce socialiste. De quoi compliquer un peu plus le conseil national. « C’est normal qu’il y ait un débat très fort sur ce sujet » pour Jérôme Durain, « on est à une charnière. Ce mandat d’Olivier Faure est un mandat charnière. On a le choix entre avancer ou périr. Il faut avancer ». Tous les socialistes ne seront visiblement pas prêts à suivre.

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