Européennes : les enseignements en vue des municipales de 2020

Européennes : les enseignements en vue des municipales de 2020

Le RN réalise de gros scores dans les villes du Sud Est lors de ces élections européennes. LREM affiche de beaux résultats dans de nombreux départements, ce qui pourrait attirer des maires sortants LR. EELV devrait négocier ferme face au PS, ou être tenté de présenter ses listes. Pour LR, la situation se complique aussi au niveau local.
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Déjà penser au coup d’après. A peine les élections européennes terminées, les responsables politiques regardent vers le prochain scrutin des municipales de mars 2020. A ce titre, la carte des élections européennes est riche en enseignements. S’il ne faut pas transposer les scores de chaque liste – les enjeux locaux et l’implantation des personnalités politiques locales joueront fortement – les résultats sont néanmoins lus comme des signes forts. Avec un impact, dans un second temps, sur le Sénat : si de nombreuses villes basculent dans un sens ou un autre, c’est l’équilibre de la Haute assemblée qui pourrait être changé.

Gros scores du RN dans plusieurs grandes villes : « On ne peut pas se suffire d’emporter quelques mairies »

Le Rassemblement national (RN) est en tête dans 72 départements. Il affiche encore ses plus gros résultats dans le Nord-Est et le Sud-Est. C’est à nouveau dans le département de l’Aisne que le RN réalise son meilleur score avec 39,87% (hormis Mayotte, avec 45,56%).

Le RN fait logiquement de très bons résultats dans les villes qu’il détient déjà : 55,9% à Hénin-Beaumont, 39% à Fréjus, 38,50% à Villers-Cotterêts.

Dans plusieurs grandes villes du Sud Est, le RN est à des niveaux élevés comme à Marseille (26,31 %), Toulon (30,7 %), Perpignan (30,07 %), Nice (28 %). A Noyon il fait 33%, à Troyes, 25,7%.

A son arrivée au siège du RN lundi matin, Steeve Briois vice-président du parti et maire d’Hénin-Beaumont, a clairement fait des prochains scrutins l’objectif suivant : « On ne peut pas se suffire d’emporter quelques mairies. (…) Tout commence aujourd’hui, les municipales, les départementales et des échéances plus importantes ».

Steeve Briois vice-président du RN : « On ne peut pas se suffire d’emporter quelques mairies »
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LREM : « Le parti en tête dans toutes les grandes villes, c’est un signal fort qui va amener à réfléchir » selon Patriat

La République en Marche (LREM) a fait de bons scores dans plusieurs villes, comme à Bordeaux (29,5 %), Lyon (28,7 %), mais aussi à des communes ancrées à droite, comme Boulogne-Billancourt (40%), Neuilly-sur-Seine (47,9%), Rambouillet (25,6%). Ces bons résultats dans plusieurs villes de droite montrent l’efficacité de la ligne fixée par l’exécutif, qui a cherché à attirer l’électorat de centre-droit depuis l’élection présidentielle.

A Paris, LREM est en tête dans 16 arrondissements et fait globalement 32,9%. Il fait 46% dans le 16e, terre ancrée traditionnellement à droite.

A Nice, LREM fait 21,8% et LR ne fait que 11,7%. De quoi faire réfléchir le maire Christian Estrosi. Après s’être montré ouvert à un rapprochement avec LREM pendant des mois, l’élu de droite a finalement soutenu la candidature LR de François Xavier Bellamy, croyant sûrement le vent tourner…

Le président du groupe LREM au Sénat, François Patriat, voit dans les résultats de son parti plutôt des signaux positifs pour les municipales de 2020. « Que le parti de la majorité présidentielle soit en tête dans toutes les grandes villes, c’est un signal fort qui va amener à réfléchir tous ceux qui sont rentrés au bercail, Christian Estrosi (Nice), Jean-Luc Moudenc (Toulouse) ou Arnaud Robinet (Reims) car ils pensaient qu’Emmanuel Macron était en difficulté » s’amuse presque le sénateur de Côte-d’Or. François Patriat pense que « ceux là vont maintenant peut-être revenir pour discuter. Et on peut discuter avec tout le monde, sur une base claire, avec un accord programmatique ».

S’il souligne que « le scrutin d’hier amène un peu d’humilité pour tout le monde », le patron des sénateurs LREM ne cache pas sa satisfaction : « N’empêche, quand on fait 24 ou 25%, ça pèse ». Mais pour l’heure, « il faut laisser décanter, laisser les gens réfléchir ».

Les partisans du chef de l’Etat peuvent aussi voir dans ces européennes un autre enseignement. Si le deuxième tour de la présidentielle avait lieu aujourd’hui, Emmanuel Macron serait réélu face au RN. De quoi, là aussi, faire réfléchir les maires de droite sortants qui hésitent encore. L’intérêt d’être dans l’opposition serait plus mince.

EELV : la poussée verte change aussi la donne pour les municipales

Fort de son score de 13,47% au niveau national, Europe Ecologie-Les Verts (EELV) pourra-t-il en profiter localement ? Le parti réalise plusieurs très bons scores, comme à Nantes (24,3 %), Rennes (24,3 %), Grenoble (22,3 %) ou Lille (21,7 %). EELV est aussi en tête dans le Nord-Est parisien dans quatre arrondissements (10e, 18e, 19e, 20e) avec des scores allant de 23,6% à 28,9%. Sur l’ensemble de la capitale, EELV totalise 19,9% des voix.

En Seine-Saint-Denis, EELV arrive aussi en tête dans plusieurs villes de la petite couronne, limitrophes de Paris, comme Montreuil (24,30%), Les Lilas (24,50%), Pantin (20%). Ces résultats illustrent aussi l’évolution sociologique de ces communes, où les actifs Parisiens sont contraints de fuir la capitale et ses prix de l’immobilier devenus souvent inaccessibles.

EELV pourrait être tenté dans certains cas de monter sa liste. Mais les écologistes devront compter avec leurs alliés traditionnels, d’autant que les alliances sont plus faciles à gauche pour les municipales. Ces résultats permettront à EELV de se placer en position de force, dans certaines communes, pour mieux négocier avec les maires PS sortants. « Ils vont vouloir se compter partout, et on peut les comprendre » constate Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat. « Il ne faudra pas regarder que les dernières élections, mais il est clair que les négociations vont être dures » craint le sénateur du Nord.

PS : « On est loin du compte pour le rapport de force à créer pour les municipales » craint Patrick Kanner

Pour le PS, les résultats locaux sont à la hauteur du score national : mauvais. Le parti limite un peu plus la casse qu’ailleurs dans les villes qu’il détient comme Nantes (9,40%), à Lille (8,30%), Rennes (10,90%) ou Clermont-Ferrand (8,50%). A Paris, la liste PS-Place publique, soutenue par la maire PS Anne Hidalgo, ne fait que 8,16%.

« Certes, dans les villes PS, on fait un peu plus, mais on est loin du compte par rapport au rapport de force à créer pour les municipales. Il y aura l’équation locale, le bilan. Mais il y a des tendances qu’on ne peut pas ignorer » souligne Patrick Kanner, président du groupe PS, qui s’était opposé au choix de confier la tête de liste à Raphaël Glucksmann. Il ajoute :

« On est content d’avoir évité la correctionnelle, en ne passant pas sous les 5%, mais le PS n’est pas encore audible, on est tout juste convalescent ».

A Lille, ville dirigée par Martine Aubry, avec qui il entretient depuis longtemps des relations loin d’être bonnes, pour ne pas dire mauvaises, Patrick Kanner souligne qu’« EELV fait plus de 20%. Ils sont dans la majorité, mais c’est tendu avec la maire sur différents dossiers. Les négociations à venir ne vont pas être simples ».

LR : des municipales « très difficiles » dans les grandes villes

Comme pour le PS, le résultat des européennes n’est pas encourageant au niveau local pour LR. A Marseille, la liste LR ne fait sur toute la ville que 8,3%. A Bordeaux, LR fait 9% (contre 29,5% pour LREM), 11,7% à Nice, 10,6% à Toulou, 11,3% à Troyes. On voit cependant des poches de résistance pour LR, dans plusieurs petites communes du Cantal et de Haute-Loire.

A Paris, dans le 16e arrondissement, un fief de la droite, la liste LR arrive en second avec 24%, dans le 15e elle est troisième avec 14,9%.

Au premier abord, le sénateur LR Alain Joyandet, conseiller politique des LR, minimise l’impact sur les municipales. « Je prévois plutôt une stabilité car les maires sortants, s’ils ont bien fait leur travail, n’ont pas grand-chose à craindre. Les mouvements politiques nationaux n’ont qu’une influence de quelques points sur les élections municipales » souligne-t-il. « Mais compte tenu du contexte d’hier » Alain Joyandet admet « qu’il y aura un peu plus de mouvement dans les grandes villes ».

En réalité, face à la catastrophe des européennes, le sénateur LR de Haute-Saône reconnaît que la crainte est réelle :

« Ce qui reste notre grande force, c’est notre tissu d’élus locaux et de parlementaires. Et il est clair qu’un certain nombre de maires peuvent être tentés de continuer le mouvement de migration, c’est-à-dire une partie chez Emmanuel Macron, une partie chez Marine Le Pen, si on ne redonne pas confiance à tous nos élus pour être entendu. De toute façon ce sera très difficile ».

Alain Joyandet ajoute : « On est dans un étau et on a bien du mal à en sortir. Les élections locales qui viendront seront peut-être une façon de continuer à exister ».

Les municipales comme bouée de sauvetage de LR. Mais tout le monde ne pourra peut-être pas monter à bord et il y aura des morts. Avec une autre conséquence : si les municipales se passent mal, il y aura forcément un impact négatif pour la droite sur les prochaines sénatoriales. « Si on vient à perdre beaucoup de municipalités, c’est mécanique pour les sénatoriales » sait bien Alain Joyandet, membre de la majorité LR-UDI du Sénat, alors que 97% des grands électeurs des sénateurs sont les conseillers municipaux.

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