Fin de vie : « Cette idée de convention citoyenne, c’est du temps perdu », regrette Jonathan Denis, président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité

Fin de vie : « Cette idée de convention citoyenne, c’est du temps perdu », regrette Jonathan Denis, président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité

Sans préciser son opinion sur le sujet, Emmanuel Macron souhaite se pencher sur la question de la fin de vie en recourant à la démocratie participative. Le président-candidat a détaillé son projet et promet la création d’une Convention citoyenne sur la fin de la vie s’il est élu. Il s’engage à aller « au bout du chemin qui sera préconisé » en soumettant les propositions des membres de la convention « à la représentation nationale ou au peuple », via un référendum.
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Par Louis Dubar

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L’idée proposée le 17 mars à Aubervilliers par le président-candidat n’est pas nouvelle. Déjà en février 2021, le député de la majorité présidentielle, Roland Lescure préconisait de relancer une consultation citoyenne sur la fin de vie.

Une convention « Théodule » ?

L’idée du député LREM est reprise par le délégué général de La République en Marche, Stanislas Guéréni, « peut-être que ça serait utile de mettre en place un tel outil, une convention citoyenne pour discuter, pour créer les conditions du consensus », avait-il déclaré sur le plateau de France 3 en mars 2021. « Avec 17 propositions et projets de loi sur le sujet depuis 2012, cette idée de convention citoyenne, c’est du temps perdu », regrette Jonathan Denis, président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD). Les modalités de la proposition n’ont pas été détaillées par le chef de l’Etat : « Ça pourrait reprendre le format du ‘grand débat national’ou suivre l’exemple de la Convention citoyenne. » Une méthode « déjà vue », en 2013 François Hollande avait lancé « une conférence de citoyens », organisée par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) regroupant une vingtaine de personnes « représentatives » de la société française. Après trois week-ends à huis clos et plusieurs auditions, les membres de cette conférence recommandaient une évolution du cadre légal en autorisant le suicide médicalement assisté, « un droit légitime » selon eux.

Que dit aujourd’hui la loi ?

Sur ce sujet épineux, la loi Léonetti du 22 avril 2005 « relative aux droits des malades et à la fin de vie » constitue la première avancée majeure dans le droit français en affirmant un droit « à une fin de vie digne. » Cette législation adoptée à l’époque à l’unanimité par les parlementaires modifie en profondeur le code de la Santé publique et entend apporter un droit au « laisser mourir » en luttant contre « la prolongation artificielle de la vie. » La décision d’arrêter les traitements est décidée par le corps médical quand le prolongement des soins apparaît comme « déraisonnable. » La fin de l’intervention curative ne peut être réalisée par le médecin qu’après consultation de la « personne de confiance » ou à défaut, un des proches du malade. Le praticien peut également administrer à un malade « en phase terminale » des soins de confort, un traitement « qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger la vie. » La loi portée à l’époque par le député Jean Leonetti, précise que cette disposition autorisant les soins palliatifs « ne peut être interprétée comme conférant un droit de donner la mort mais comme un droit à apaiser la fin de vie. » La loi ne consacre aucune avancée sur la question de l’euthanasie active.

Sous le mandat de François Hollande, la législation est complétée en 2016 par la loi Claeys-Leonetti qui entend renforcer les dispositions existantes « pour une fin de vie digne et apaisée », en créant un droit à une « sédation profonde et continue jusqu’au décès associé à une analgésie et à l’arrêt des traitements », notamment de la nutrition et de l’hydratation artificielle. Ce texte est décrit par Emmanuel Macron comme une « bonne loi » mais certaines dispositions comme les directives anticipées « sont insuffisamment connues de nos compatriotes. Nous gagnerions à les faire connaître. »

Un sujet pas forcément au cœur des priorités de l’exécutif

Déjà interrogé en 2017 sur cette question éthique par le journal La Croix, le candidat Emmanuel Macron déclarait qu’il ne se précipiterait pas pour légiférer sur le sujet et promettait aux Français de ne pas céder « aux oukases des uns et des autres. » Le débat n’a été donc ni relancé par le président, ni par le gouvernement. « Il faut faire une différence entre le travail parlementaire et le travail de l’exécutif. Ce sont les parlementaires qui se sont emparés de ce sujet tout au long du quinquennat », souligne le président de l’ADMD.

A la Haute Assemblée, une proposition de loi est déposée par la sénatrice (PS) de Paris, Marie-Pierre de La Gontrie. Ce texte envisageait d’étendre les unités de soins palliatifs sur l’ensemble de l’Hexagone et un élargissement de la sédation profonde à d’autres maladies. La proposition a été retirée de l’ordre du jour le 11 mars après le vote d’un amendement par la majorité sénatoriale de droite supprimant des dispositions majeures prévues la proposition de loi. « A cette proposition de loi, le ministre de la santé Olivier Véran répond par un plan national de développement des soins palliatifs, c’est un plan sans ambition. La France consacre en moyenne 2,5 € par habitant contre 12 € en Autriche », précise Jonathan Denis.

Au Palais Bourbon, le député Libertés et Territoires Olivier Falorni avait déposé une proposition de loi similaire qui visait à ouvrir à une fin de vie « libre et choisie. » Inscrit dans le cadre de la ‘niche parlementaire’, l’examen du texte n’était pas arrivé à son terme du fait de l’avalanche d’amendements déposés par quelques députés LR, plus de 3 000. L’article 1er du texte qui définit l’aide active à mourir a été tout de même soutenu et adopté « à une large majorité, on observe une adhésion des parlementaires de tous les bords politiques sur cette question de l’aide active à mourir. »

Les Français favorables à une légalisation

D’après un sondage Ifop réalisé en février 2022, 94 % des Français se déclarent favorables à un recours à l’euthanasie et 89 % des sondés approuvent une légalisation du suicide assisté. « La fin de vie, c’est la seule question qui va tous nous concerner », explique Jonathan Denis. Selon le président de l’ADMD, trois facteurs limiteraient une légalisation de l’aide active à mourir, « il existe tout d’abord un manque de courage politique. Nous sommes habitués aux renoncements des différents gouvernements. Il existe également un important lobby religieux qui bloque toute avancée significative. » Le secteur médical représente pour Jonathan Denis, une opposition de taille, « on a toujours confié cette question aux médecins, pourtant c’est une question qui concerne en premier lieu le citoyen et la personne qui souffre. »

A moins d’un mois du premier tour de l’élection présidentielle, ce sujet de société n’a pas encore trouvé sa place dans les débats. « La santé n’a aucune place pourtant c’est un enjeu essentiel », reconnaît le président de l’ADMD. Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo se positionnent en faveur d’une légalisation. Marine Le Pen a exprimé son opposition à une évolution du cadre réglementaire mais souhaite « une amélioration des soins palliatifs. » La candidate LR, Valérie Pécresse exprime quant à elle des « réticences sur le suicide assisté. »

 

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