France Relance : des élus ultramarins dénoncent « un fléchage » peu adapté aux spécificités de leurs territoires

France Relance : des élus ultramarins dénoncent « un fléchage » peu adapté aux spécificités de leurs territoires

À l’occasion du congrès de l’Association des maires de France, plusieurs élus d’Outre-mer ont alerté sur les complications rencontrées pour bénéficier des aides du plan France Relance. Selon eux, les difficultés propres aux Outre-mer, et qui ont été aggravées par la crise sanitaire, n’ont pas été prises en compte dans le cahier des charges.
Romain David

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Les deux dernières années en ont fait des acteurs de première ligne face à la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Au fil des 21 mois écoulés, les maires de France ont eu à gérer, pêle-mêle : la saturation des services de santé, la fermeture des commerces ou encore la mise en application de la campagne vaccinale. Des situations d’autant plus difficiles dans de nombreuses communes d’Outre-mer, où les restrictions mises en place par l’État sont venues se superposer à l’endettement, à l’absence de personnel soignant ou à un manque d’infrastructures. Présenté en septembre dernier, le volet « cohésion des territoires » du plan France Relance, budgétisé à 36 milliards d’euros sur un total de 100 milliards, devrait permettre aux collectivités de retrouver de l’oxygène en finançant des projets susceptibles de relancer les économies locales. Mais lundi, à l’occasion de l’ouverture du Congrès de l’Association des maires de France, les élus ultramarins ont dressé un premier point d’étape doux-amer : les lourdeurs administratives et le cahier des charges imposé empêchent bien souvent le déblocage des fonds.

« La problématique de l’ingénierie n’est pas prise en compte »

Premier grief : le calendrier. À l’occasion d’une table ronde baptisée « quels enjeux pour la relance dans les collectivités ultramarines ? », beaucoup d’élus ont déploré la brièveté des délais imposés, qui empêche certaines communes de déposer des dossiers de demande, souvent complexes à constituer. « À l’annonce de la mise en place de ce plan de relance, nous étions dans une grande confiance et nous nous sommes dit qu’il y allait avoir de bonnes opportunités », explique Serge Hoareau, le vice-président du conseil départemental de la Réunion. Mais voilà : les municipalités se sont vite heurtées au principe de réalité. À savoir : l’absence d’assistance technique pour donner une transcription financière, architecturale ou encore technique aux projets qu’elles souhaitaient défendre.

« Est-ce que la collectivité a l’ingénierie nécessaire pour monter les dossiers ? Arriveront-ils à temps pour capter la manne financière ? Nous avons alerté sur ce point », poursuit l’élu. « On ne pas demander aux collectivités d’être réactives dans l’appel à projet si la problématique de l’ingénierie n’est pas prise en compte dans ce même appel à projet », renchérit Justin Pamphile, le maire de la ville du Lorrain en Martinique.

Un cahier des charges que peinent à remplir des territoires déjà sinistrés

Autre élément d’inquiétude : le fléchage excessif des aides, qui ne permet pas toujours aux élus de trouver les fonds nécessaires pour répondre à des problématiques ultra-locales. Pour beaucoup, la territorialisation des fonds alloués à France Relance s’arrête à l’échelon régional ou départemental, ce qui ne permet pas d’embrasser toutes les spécificités territoriales. « On a l’impression que ces politiques de relance ont été pensées mais pas concertées », relève Sophie Charles, la maire de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane. « On veut faire vite, on essaye de faire bien, mais malheureusement on fait dans l’urgence, et pas forcément dans le bon sens ».

De quoi pousser certaines collectivités à développer leur propre système d’aide pour répondre aux spécificités du tissu économique local. « On a fait un fonds qui correspondait à notre territoire, et ne répondait pas tout à fait aux conditions données par le gouvernement », explique Sophie Charles. « Pour une petite entreprise qui se trouve sur le Maroni, sans connexion internet, il était ainsi plus simple de faire les attestations et de bénéficier d’une aide de 1 000 euros, ne serait-ce que pour obtenir des masques et du gel. »

André Laignel, le vice-président de l’AMF, dénonce « l’esprit géométrique » qui borne la mise en œuvre de France Relance « là où il faudrait l’esprit de finesse ». Ambdilwahedou Soumaila, maire de Mamoudzou à Mayotte, évoque ainsi les nombreux obstacles auxquels il s’est heurté pour financer l’installation d’un simple réseau d’éclairage public. « On nous fait croire que l’argent est là, mais quand on se présente devant le guichet, on tourne en rond », soupire-t-il. In fine, de nombreux projets se voient retoqués, simplement parce qu’ils ne peuvent émarger sur aucun dispositif de développement. « Il faut cocher des cases, sauf que chez nous, dans les Outre-mer, on ne peut pas toujours cocher toutes les cases », résume Sophie Charles.

Des maires considérés comme « sous-traitants » de l’État

Ces différentes critiques font largement écho à un rapport sénatorial présenté le 27 octobre, et qui fait état du décaissement moins rapide que prévu des fonds alloués à France Relance. Auprès de Public Sénat, son rapporteur, Jean-François Husson, dénonçait d’ailleurs le poids d’un pouvoir central érigé en « décideur unique ».  André Laignel y voit l’effet d’une « recentralisation excessive », qui s’est traduite par une perte d’autonomie pour les élus, jusque dans la manière d’utiliser les aides qui leur sont proposées. À ces yeux, le fléchage excessif de France Relance fait des élus locaux les « sous-traitants » de la politique de l’exécutif. « Ce n’est pas notre vocation de n’être que des sous-traitants », alerte-t-il. Et Serge Hoareau de rappeler que les maires devront bien, une fois la crise sanitaire passée, trouver le moyen de financer les programmes sur lesquels ils ont été élus.

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