François Rebsamen : « Il vaut mieux être ministre du Travail aujourd’hui que sous François Hollande ! »

François Rebsamen : « Il vaut mieux être ministre du Travail aujourd’hui que sous François Hollande ! »

S’il rejoint Emmanuel Macron avec son parti « Fédération progressiste », François Rebsamen, maire jusqu’ici PS de Dijon, ne veut pas être un « béni-oui-oui » de la macronie. Il dénonce la campagne d’Anne Hidalgo et la direction du PS. Pour lui, voter Macron « est une évidence ».
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Son nom était évoqué depuis un moment. C’est fait depuis le mois dernier. Le maire de Dijon, François Rebsamen, socialiste depuis près de 50 ans, a décidé de rejoindre Emmanuel Macron. Il crée au passage la « Fédération progressiste », un parti qui se revendique social-démocrate avec lequel il ambitionne de structurer « la jambe gauche » de la majorité présidentielle. Malgré son ralliement, l’ancien sénateur PS assure « rester de gauche » et revendique « une certaine indépendance et une capacité à dire ce qu’on pense. On ne souhaite pas être des béni-oui-oui », prévient François Rebsamen.

Il estime que la candidate socialiste, Anne Hidalgo, « n’est plus crédible » après s’être mise « entre les mains des frondeurs » et avoir fait « des propositions totalement irréalistes ». Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui « a voulu éliminer la gauche de gouvernement », a « mené à ce désastre », selon l’ancien ministre du Travail de François Hollande. « C’est un ami », dit de l’ancien chef de l’Etat cet hollandais historique. Mais François Rebsamen ne croit à pas à son retour : « On ne peut pas être et avoir été ». Entretien.

Après avoir apporté votre soutien à Emmanuel Macron, vous créez un nouveau parti, « Fédération progressiste », qui se revendique de la social-démocratie et qui veut être « une force de gauche audible et crédible ». Mais est-ce qu’Emmanuel Macron est de gauche ?

Vous connaissez la formule des « méchants socialistes », qui disent « il est et de droite et de droite ». Moi, je dis qu’il est et de gauche et de droite. Dans son programme, il y a des mesures que les socialistes n’ont pas prises et auraient pu prendre. Et il y a des mesures disons plutôt libérales. Pour moi, c’est un social-libéral. C’est surtout le Président de la République et il a la stature. Pour moi, c’est une évidence. Etant le plus compétent, j’ai choisi de voter pour Emmanuel Macron. Mais j’ai bien dit que je ne rejoignais pas la macronie, je reste de gauche.

Votre objectif n’est pas d’être la jambe gauche de la macronie ?

Si. Mais ça suppose une certaine indépendance et une capacité à dire ce qu’on pense. On ne souhaite pas être des béni-oui-oui. Les mesures des premières années du quinquennat ne correspondaient pas à ce que je pensais, je ne me suis pas privé pour le dire. Et quand ça correspondait à une politique sociale-démocrate, je l’ai dit aussi.

S’il avait fini par les deux premières années, je ne serais pas sûr de voter pour lui dès le premier tour. Mais lors de la crise du covid, il y a eu le quoi qu’il en coûte. C’est une relance keynésienne qu’il a faite. Il est allé chercher un emprunt au niveau européen, avec ce plan de relance, et 8,5 millions de salariés ont été payés pendant la pandémie à ne pas travailler, avec le chômage partiel. Il n’y a pas beaucoup de pays au monde qui ont fait ça. Il a bien géré cette crise du covid. Il l’a vraiment gérée avec finesse et intelligence. Les gilets jaunes lui ont permis de découvrir les collectivités territoriales, ce qui était pour lui un impensé. Maintenant, il connaît les maires. Il a des côtés libéraux et des côtés sociaux.

Dans cette campagne, Emmanuel Macron propose la retraite à 65 ans, le RSA conditionné à des heures de travail, il a des propos qui visent les enseignants et Nicolas Sarkozy est salué « sur la question du travail et du mérite ». Est-ce que vous vous retrouvez dans ces éléments défendus par le candidat ?

Ça dépend ce qu’on prend chez Emmanuel Macron. Il y a des mesures qu’on peut qualifier de gauche et d’autres de droite. Quand il a dédoublé les classes au début de son quinquennat, j’ai applaudi des deux mains. Le PS ne l’avait jamais réalisé. Il a supprimé l’ISF, je n’y étais pas favorable. C’est une mesure que je considère comme de droite. Il y a de tout. Il faut comprendre la pensée de Macron. Il veut une société du travail. Je suis favorable aussi à ça. Et il y a eu un million d’emplois créés. Il vaut mieux être ministre du Travail aujourd’hui que sous François Hollande ! On ne commente plus les courbes d’ailleurs… (rires) Sur la retraite à 65 ans, les socialistes auraient augmenté la durée de cotisation. Lui a choisi de prendre en compte les carrières longues. La pénibilité sera prise en compte et le dialogue social sera là. Je suis pour plus de liberté. Si on veut travailler plus longtemps, je suis pour qu’on puisse le faire. Il faut aussi que les pensions soient réindexées sur l’inflation.

Quant au RSA, c’est un faux débat. Ça a été mal présenté. Mais on est loin du RMI de Michel Rocard. Quand vous avec 40 % de gens au RSA qui ne font rien pendant 5 ans, il faut faire quelque chose. Il avait un peu bâclé la présentation de ces deux mesures. Il a fallu des explications.

Pourquoi ne pas avoir soutenu Anne Hidalgo, qui se revendique aussi de la social-démocratie ?

Anne Hidalgo aurait pu être effectivement la figure crédible de la social-démocratie. Mais elle s’est tout de suite mise entre les mains des frondeurs et elle a d’entrée décrédibilisé sa propre candidature en annonçant des propositions totalement irréalistes. En septembre, je lui ai dit les choses franchement. Je ne peux pas chaque matin découvrir une proposition que je ne connais pas et que tu présentes dans la presse. Nous n’avons pas été associés au projet des socialistes, il n’y a pas eu de débat, elle a refusé de débattre avec Stéphane Le Foll, ce qui l’aurait aidé. Elle n’a pas obtenu que le PS travaille. Elle en paye les pots cassés. A partir de là, elle n’est plus crédible. C’est fini.

Quand vous voyez que le PS, qui a été votre parti pendant des années, est crédité de 2 % d’intentions de vote, que ressentez-vous ?

Ça me fait mal au cœur de voir où est tombé le PS. Dans les querelles de succession, de prise de pouvoir, le premier secrétaire Olivier Faure a voulu éliminer une génération qui avait participé, de près ou de loin, au pouvoir. Il a voulu éliminer la gauche de gouvernement. Ils ont fait ce qu’ils appellent l’équipe de France des maires. Mais quatre maires qui avaient été ministres – celui du Mans, de Boulogne-sur-Mer, de Brest et celui de Dijon – n’en faisaient pas partie. C’est quand même drôle. Tout cela nous mène à ce désastre.

Vous dites qu’« il est temps d’offrir aux Français une véritable alternative sociale-démocrate ». Est-ce qu’à l’avenir, François Hollande peut encore l’incarner, lui qui semble ne pas avoir écarté toute ambition ?

Quand on a été Président, on a vécu des choses particulières, on a eu une responsabilité. On peut avoir un rôle de sage, mais on ne peut plus être acteur principal. Le PS aurait dû mettre en place une sorte de comité des sages. J’aime bien François Hollande. C’est un ami. Mais on ne peut pas être et avoir été. On peut donner des conseils, être quelqu’un d’important dans la vie publique. Mais on ne peut pas redevenir ce qu’on a été.

Comptez-vous présenter des candidats aux législatives et avoir un groupe à l’Assemblée nationale avec Fédération progressiste ?

Je répondrai après la présidentielle. Il y en a beaucoup trop qui pensent aux législatives et pas à la présidentielle. Ils feraient bien de se méfier. Il faut consacrer les quinze jours à venir à faire réélire Emmanuel Macron. Tous ceux qui ont un rôle au Parlement doivent faire la campagne d’Emmanuel Macron, mais pas leur campagne propre.

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