François Rebsamen lance un parti pour « attirer tous les déçus du PS » et soutenir Macron

François Rebsamen lance un parti pour « attirer tous les déçus du PS » et soutenir Macron

Le maire de Dijon, un hollandais historique, lance « Fédération progressiste », un nouveau parti pour structurer « la jambe gauche » de la majorité, composé d’élus locaux ou d’anciens ministres socialistes, comme Marisol Touraine ou Juliette Méadel. S’il soutient Emmanuel Macron, ce mouvement revendique son « indépendance ». Il présentera des candidats aux législatives.
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A moins d’une semaine du premier tour, c’est un nouveau signe envoyé aux électeurs de gauche de la part du camp d’Emmanuel Macron. Après un grand meeting samedi à La Défense Arena, où le candidat un donné un petit coup de barre à gauche à sa campagne, c’est maintenant l’aile gauche de la macronie qui voit l’arrivée d’un nouveau parti, comme le révèle Le Parisien. « Fédération progressiste », c’est le nom du parti lancé par le maire de Dijon, François Rebsamen, jusqu’ici membre du Parti socialiste. L’ancien ministre du Travail de François Hollande avait déjà annoncé en mars son soutien au chef de l’Etat. Il passe maintenant à la vitesse supérieure.

« Offrir aux Français une véritable alternative social-démocrate »

Refusant de « voir disparaître le socialisme », l’ancien président du groupe PS du Sénat, qui appelle dans un communiqué à voter Macron « dès le premier tour », entend « structurer une force de gauche, audible et crédible ». Objectif : « Porter un projet social, républicain, écologique et européen ».

Critique de la ligne portée par la direction du PS, François Rebsamen soutient que « devant la gravité de la période, la dangereuse montée de l’extrême droite, il est temps d’offrir aux Français une véritable alternative sociale-démocrate ». Le maire de Dijon dit aujourd’hui se reconnaître dans la « vision universaliste, pro-européenne, la volonté réformatrice et le projet sociétal progressiste, porté par Emmanuel Macron ».

« Un soutien total au Président, mais un parti indépendant »

C’est bien « la faillite du PS », explique l’entourage de François Rebsamen, qui pousse aussi le socialiste à se rapprocher du Président sortant. L’ambition est de « structurer la jambe gauche de la majorité présidentielle et de la renforcer. C’est l’aile gauche du en même temps », soutient un proche du maire de Dijon. Fédération progressiste, qui se veut être « un mouvement social-démocrate avec Emmanuel Macron », n’entend pas se fondre pour autant dans la majorité présidentielle. « Le mouvement compte présenter des candidats aux législatives », assure-t-on, avec l’idée de constituer « des accords de gouvernement » dans un esprit « d’unité nationale ». Une sorte de « conception de gouvernement à l’allemande » pour mieux défendre « certaines idées progressistes qui ne sont peut-être pas représentées actuellement dans la majorité ».

On tient au passage à expliquer que « ça ne dépend pas d’En Marche ou de Territoires de Progrès (autre mouvement de l’aile gauche de Macron, ndlr). C’est un soutien total au Président, mais c’est un parti indépendant », qui saura garder sa liberté de parole, s’il le faut. Un modèle qui n’est pas sans rappeler, sur l’autre bord du navire macroniste, Horizons, le mouvement lancé par Edouard Philippe et qui entend incarner l’aile droite.

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Pour l’heure, ce nouveau parti commence simplement au nombre de 13 membres. Des élus et des maires, comme celui de Clichy-sous-Bois, Olivier Klein, celui de Mende, Laurent Suau, de Dunkerque, Patrice Vergriete, ou encore Juliette Méadel, l’ex-secrétaire d’Etat à l’Aide aux victimes sous Hollande. L’ancien ministre Thierry Repentin n’a lui pas totalement franchi le pas, mais il pourrait le faire dans un second temps. D’autres arrivées sont attendues et espérées après le premier tour, pour arriver à une trentaine de membres. L’ancienne ministre de la Santé socialiste, Marisol Touraine, a elle bien rejoint le parti, explique-t-on à Fédération progressiste. Une tribune rassemblant ces élus va paraître prochainement.

« On est un peu les orphelins de la gauche de gouvernement » lance Juliette Méadel

Pour Juliette Méadel, qui n’a plus sa carte au PS depuis 3 ans, ce soutien va de soi. « On est un peu les orphelins de la gauche de gouvernement », dit-elle, « le vote Macron, c’est le seul débouché social-démocrate crédible pour 2022 ». L’ancienne porte-parole du PS salue « la politique du quoi qu’il en coûte lors de la pandémie. C’était le meilleur choix possible, celui qui protège les plus fragiles ».

Juliette Méadel y voit « une vraie politique d’intervention publique dans l’économie. C’est aussi ça qui est le cœur de mon engagement ». La crise ukrainienne, « gérée efficacement, avec beaucoup de fermeté et de doigté », est aussi « à mettre à l’actif du Président », pour celle qui avait voté Macron dès le premier tour en 2017.

« C’est bien d’unir nos efforts » salue la ministre Emmanuelle Wargon, responsable de Territoires de progrès

Reste qu’avec ce nouveau mouvement, ça se bouscule un peu au portillon de l’aile gauche macroniste. Territoires de progrès et En Commun tentent déjà de faire entendre cette voix. Faut-il y voir une forme de concurrence ou un renfort bienvenu ? « C’est bien d’unir nos efforts », soutient à publicsenat.fr Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement et présidente du Conseil national de Territoires de progrès. « Dans cette initiative, il y a un certain nombre de personnalités de gauche qui affirment leur soutien au Président. Et ça, c’est très important, même essentiel, dans la période. Ce sont des personnalités avec qui j’ai eu des relations régulières dans mes fonctions ministérielles ou avec Territoires de progrès, que ce soit avec François Rebsamen ou le maire de Blagnac, Joseph Carles », explique la responsable de Territoires de progrès, présidé par le ministre Olivier Dussopt.

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A écouter Emmanuelle Wargon, il n’y a pas de malaise, au contraire. « C’est bien de montrer aux électeurs de centre gauche, de gauche sociale-démocrate, que le vote utile au premier tour, c’est Emmanuel Macron. C’est très bien que ces voix s’élèvent. Et c’est très complémentaire avec le discours du candidat samedi à La Défense Arena, qui a dit sa volonté d’aller vers le progrès, le progrès social », soutient la ministre. Quant aux « questions d’organisation, elles seront à voir plus tard. Pour l’heure nous sommes tous unis derrière Emmanuel Macron ».

« Un sas d’entrée dans la majorité », selon François Patriat

En réalité, les deux structures ne semblent pas se positionner tout à fait sur le même terrain. « Les gens de Territoires de Progrès étaient déjà en soutien du gouvernement et se sont organisés ensuite en tant qu’anciens de gauche. Là, il s’agit de faire venir des gens qui n’ont pas toujours soutenu le Président et qui ont décidé de le rejoindre », décrypte François Patriat, à la tête du groupe des sénateurs marcheurs, « c’est un sas d’entrée dans la majorité ». Le sénateur LREM salue « les qualités de mobilisateur de François Rebsamen. Il amène des gens au-delà des soutiens du Président, et même pas mal de sénateurs qui donnent des signes, et qui vont franchir le pas », espère François Patriat. Si ses relations avec le maire de Dijon ont pu connaître quelques tensions dans le passé, elles sont aujourd’hui normalisées. Pour François Patriat, « à partir du moment où on dit depuis des mois qu’on est pour le rassemblement et le dépassement, tous ceux qui pensent qu’il vaut mieux confier le pays à Emmanuel Macron plutôt qu’à Marine Le Pen sont les bienvenus ».

Pour la suite, le sénateur de Côte-d’Or imagine tout le monde « participer demain à une grande majorité, qui pourra soutenir l’action du gouvernement ». François Patriat ajoute : « J’espère qu’on fera un grand mouvement, quand Emmanuel Macron sera réélu, pour sortir de toutes nos chapelles ». Le lancement d’un tel mouvement est en effet dans les cartons, en cas de réélection du chef de l’Etat.

« Tout ça, ce sont des socialistes en peau de lapin », dénonce le socialiste Patrick Kanner

Il y en a un qui voit d’un mauvais œil ce nouveau parti, c’est Patrick Kanner. Comme François Rebsamen, c’est un ancien hollandais. Mais le président du groupe PS du Sénat reste fidèle au parti à la rose. « Tout ça, ce sont des socialistes en peau de lapin, qui à part François Rebsamen, avaient déjà depuis bien longtemps franchi le Rubicon », pointe le sénateur PS du Nord, « ils viennent conformer la cohorte de gens qui n’ont pas beaucoup de colonne vertébrale ». Le directeur adjoint de la campagne d’Anne Hidalgo ajoute : « Ils ont senti l’odeur de la soupe et du plat de lentilles. Mais ils devraient se méfier, car cette odeur peut tourner au vinaigre… » Pour l’ancien ministre de la Ville, « quand on soutient Emmanuel Macron, on n’est plus de gauche. On peut être intéressé par un poste ministériel ». Quant à François Rebsamen, Patrick Kanner dit « avoir de la peine quant à son évolution. Il espère peut-être devenir ministre de l’Intérieur, ce qu’il a toujours rêvé d’être ».

« C’est vraiment de la vieille histoire. Il n’a aucune envie d’aller au ministère de l’Intérieur, ni d’être ministre. Il n’y a pas de plat de lentilles » rétorque-t-on, dans l’entourage de François Rebsamen. « L’objectif » du nouveau parti est avant tout « d’attirer tous les déçus du PS bien sûr, et au-delà, tous ceux qui partagent les fondements de la social-démocratie ». Avec une candidate du PS créditée d’environ 2 % d’intentions de vote, il y a forcément des anciens électeurs du PS dans la nature à récupérer. Et en cas de second tour face à Marine Le Pen, ces voix-là seront indispensables à Emmanuel Macron pour l’emporter.

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