Friture sur la ligne au groupe PS du Sénat

Friture sur la ligne au groupe PS du Sénat

Didier Guillaume a proposé aux sénateurs du groupe PS de voter à nouveau sur leur ligne pour tenter de clore la crise qui traverse le groupe depuis plusieurs jours. Mais une partie des sénateurs conteste le compromis actuel et pourrait proposer un autre texte plaçant clairement le groupe dans l’opposition.
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Au PS, on s’engueule, puis on vote. Le groupe PS du Sénat traverse un moment de crise, comme l’affectionnent les socialistes, après un tweet vendredi dernier de son président, Didier Guillaume, pour féliciter l’ex-député PS Olivier Dussopt suite à sa nomination au gouvernement. Un message public qui est mal passé au sein de l’aile plus à gauche du groupe, qui souhaite clairement se situer dans l’opposition à Macron, quand Didier Guillaume défend une forme de bienveillance, plus ou moins marquée, pour le chef de l’Etat.

Après des attaques lancées via Twitter vendredi, puis auprès de Public Sénat lundi (voir notre article), les sénateurs PS se sont expliqués mardi, dans le huis clos de leur réunion de groupe. Le débat a été long. Nombre de sénateurs ont reproché plus ou moins fortement à Didier Guillaume son expression publique. Mais à la sortie, les rares sénateurs à accepter de parler voulaient visiblement calmer le jeu et ne pas en rajouter, après la tension des derniers jours. La volonté de rester unis, pour ce groupe de 78 membres qui a limité la casse aux sénatoriales, reste pour le moment plus forte. Au cours de la réunion, Didier Guillaume a défendu son message comme une expression personnelle.

Nouveau vote « pour mettre fin à toute ambiguïté »

Comme nous l’avons souligné mardi, la réunion de la semaine prochaine, où une AG du groupe est à l’agenda, sera encore l’occasion de débattre de la ligne. Didier Guillaume a proposé que les sénateurs votent à nouveau sur la ligne du groupe. Un vote qui a déjà eu lieu fin septembre. Face au risque de scission alors évoquée, les socialistes avaient trouvé une synthèse dont ils ont le secret : le groupe PS du Sénat se situe en opposition à la majorité sénatoriale LR-UDI de Gérard Larcher et, en même temps, n’est pas dans la majorité présidentielle d’Emmanuel Macron. Une formule qui inclut autant les socialistes qui se placent en stricte opposition au chef de l’Etat et ceux, plus constructifs, qui souhaitent se positionner au cas par cas. La ligne défendue par Didier Guillaume.

Selon nos informations, les sénateurs PS ont reçu par mail l’objet du vote. Il s’agira bien de voter « à nouveau » sur la ligne adoptée fin septembre, « pour mettre fin à toute ambiguïté » selon le mail. En annonçant ce vote, le président de groupe peut espérer clore l’incident et tourner la page. D’autant que ces divisions tombent mal, alors que le Sénat est en plein débat budgétaire.

« La clarification, ce n’est pas revoter sur la même formulation »

Mais certains s’étonnent de cette proposition de vote, qui prendrait des allures de « plébiscite » pour Didier Guillaume. « Il a pas mal été secoué mardi. Il fallait qu’il trouve une porte de sortie. C’est assez habile », constate un sénateur du groupe. En effet, en revotant pour une ligne déjà très majoritairement adoptée à main levée, à la quasi-unanimité, Didier Guillaume pourrait espérer consolider sa position à la tête du groupe, ébranlée par les derniers événements.

Reste que l’idée de se prononcer sur le même texte ne satisfait pas tous les sénateurs PS. « La clarification, ce n’est pas revoter sur la même formulation » estime l’un des sénateurs contestataires. Certains envisagent de proposer de soumettre au vote un autre texte où le mot « opposition » serait inscrit. Cela avait déjà été le cas, lors du vote de septembre. Cette ligne d’opposition avait même remporté une courte majorité. Mais face à un vote confus, les sénateurs avaient accepté de revoter sur une formulation plus rassembleuse sans le mot opposition, celle qu’on connaît.

« On verra ce qui sort de ce débat. Les deux lignes, c’est sommes-nous dans l’opposition au gouvernement ou dans l’opposition à la majorité sénatoriale ? (…) C’est une approche stratégique qui est différente » souligne le sénateur de Saône-et-Loire, Jérôme Durain. Ce proche d’Arnaud Montebourg lors de la primaire souligne que « la volonté de rester ensemble » reste malgré tout « un élément très fort » (voir la vidéo, images de Sandra Cerqueira). Se diviser, c’est aussi perdre en influence au Sénat. Les places en commission et dans les postes à responsabilité au bureau du Sénat sont proportionnels au poids des groupes.

Le sénateur Jérôme Durain sur le débat sur la ligne au groupe PS du Sénat
01:38

« C’est dommage de faire des psychodrames, on a vraiment besoin de fonctionner ensemble »

« La ligne politique, on l’a clarifiée fin septembre. C’est dommage de faire des psychodrames, on a vraiment besoin de fonctionner ensemble » fait valoir pour sa part à Public Sénat Jean-Yves Leconte, sénateur PS des Français établis hors de France. Dans cette « période de doute » et de « crise fondamentale » pour le PS, il plaide pour « une certaine bienveillance ». Regardez :

Jean-Yves Leconte, sénateur PS : « C’est dommage de faire des psychodrames, on a vraiment besoin de fonctionner ensemble »
00:29

« Ce mot d’opposition peut diviser, mais est-ce qu’on franchit un pas supplémentaire ? »

Mais un autre sénateur, modéré sur la ligne, s’interroge aussi, sous couvert d’anonymat, sur le positionnement du groupe : « Ce mot d’opposition peut diviser, mais est-ce qu’on franchit un pas supplémentaire ? Et y aura-t-il contestation ? Peut-être faut-il expliquer ce mot d’opposition ». Le même s’étonne que Didier Guillaume n’ait pas fait « un geste » mardi dernier avec « un petit mea culpa, qui aurait pu être utile ». L’idée du vote peut devenir dans ces conditions « périlleuse ». « On arrive dans une période décisive, sinon majeure » ajoute ce sénateur… Les grandes manœuvres sont lancées.

Pour Jérôme Durain, « il faut être plus frontalement contre la position du président de la République, quand ça le mérite, (…) le dire haut et fort. (…) D’autres ne pensent pas la même chose. Il y a une logique majoritaire qui doit l’emporter. On va revalider cette logique majoritaire, en tout cas la redéfinir mardi. Je ne suis pas certain qu’on ait besoin de sang et de larmes pour cela ». Le rapport de force montre un groupe coupé en deux. Lors du vote pour le président de groupe, Didier Guillaume avait obtenu la majorité au premier tour, mais de justesse (deux voix) et face à deux candidats, Laurence Rossignol et Martial Bourquin.

Les cartes pourraient être rebattues après le congrès du PS

La démission de Didier Guillaume n’a pas été demandée, lors de la dernière réunion mardi. « Ce n’est pas une chasse à l’homme », souligne un frondeur, mais il pense que Didier Guillaume se retrouve petit à petit « isolé ». Comme nous l’évoquions lundi, des sénateurs pensent que le président de groupe, ancien directeur de campagne de Manuel Valls pour la primaire, entretient volontairement une forme d’ambiguïté pour servir « une stratégie qui dépasse le groupe ». Celle qui viserait à faire, à l’avenir, des vallsistes la jambe gauche de la majorité d’Emmanuel Macron. Des constructifs de gauche en somme.

L’approche du congrès du PS, début avril, devrait pousser les sénateurs à trouver la solution jusque-là. Après, les cartes pourraient être rebattues. Et certains, qui paraîtront plus rassembleurs, se découvriront peut-être une vocation de président de groupe, d’ici là…

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