Gares SNCF : l’entreprise est dans « une impasse financière », épingle la Cour des comptes

Gares SNCF : l’entreprise est dans « une impasse financière », épingle la Cour des comptes

La Cour des comptes rendait ce mardi un rapport sur « les gares ferroviaires de voyageurs ». Et le bilan est sévère : l’offre de service n’est pas bien définie, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous, et une impasse financière empêche de procéder aux investissements nécessaires. Justement, le Sénat a lancé en février dernier une mission de contrôle sur la situation et les perspectives financières de la SNCF.
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Par Fanny Conquy

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Devenue société anonyme le 1er janvier 2020, « Gares et Connexions » est désormais une filiale de SNCF Réseau. Elle gère et entretient 3 017 gares. Mais pour les Sages, le compte n’y est pas. Et cela ne surprend pas Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire au Sénat : « La pandémie a eu de terribles conséquences. Il y a eu une telle baisse de trafic, la perte est estimée à 3 milliards d’euros pour la SNCF. La pandémie n’a pas arrangé les choses, mais il y avait déjà la nécessité d’avoir une vraie réflexion ».

Premier constat de la Cour des comptes : l’offre de service n’est pas claire, en ce qui concerne par exemple l’existence d’une signalétique pour s’orienter et trouver un train, ou encore la présence d’écrans d’information régulièrement actualisés. « Si ces services ont été sommairement listés dans un décret du 20 janvier 2012, aucun cahier des charges n’a été mis au point pour en définir la teneur précise et fixer le niveau de service correspondant à chaque catégorie de gares ».

Par ailleurs, la qualité de service n’est pas à la hauteur non plus. Il existe des indicateurs, mais « limités en nombre et parfois peu pertinents dans leur définition, d’objectifs encore peu contraignants et d’un système d’incitations financières dont les effets restent faibles ».

Plan de performance

Le manque de performance de l’entreprise constitue une des conclusions du rapport. Dans ses recommandations la Cour des comptes suggère par exemple d’ « établir un plan de performance pluriannuel fondé sur une convergence aux meilleurs coûts unitaires des prestations de service ».

Pour sa part, Jean-François Longeot estime qu’il est absolument nécessaire de définir les choses. « Qui fait quoi ? Comment on le fait ? Pour aller où ? Avec quels développements ? Avec le plan de relance par exemple, il y a eu beaucoup d’argent accordé pour améliorer les réseaux, les dessertes… Mais comment faire si l’on n’a pas des gares à la hauteur ? Il faut une vraie stratégie. »

En décembre dernier, Jean-Pierre Farandou était auditionné au Sénat comme candidat à sa réélection aux fonctions de président-directeur général de la SNCF. Au cours des échanges, le sénateur LR de Vendée Didier Mandelli l’avait interrogé sur les négociations concernant l’actualisation du contrat de performance. Jean-Pierre Farandou avait alors expliqué : « La loi prévoit effectivement la signature d’un contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau et entre l’État et Gares & Connexions. Le processus a pris beaucoup de retard, en partie à cause du covid, et la signature est donc reportée à l’an prochain. Le décalage en date est gênant, sans doute, mais je préfère un décalage avec un travail sérieux qu’un travail trop rapide. C’est un sujet très important, puisqu’à travers le contrat de performance, c’est toute la stratégie ferroviaire qui se conçoit ».

Manque de transparence

« Gares et Connexions » a deux ressources financières : d’une part, les redevances versées par les transporteurs ferroviaires pour chaque départ de train. Et d’autre part, l’attribution de concessions commerciales dans les gares. Mais selon la Cour des comptes, le modèle montre des faiblesses. Le rapport estime par exemple que le système de redevances est « opaque, inégalitaire et trop favorable aux transporteurs ».

La Cour des comptes pointe certaines différences entre gares : « A Lyon Part Dieu, la redevance par départ/train s’établissait en 2020 à 106,10  € pour un train national, contre 197,94  € à Meuse TGV. Cette hétérogénéité des tarifs, qui n’est pas justifiée par des différences dans la nature des services offerts aux transporteurs dans les gares concernées, se traduit par des effets contre-productifs pour l’ensemble du système ». Pour Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire, « il faut en effet une clarification. Cela est trop flou. »

Besoin de financements

La Cour des comptes juge que les ressources de « Gares et Connexions » ne permettent pas de financer des investissements pourtant nécessaires. Une des solutions avancées par le rapport serait de faire intervenir davantage l’Etat : « Il est nécessaire que l’État assume ses responsabilités de propriétaire et mobilise les moyens budgétaires nécessaires à la modernisation des gares et au maintien en condition d’un patrimoine historique, qu’il a décidé de préserver ».

Autre solution suggérée : renforcer le rôle des régions dans la gestion des gares. « Ouvrir aux régions la possibilité de demander le transfert de la propriété des gares d’intérêt local ou régional pourrait leur permettre d’y effectuer des choix d’investissements en cohérence avec leurs décisions en matière de mobilités ». Pour Jean-François Longeot, il est nécessaire en effet de remettre certaines choses à plat : « Il est toujours possible de remettre en question un système quand on voit que cela ne fonctionne pas. La SNCF va devoir démontrer qu’elle est la mieux à même de gérer les gares… Car les régions en effet, pourraient tout à fait jouer un rôle. »

Par ailleurs, au Sénat, l’ancien président de la commission de l’Aménagement du territoire Hervé Maurey et le sénateur LR Stéphane Sautarel, ont annoncé en février dernier, la création d’une mission de contrôle sur les perspectives financières de la SNCF, qui souffrait avant même le début de la crise d’un endettement et de déficits récurrents. Dans les semaines à venir, ils doivent auditionner les principaux dirigeants du groupe SNCF, des administrations, des agences ainsi que d’autres experts du secteur ferroviaire.

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