Gens du voyage : une proposition de loi veut renforcer les sanctions en cas d’installation illicite

Gens du voyage : une proposition de loi veut renforcer les sanctions en cas d’installation illicite

Deux propositions de loi, déposées par des sénateurs LR et de l’Union centriste veulent apporter aux communes « des réponses concrètes aux problèmes posés par les installations illicites » des gens du voyage. Elles prévoient notamment de durcir les peines mais aussi de clarifier les compétences locales sur la question des aires d’accueil.
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17 ans après la loi Besson II, qui oblige les communes de plus de 5.000 habitants à mettre à disposition des emplacements permanents pour les caravanes, l’accueil des gens du voyage reste un défi pour les collectivités locales. Une proposition de loi « relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites » va être examinée en séance au Sénat à partir du 31 octobre.

Le texte débattu est la synthèse de deux textes déposés récemment par Jean-Claude Carle (LR) et Loïc Hervé (UC), et par plus d’une vingtaine de leurs collègues de leurs groupes respectifs. Il vise à « apporter des réponses concrètes aux problèmes posés par les installations illicites », selon la rapporteure Catherine Di Folco (LR). Parmi ces réponses : un renforcement des sanctions pénales, une accélération des procédures d’évacuation ou encore des clarifications dans la mise en œuvre des schémas départementaux d’accueil.

 → Accueil des gens du voyage : reportage à Carrières-sous-Poissy

« Les élus locaux se trouvent souvent démunis. Les stationnements illicites de résidences mobiles persistent malgré l'amélioration du taux de réalisation des schémas départementaux », exposait dans ses motifs la proposition portée par Jean-Claude Carle. « Le problème, c'est que dans les communes qui le mettent en œuvre, ils s'installent quand même n'importe où ! À quoi bon, dès lors, se mettre en conformité avec les prescriptions légales ? », pointait en commission François Grosdidier, le sénateur LR de Moselle.

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« On est démuni », déclare Karl Olive, maire LR de Poissy

Que disent les chiffres ? Selon un rapport récent du gouvernement, ils ont progressé mais demeurent encore « insuffisants » (de l’avis de la Cour des comptes en 2017). On comptait, fin 2016, 26.755 places disponibles dans les aires permanentes d’accueil aménagées (soit 70,2% des prescriptions de l’ensemble des schémas départementaux). Le rapport précise également que seulement 18 départements ont rempli pleinement leurs objectifs. Catherine Di Folco pointe notamment « le désengagement financier de l’État ». « Ça n'est pas évident pour les collectivités », insiste Jean-Claude Carle.

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Financement : « Ça n'est pas évident pour les collectivités », déclare Jean-Claude Carle

Alourdissement des peines et création d’un délit d’occupation répétée

Première mesure concrète : la proposition de loi espère renforcer l’effet dissuasif de la réponse pénale en cas d’occupation illégale d’un terrain public ou privé. Le texte prévoit de doubler les peines actuellement prévues en les portant à un an de prison et 7.500 euros d’amende.

Même alourdissement des sanctions, en cas de détérioration ou de destruction. Le texte entend punir plus sévèrement les cas de récidive en créant un délit « d’occupation habituelle » : une occupation illicite, constatée au moins cinq fois sur une période de deux ans, serait passible de 45.000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement.

Cette approche ne fait pas l’unanimité à droite. « L'aggravation des sanctions pénales risque de ne pas avoir grande efficacité », a fait remarquer le président de la commission des Lois, le sénateur Philippe Bas (LR), lors des débats en commission.

« Aujourd'hui, les juges ne prononcent jamais la peine maximale, est-il utile de la relever ? », a soulevé du côté socialiste, Jean-Yves Leconte, qui a qualifié de « déséquilibré » le rapport de Catherine Di Folco. Le sénateur des Français de l'étranger a par ailleurs rappelé dans Sénat 360 que des « dispositions [étaient] en cours de mise en route » avec la récente loi Égalité et Citoyenneté, adoptée en décembre 2016 :

PPL sur les gens du voyage : « Des dispositions sont en cours de mise en route », rappelle Jean-Yves Leconte
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La loi Égalité et Citoyenneté de 2016 s'est déjà penchée sur la question de l'accueil des gens du voyage, rappelle Jean-Yves Leconte

« Comment peut-on imaginer que des gens du voyage vont pouvoir payer une amende de 100.000 euros ? La proposition de loi est inapplicable », a critiqué dans Sénat 360 Laurent El-Ghozi, président de la Fnasat-Gens du voyage (Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et les Gens du voyage). Selon lui, « les premiers qui n'appliquent pas la loi, ce sont les maires ».

Gens du voyage : « La proposition de loi est inapplicable » (Laurent El-Ghozi)
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Amendes : « La proposition de loi est inapplicable », critique Laurent El-Ghozi, président de la Fnasat-Gens du voyage

« Les collectivités qui ne seront pas en conformité ne bénéficieront pas de cette loi », a insisté Jean-Claude Carle dans Sénat 360 :

Gens du voyage : « Les collectivités qui ne seront pas en conformité ne bénéficieront pas de cette loi » (Carle)
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« Ne réduisez pas nos propositions à la seule sanction », insiste Jean-Claude Carle

L’évacuation des campements illégaux

La proposition de loi prévoit de « moderniser la procédure administrative d’évacuation des campements illicites », en accélérant les procédures.

Elle étend également les possibilités d’y recourir. Actuellement, le préfet, à la demande du maire ou du propriétaire du terrain occupé, peut ordonner une mise en demeure et une évacuation si le stationnement illégal est de « nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Le texte propose d’ajouter l’hypothèse d’une « atteinte d'une exceptionnelle gravité au droit de propriété, à la liberté d'aller et venir, à la liberté du commerce et de l'industrie ou à la continuité du service public ».

Avant d’être amendé en commission, le texte de Jean-Claude Carle prévoyait, en cas d’occupation illégale, que le préfet propose « un stationnement dans une aire ou un terrain d'accueil situé à moins de 50 kilomètres ». Sans trouble à l’ordre public, la rapporteure avait alerté sur les risques d’inconstitutionnalité. Dans un avis rendu il y a deux semaines, le Défenseur des droits Jacques Toubon s’était inquiété de cette disposition, qui aurait créé, selon lui, « un nouveau cas d’expulsion sommaire ».

Responsabilités en matière d’accueil : un besoin de clarification des compétences

Sur l’accueil des gens du voyage, la loi en discussion en Sénat espère par ailleurs « clarifier » la répartition des rôles chez les collectivités territoriales. En effet, depuis l’adoption de la loi Besson en 2000, la législation a évolué : la loi NOTRe est passée par là.

Depuis le 1er janvier, l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage relèvent désormais des établissements publics de coopération intercommunale (communautés de communes, communautés urbaines, etc.). Dans la mise en œuvre des schémas départementaux définissant la création d’aires d’accueils, ce sont les communes qui interviennent formellement.

La commission a également donné le droit aux communes, à partir du moment où leurs obligations en matière d’accueil sont remplies, de pouvoir évacuer les campements illégaux, même si leur groupement de commune n’est pas en règle.

Le texte propose également d’empêcher la création d’une nouvelle aire d’accueil si le taux d’occupation moyen des aires avoisinantes est insuffisant. Le seuil serait fixé par décret.

Revoir le débat de Sénat 360 sur cette proposition de loi :

[Débat Sénat 360] Accueil des gens du voyage : le casse-tête
22:33

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