Gestion de crise, instabilité, moralisation… les 5 enseignements de l’affaire Rugy

Gestion de crise, instabilité, moralisation… les 5 enseignements de l’affaire Rugy

Avec l'affaire Rugy, l'exécutif a affronté une nouvelle semaine de polémiques qui posent la question de sa capacité à gérer de...
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Par Jérémy MAROT, Laurence BENHAMOU et Paul AUBRIAT

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Avec l'affaire Rugy, l'exécutif a affronté une nouvelle semaine de polémiques qui posent la question de sa capacité à gérer de telles crises, mais aussi l'instabilité au gouvernement, les règles de moralisation et l'accomplissement de la promesse écologique.

+ UNE GESTION DE CRISE DIFFICILE

Après avoir essuyé plusieurs tempêtes en un an, dont l'affaire Benalla et les "gilets jaunes", l'exécutif s'est retrouvé empêtré dans une affaire touchant davantage à la morale qu'à la légalité, autour d'un ministre qui a commis des maladresses dans ses premiers éléments de défense. "La com' de Rugy a été cata", commente un conseiller, estimant que le ministre d'Etat s'était "lui-même enfoncé".

Comme lors de l'épisode Alexandre Benalla, Emmanuel Macron s'est montré peu enclin à offrir une tête à l'opinion. S'il s'est gardé de trop s'exposer, il a aussi mis en garde contre "une République de la délation". Même ligne à Matignon où Edouard Philippe "a exprimé en permanence son soutien", selon son entourage: "Le Premier ministre voulait s'en tenir à une méthode qui garantit à tous qu'on investigue et qu'en même temps on ne hurle pas avec les loups".

En revanche, si les précédentes crises avaient été marquées par des atermoiements, la vitesse de remplacement de M. de Rugy par Elisabeth Borne dès mardi soir a surpris, jusqu'au sein de l'exécutif.

+ UNE RIPOSTE POLITIQUE ATONE

Derrière MM. Macron et Philippe, la majorité a peiné à mener la riposte pour appuyer François de Rugy, traduisant autant l'isolement du ministre dans la Macronie que l'embarras créé par cette affaire.

François de Rugy, rallié à En Marche! peu avant la présidentielle, est de surcroît, "plutôt un solitaire, ce n'est pas un animateur de courant", décrypte le député écologiste Matthieu Orphelin.

De plus, "il n’y avait pas à soutenir ou pas soutenir Rugy", estime une députée de la majorité, échaudée par les révélations en cascade: "On ne savait pas ce qui allait sortir le lendemain. Donc, personne ne voulait prendre de risque".

En creux, se dessine une nouvelle fois aussi la solitude d'Emmanuel Macron qui reste le seul audible. "C'est un problème récurrent pour lui", confirme le chercheur au Cevipof (Sciences Po) Bruno Cautrès. "C'est quand il s'implique qu'il y a un effet, mais laisse-t-il de la place aux autres ?"

+ UN MANQUE DE FIGURE ECOLOGISTE

Après la démission fracassante de Nicolas Hulot en septembre 2018, puis celle de François de Rugy mardi, sans compter le départ du groupe de députés de Matthieu Orphelin, la Macronie manque d'incarnation écologiste. Une faiblesse alors que le chef de l'Etat espère verdir son quinquennat.

"Le vivier est asséché", commente le député (LR) Damien Abad, en ironisant sur le "recyclage" à la Transition écologique de la ministre des Transports Elisabeth Borne.

"Est-ce qu'elle incarne le combat écologiste comme Hulot, de Rugy ? La réponse est: pas de la même manière", convient-on à Matignon: "Mais elle incarne le sérieux. C'est ça qui est important dans un gouvernement que l'on accuse de ne faire ça que pour la com'".

+ LES AFFAIRES COMME UN BOOMERANG

Chantre de la transparence, n°2 d'un gouvernement qui a débuté son mandat par le vote de lois de moralisation, M. de Rugy a encaissé les révélations comme un retour de boomerang. L'affaire s'ajoute à d'autres ayant poussé vers la sortie des poids-lourds comme François Bayrou et Richard Ferrand.

"C'est quand même un souci de voir autant de ministres démissionner suite à des allégations, pour 26 mois de gouvernement", appuie M. Cautrès. Toutefois selon lui, "cela souligne que Macron avait raison de mettre ce sujet au coeur de sa campagne, que son diagnostic était juste".

Plusieurs voix dans la majorité appellent à définir des règles d'exemplarité plus claires, à l'image de la députée MoDem Sarah El Haïry. "Sur les dépenses de la présidence de l’Assemblée nationale, il serait peut-être judicieux définir la différence entre ce qui est formel, protocolaire…", souligne-t-elle.

+ LE GOUVERNEMENT BOUGE, ET ALORS ?

Si l'exécutif a déjà perdu 15 ministres, au gré des démissions ou remaniement, l'influence sur le cours du quinquennat semble au final modérée, accréditant la thèse de ministres d'abord exécutants et finalement interchangeables. En ce sens, "le profil d'Elisabeth Borne est symptomatique: on a pris une très bonne technicienne, un très bon soldat de l'équipe gouvernementale, connue pour son absolue loyauté et sa capacité de travail", commente M. Cautrès. A la crise, "on répond par une logique de compétence", ajoute-t-il, évoquant "un coup politique en creux qui renvoie le message que l'exécutif n'est nullement aux abois".

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