« Gilets jaunes » : Emmanuel Macron détaille son « nouveau contrat pour la Nation »

« Gilets jaunes » : Emmanuel Macron détaille son « nouveau contrat pour la Nation »

Après 10 jours de silence, Emmanuel Macron s’est exprimé. Le Président a décrété « l’État d’urgence économique et social ». Le Smic sera augmenté de 100 euros dès 2019. La hausse de la CSG sera annulée pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros par mois. Un grand débat sera lancé dans le pays.
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« Aucune colère ne justifie qu’on s’attaque à un policier ou un gendarme, qu’on attaque un commerce ou bâtiment public »

Emmanuel Macron a commencé par réagir aux événements des dernières semaines, « qui ont profondément troublé la Nation ». Si les revendications sont « légitimes », la « violence est inadmissible ». « Ces violences ne bénéficieront d’aucune indulgence ».

« Aucune colère ne justifie qu’on s’attaque à un policier ou un gendarme, qu’on attaque un commerce ou bâtiment public » souligne le Président. « Quand la violence se déchaîne la liberté cesse », « c’est donc désormais le calme et l’ordre républicain qui doivent régner ».

« La colère est plus profonde. Je la ressens comme juste à bien des égards. Elle peut être notre chance ».

Si Édouard Philippe « a apporté une réponse en annulant » la hausse des taxes sur le carburant, Emmanuel Macron a souligné que « la colère est plus profonde. Je la ressens comme juste à bien des égards. Elle peut être notre chance ».

Évitant l’emploi de termes techniques, le président a cherché à donner une tournure humaine à ses propos. Il prend exemple sur la colère « du couple de salariés qui se lèvent tôt et se couchent tard pour travailler loin », la mère divorcée « qui n’a plus d’espoir » ou les « retraités modestes qui ont contribué toute leur vie ». Il parle de « malaise démocratique », de « territoires où on voit les services publics se réduire ». Il ajoute :

« Nous avions fini lâchement par nous y habituer. Et tout se passait comme s’ils étaient oubliés, effacés. Ce sont quarante années de malaise qui ressurgissent ».

Macron fait son mea culpa : « Je prends ma part de responsabilité »

Après avoir fait le constat de Français qui se sentent « oubliés » dans certains territoires, le chef de l’État a fait, de nouveau un mea culpa. Mais celui-ci est plus fort que les précédents :

« Sans doute nous n’y avons pas su apporter, depuis un an et demi, une réponse rapide et forte. Je prends ma part de responsabilité ».

« J’ai pu vous donner par moments l’impression que ce n’était pas mon souci, que ce n’était pas ma priorité », « j’ai pu blesser par certains de mes propos » a-t-il reconnu, alors que certaines de ses petites phrases sont très mal passées.

Les salariés au Smic seront augmentés de 100 euros par mois dès 2019

SMIC, heures supplémentaires, ISF: les annonces d’Emmanuel Macron
03:02

C’est le moment fort de son intervention. À la hauteur du malaise social dans le pays. Emmanuel Macron a « décrété » « l’État d’urgence économique et social ». Pour avoir « une France qui vit dignement de son travail », il « demande au gouvernement et au Parlement de faire le nécessaire afin qu’on puisse mieux vivre ».

L’annonce principale faite par le chef de l’État vise les bas salaires. « Les salariés au Smic seront augmentés de 100 euros par mois dès 2019, sans que ça coûte un euro de plus pour l’employeur ». Emmanuel Macron n’a cependant pas donné les détails de la mise en œuvre de la mesure, que ses ministres avaient écartée jusqu’ici.

Autre annonce : « Les heures supplémentaires seront versées sans impôt ni charge, dès 2019 ». Une manière plus simple de parler de défiscalisation des heures supp’, comme instaurée sous Nicolas Sarkozy. Le gouvernement a prévu pour le moment de supprimer, pour le salarié comme pour l'employeur, les cotisations sociales liées aux heures supplémentaires. Une mesure qui coûte moins cher que celle décidé par Nicolas Sarkozy. La facture de la défiscalisation des heures supp’ était de 4,5 milliards d’euros par an.

Autre mesure, qui était attendue, à destination des retraités : « Pour ceux qui touchent moins de 2.000 euros par mois, nous annulerons pour 2019 la hausse de CSG. L’effort demandé était trop important ». L’annulation ne porte cependant que sur l’année prochaine.

Emmanuel Macron ne reviendra pas sur l’ISF

L’une des demandes récurrentes des « gilets jaunes », le retour de l’ISF (l’impôt sur la fortune), a été rejetée par le chef de l’État. « Pendant près de 40 ans, il a existé. Vivions-nous mieux durant cette période ? Les plus riches partaient et notre pays s’affaiblissait » a-t-il considéré.

Emmanuel Macron a fait œuvre de pédagogie pour expliquer que l’ISF avait été transformé en IFI (impôt sur la fortune immobilière), conformément à ses engagements de campagne. « Cet impôt a été supprimé pour ceux qui investissent dans notre économie et donc aident à créer des emplois. Et il a été maintenu, au contraire, pour ceux qui ont une fortune immobilière. Revenir en arrière nous affaiblirait alors même que nous sommes en train de recréer des emplois dans tous les secteurs » a-t-il jugé

En revanche, le Président a annoncé vouloir « aller plus loin pour mettre fin aux avantages indus et aux évasions fiscales. Le dirigeant d’une entreprise française doit payer ses impôts en France. Et les grandes entreprises qui y font des profits doivent y payer l’impôt. C’est la simple justice ».

Emmanuel Macron annonce « un débat national sans précédent »

Emmanuel Macron annonce « un débat national sans précédent »
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Après avoir rappelé que son gouvernement devait bientôt mener les réformes de l’État, de l’indemnisation du chômage et celle des retraites, Emmanuel Macron a souhaité « que le débat national » annoncé par Édouard Philippe, la semaine dernière, soit plus « beaucoup plus large ».

Conscient que la crise des « gilets jaunes » n’est pas seulement économique et sociale, le Président affirme : « Nous devons nous rassembler et aborder toutes les questions essentielles à la Nation ». « Je veux que soient posées les questions qui touchent à la représentation, la possibilité de voir les courants d’opinion mieux entendus dans leur diversité, une loi électorale plus juste, la prise en compte du vote blanc et mêmes que soient admis à participer au débat des citoyens n’appartenant pas à des partis » a-t-il énuméré sans pour autant faire d’annonces précises en ce sens.

Le chef de l’État s’est également prononcé en faveur d’une grande réforme fiscale. « Pour qu’elle permette à la fois la justice et l’efficacité du pays ». Plus large encore, en ce qui concerne « le quotidien » des Français, Emmanuel Macron a évoqué des « bonnes solutions » en provenance du « terrain » concernant le logement, le transport, mais aussi le changement climatique…

Enfin, « l’organisation de l’État », « les services publics », ou encore la question de « l’immigration » seront l’objet « d’un débat national sans précédent ». « Il devra se dérouler, dans nos institutions (…) gouvernement, assemblées, partenaires sociaux et associatifs » a-t-il expliqué avant d’indiquer qu’il en assurerait lui-même la coordination » « afin de prendre le pouls vivant de notre pays ».

Toutefois, Emmanuel Macron a semblé vouloir se réconcilier avec les élus locaux. Il a reconnu qu’un tel débat ne pouvait se concentrer entre les mains d’acteurs institutionnels. « Il doit se dérouler partout aussi sur le terrain » par l’intermédiaire des maires. « Je rencontrerai moi-même les maires de France, région par région pour bâtir le socle de notre nouveau contrat pour la Nation » a-t-il annoncé. Il y a un mois, le chef de l'État avait renoncé à se rendre au congrès des maires de France comme il s'y était engagé l'année dernière.

« Notre seule bataille, c’est pour la France » 

En conclusion, Emmanuel Macron a qualifié « de moment historique pour notre pays » la période actuelle. « Par le dialogue, le respect, l’engagement, nous réussirons ». Assurant qu’il reviendrait devant les Français pour rendre compte. « Mon seul souci, c’est vous. Mon seul combat, c’est pour vous. Notre seule bataille, c’est pour la France » a-t-il conclu.

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