“Gilets jaunes”: Paris saccagé et Paris “épargné”, la capitale aux deux visages

“Gilets jaunes”: Paris saccagé et Paris “épargné”, la capitale aux deux visages

Le Fouquet's incendié, un véhicule en feu au pied de la Tour Eiffel... Paris à feu et à sang ? Dans la capitale, les Parisiens ne vivent pas les...
Public Sénat

Par Marie GIFFARD

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Le Fouquet's incendié, un véhicule en feu au pied de la Tour Eiffel... Paris à feu et à sang ? Dans la capitale, les Parisiens ne vivent pas les mêmes samedis, certains redoutant depuis quatre mois l'arrivée du week-end tandis que d'autres n'ont jamais croisé un seul "gilet jaune".

Les images des commerces saccagés sur les Champs-Elysées lors de l'acte 18 ont fait le tour du monde. Ce 16 mars, une marée noire et jaune avait envahi l'artère entre la Concorde et l'Arc de Triomphe. Jets de pavés, kiosques et boutiques incendiés, pillages et violences : la vitrine de la France à l'étranger avait été fissurée.

A deux jours d'une nouvelle mobilisation, l'avenue a perdu de sa superbe et les commerçants ont l'air las. Des ouvriers s'activent pour remplacer les vitres d'une grande enseigne de macarons; sur les façades de certains établissements les palissades de bois ne sont même plus retirées entre deux samedis.

Le Fouquet's sur les Champs-Elysées le 23 mars 2019
Le Fouquet's sur les Champs-Elysées le 23 mars 2019
AFP/Archives

"Ca fait juste trois fois qu'ils changent les vitres ! ", lâche, fatigué, un serveur d'un restaurant en haussant les épaules.

A l'angle de l'avenue George V, un bunker de tôle: la brasserie du Fouquet's, pillée et brûlée et qui restera fermée plusieurs mois, a été entièrement tapissée de plaques métalliques.

Allure chic et décontractée, Carlos, 70 ans, vit non loin de là, "dans le quartier Miromesnil". Le samedi, il s'"arrange" pour ne pas croiser la route des manifestants: "Je suis pour les manifestations, mais les manifestations comme il faut. Là, ce sont des voyous".

- Forteresse -

Quelques centaines de mètres plus bas, c'est une tout autre routine que les riverains connaissent le samedi depuis la mi-novembre: le quartier de l'Elysée est bouclé à chaque manifestation des "gilets jaunes".

Des camions anti-émeute avec leurs grilles de plusieurs mètres de haut bouchent entièrement l'entrée des rues, interdisant l'accès à tout véhicule ou piéton. Seuls les riverains, par une petite porte, peuvent pénétrer dans le périmètre après avoir présenté leurs papiers.

Du rond-point des Champs-Elysées à la Madeleine, en englobant la place de la Concorde, la zone s'est transformée en une forteresse assiégée.

Manifestation de
Manifestation de "gilets jaunes" le 23 mars 2019 à Paris
AFP/Archives

L'endroit est "désert", confirme Anne, 75 ans, qui vit rue du Faubourg-Saint-Honoré, la rue de l'Elysée.

"On est barricadé, hyper protégé. C'est l'avantage d'être à côté de l'Elysée, on a toujours beaucoup de surveillance, c'est bourré de flics en civil tout le temps", sourit-elle.

Ce verrouillage ne fait pas les affaires de tous : à deux pas de la place de la Concorde, Maya Jovanovic, employée dans un magasin de vêtements avoue en avoir "un peu marre". "On est là, mais on ne travaille pas du tout. Avant, le samedi c'était le plus gros jour. Maintenant, c'est le plus petit. On a l'impression que ça ne va jamais se terminer..."

Depuis les dégradations du 16 mars, l'exécutif a interdit toute manifestation sur les Champs-Elysées.

- "Sous pression" -

Lors de l'acte 19, privés de l'avenue qu'ils affectionnent tant, les "gilets jaunes" s'étaient notamment rabattus sur la Butte-Montmartre, autre lieu touristique. En fin de journée, une partie du cortège avait pris la direction du centre de Paris.

Des
Des "gilets jaunes" rassemblés devant le Sacré Coeur à Paris, le 23 mars 2019
AFP

Christophe, un des patrons du bistrot Chez Prune, sur le canal Saint-Martin, près de la place de la République, a assisté à l'arrivée d'un "nuage de sauterelles" - des casseurs passés en coup de vent - annoncés par des dizaines de camionnettes de police...

Pour lui, il s'agit d'un "épiphénomène" alors que son quartier est "embêté tout le temps, avec moins de casse": "On a tout eu : Nuit Debout, les tentes Don Quichotte, les attentats, la voiture de police incendiée en mai 2016 quai De Valmy. Notre intégrité physique n'est pas menacée, mais c'est constant et pénible".

Son confrère Hervé Pronier, patron depuis 13 ans de la Marine, un autre bar-restaurant du canal s'estime "chanceux", il n'a eu à fermer que quelques heures certains samedis : "Des gilets jaunes ? Ici, on n'en voit pas. A République, de temps en temps".

Malgré tout, il se tient informé du parcours tous les samedis en temps réel: "On est épargnés matériellement, mais sous pression tous les samedis parce que ça peut déborder en quelques minutes..."

Dans la même thématique

Brussels Special European Council – Emmanuel Macron Press Conference
3min

Politique

Élections européennes : avant son discours de la Sorbonne, l’Élysée se défend de toute entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Ce jeudi 25 avril, le président de la République prononcera un discours sur l’Europe à la Sorbonne, sept ans après une première prise de parole. Une façon de relancer la liste de Valérie Hayer, qui décroche dans les sondages ? L’Élysée dément, affirmant que ce discours n’aura « rien à voir avec un meeting politique ».

Le

“Gilets jaunes”: Paris saccagé et Paris “épargné”, la capitale aux deux visages
8min

Politique

IA, simplification des formulaires, France Services : Gabriel Attal annonce sa feuille de route pour « débureaucratiser » les démarches administratives

En déplacement à Sceaux ce mardi dans une maison France Services, quelques minutes seulement après avoir présidé le 8e comité interministériel de la Transformation publique, le Premier ministre a annoncé le déploiement massif de l’intelligence artificielle dans les services publics, ainsi que la simplification des démarches. Objectif ? Que « l’Etat soit à la hauteur des attentes des Français ».

Le

Brussels Special European Council – Renew Europe
10min

Politique

Européennes 2024 : avec son discours de la Sorbonne 2, Emmanuel Macron « entre en campagne », à la rescousse de la liste Hayer

Emmanuel Macron tient jeudi à la Sorbonne un discours sur l’Europe. Si c’est le chef de l’Etat qui s’exprime officiellement pour « donner une vision », il s’agit aussi de pousser son camp, alors que la liste de la majorité patine dans les sondages. Mais il n’y a « pas un chevalier blanc qui va porter la campagne. Ce n’est pas Valérie Hayer toute seule et ce ne sera même pas Emmanuel Macron tout seul », prévient la porte-parole de la liste, Nathalie Loiseau, qui défend l’idée d’« un collectif ».

Le