Glyphosate : la victoire des lobbies ?

Glyphosate : la victoire des lobbies ?

L’interdiction du glyphosate sous 3 ans n’a pas été votée par les députés. « Une grosse déception » pour le sénateur du Morbihan, Joël Labbé qui pointe le « gros lobbying » des industriels.  
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui / Sujet vidéo : Flora Sauvage

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La sortie du glyphosate sous trois ans ne sera vraisemblablement pas inscrite dans la loi agriculture et alimentation. Les députés ont rejeté les amendements qui allaient en ce sens dans la nuit de lundi à mardi. Mais le gouvernement assure que cette substance controversée sera bien abandonnée, « en partenariat » avec les industriels, sous trois ans. Une décision « incompréhensible et très inquiétante » qui illustre la manière dont « les lobbies ont désossé le projet de loi agriculture et alimentation », selon la directrice de l’ONG Foodwatch France.

Le sénateur du Morbihan, Joël Labbé ne « croit pas du tout » au partenariat évoqué par le gouvernement : « On connaît la logique des industriels, on connaît les intérêts des industriels et leurs pratiques », s’agace le sénateur connu pour son engagement écologiste. « Sans trop d’illusions », Joël Labbé assure qu’il va œuvrer en faveur d’une modification du texte lorsqu’il sera débattu au Sénat en juin.

De l’autre côté de l’hémicycle, Jean Bizet, sénateur LR et président de la commission des Affaires européennes, se réjouit de cette décision avec mesure. Le fait que le gouvernement maintienne l’objectif de sortie du glyphosate avant ses voisins européens, lui fait craindre « une distorsion de concurrence supplémentaire imposée à la ferme France ». Un argumentaire qui rejoint la position de la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert. Elle appelle les parlementaires à ne pas alourdir « la barque des agriculteurs » en les contraignant à se passer de ce désherbant sous trois ans. Face aux critiques, Christiane Lambert met en avant le « contrat de solutions » de la FNSEA censé réduire la part des pesticides dans les cultures.

Interrogé par Public Sénat, Jean Bizet met également en doute la dangerosité du glyphosate. « Il y a eu trois études qui ont considéré que le glyphosate n’était pas cancérigène, celle de l’OMS (organisation mondiale de la santé) laissait un doute, mais il y avait un doute supérieur encore qui était celui de la conduite du protocole de cette étude », affirme le sénateur. L’étude de l'OMS, évoquée par Jean Bizet, a effectivement nourri le  bras de fer européen autour du glyphosate en classant cette substance dans la catégorie des « cancérigènes probables » pour les humains, en mars 2015.

Cependant, les études attestant de la non-dangerosité du glyphosate ont elles aussi été mises en cause. Les « Monsanto papers » - une investigation menée par le journal Le Monde - ont mis à jour « les « conflits d’intérêts » organisés par le géant de l’agrochimie, Monsanto, dans le cadre des précédentes études censées évaluer la dangerosité du glyphosate. Une autre enquête de longue haleine, conduite par la journaliste Marie-Monique Robin et qui a fait l’objet d’un livre « Le monde selon Monsanto » (préfacé par le ministre de l’Écologie, Nicolas Hulot), charge également la multinationale.

Par ailleurs, le président de la République a lui-même affirmé, lors d’un échange musclé au salon de l’agriculture, qu’aucun rapport ne démontre que le glyphosate est « innocent ». Voir la vidéo ci-dessous :  

Après les sifflets, Macron au contact des agriculteurs en colère
02:01

La directrice de Foodwatch dénonce aujourd’hui le « double discours » du gouvernement « contraire aux discussions qui se sont tenu lors des états généraux de l’agriculture ». Selon Karine Jacquemart, l’exécutif « prépare les conditions pour sortir par la fenêtre » et ne pas respecter l’engagement du président de la République de sortir du glyphosate sous trois ans. « Les citoyens veulent que leur santé soit prise en compte », prévient-elle en s’appuyant sur une pétition en faveur la sortie du glyphosate sous trois ans qui a recueilli plus de 200.000 signatures en dix jours.

« Derrière le symbole du glyphosate, c’est tout le système agricole qui est à remettre en cause », renchérit le sénateur, Joël Labbé. Au-delà de la question de la sortie du glyphosate, c’est effectivement la méthode du gouvernement qui est pointée du doigt dans l'examen du projet de loi alimentaion et agriculture. «  Sur plusieurs sujets, Stéphane Travert a privilégié les engagements volontaires des industriels » à des textes de loi contraignants, déplore Karine Jacquemart citant des amendements contre la « malbouffe » qui ont également été rejetés. Le projet de loi alimentation et agriculture sera examiné au Sénat à partir du 26 juin prochain, l'occasion d'un autre bras de fer autour du glyphosate.   

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