Grève du 19 janvier : quels secteurs se mobilisent ?
Après l’annonce de la réforme des retraites par Élisabeth Borne le 10 janvier, tous les principaux syndicats ont appelé à une journée de mobilisation le jeudi 19 janvier. Les secteurs de l’énergie et des transports sont sur le pied de guerre, alors que les syndicats de la fonction publique affichent aussi leur unité. Tour d’horizon des appels à la grève.

Grève du 19 janvier : quels secteurs se mobilisent ?

Après l’annonce de la réforme des retraites par Élisabeth Borne le 10 janvier, tous les principaux syndicats ont appelé à une journée de mobilisation le jeudi 19 janvier. Les secteurs de l’énergie et des transports sont sur le pied de guerre, alors que les syndicats de la fonction publique affichent aussi leur unité. Tour d’horizon des appels à la grève.
Louis Mollier-Sabet

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La mayonnaise monte. On en est encore au stade de l’émulsion, et rien ne dit qu’elle ne retombera pas, mais le premier à avoir mis un coup de fouet aura finalement été Olivier Véran. Ce mercredi, le porte-parole du gouvernement, a en effet confié à la sortie du Conseil des ministres « ne pas se projeter dans l’idée d’une mobilisation massive » contre la réforme des retraites, alors que les huit principales centrales syndicales du pays (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU) ont appelé à une mobilisation nationale le 19 janvier quelques minutes après la présentation de la réforme par la Première ministre. Olivier Véran « n’a pas les bons capteurs dans le monde du travail », lui a répondu ce jeudi Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT.

L’énergie : le nerf de la grève

Dans son livre Sauces – Réflexions d’un cuisinier (Ed Hachette), Yannick Alléno affirme qu’au XVIIIème siècle, la mayonnaise se montait à l’huile d’olive. 300 ans plus tard, les syndicats revisitent la recette avec du pétrole, qui sera probablement le secteur clé du mouvement social qui s’annonce. Les syndicats CGT de la branche pétrole ont effectivement annoncé des jours de grève les 19 et 26 janvier, ainsi que le 6 février avec, « si nécessaire, l’arrêt des installations de raffinage », selon un communiqué diffusé par Éric Sellini, coordinateur national du syndicat pour TotalEnergies.

La CGT – Pétrole a pour le moment prévu une montée en puissance, avec d’abord 24h de grève le 19 janvier, 48h le 26, puis 72h le 6 février, mais c’est tout le secteur de l’énergie qui se prépare à « un conflit dur », selon les mots de Francis Casanova, délégué syndical central CGT à l’AFP. Le deuxième syndicat du secteur aussi, CFE-Unsa Energies, « se prépare à mobiliser massivement », notamment « au sein d’EDF », a ainsi indiqué Amélie Henri à l’AFP, secrétaire nationale pour EDF. Des « baisses de charges », soit une baisse de la production, pourraient arriver, mais sans occasionner de coupures, assurent les syndicats. Une réunion des fédérations de l’énergie est prévue le lundi 16 janvier pour décider des suites du mouvement.

Face à cette mobilisation dans un secteur extrêmement sensible, les réactions politiques ne se sont pas fait attendre, le gouvernement tentant de temporiser en expliquant vouloir « éviter le bras de fer. » Élisabeth Borne a notamment appelé ce matin les syndicats à « ne pas pénaliser les Français. » La mémoire du mouvement de grève dans les raffineries en octobre dernier est encore dans les mémoires, et à droite, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a mis en garde ce matin sur RTL : il serait « irresponsable » de la part des syndicats de « bloquer le pays. »

Des intersyndicales très larges dans les transports

Si les grosses centrales syndicales du secteur de la pétrochimie, assez puissantes et sur une ligne dure, joueront un rôle clé dans la future mobilisation, d’autres secteurs historiquement mobilisés dans les mouvements sociaux, comme les transports, ont aussi passé la deuxième. À la SNCF, l’intersyndicale composée de la CGT, de l’Unsa, de Sud et de la CFDT se dit « prête à lancer la bataille nécessaire » contre la réforme et appelle à « une grève puissante le 19 janvier prochain. » De même, les quatre principaux syndicats de la RATP, la CGT, FO, l’Unsa et la CFE-CGC se disent « prêts et déterminés […] pour s’opposer à cette contre-réforme. » D’autres fédérations, comme FO-Transports et logistique, qui rassemble des ambulanciers, chauffeurs de car ou transporteurs de fonds, appellent aussi à la mobilisation et lance même un mouvement « illimité » à partir du 19 janvier pour préparer une « riposte massive et dure. »

Au sein de la fonction publique aussi, l’unité syndicale est assez rare pour être mentionnée entre les huit organisations syndicales représentatives de la fonction publique, la CGT, FO, la CFDT, l’Unsa, FSU, Solidaires, la CFE-CGC et FA-AP. FSU, la première fédération syndicale enseignante, appelle par exemple à la grève dans l’Education nationale le 19 janvier, mais maintient sa « journée d’action » qui était prévue le 17, en ne faisant plus de la grève « la modalité principale de cette journée. »

Dans un communiqué, les syndicats « exigent » purement et simplement du gouvernement « le retrait » de la réforme. Au vu de l’opposition unanime des syndicats à la réforme, un front syndical aussi uni et aussi large dans des secteurs historiquement syndicalisés et mobilisés comme l’énergie et les transports n’est pas si surprenant. La véritable question est celle de la mobilisation des salariés. Comme le répètent souvent les responsables syndicaux, un mouvement social ne se déclenche pas en appuyant sur un bouton, il se construit selon des logiques parfois difficiles à anticiper, surtout dans un contexte de « désyndicalisation » et de débordement des grandes centrales par des mouvements spontanés, comme lors de la dernière grève de la SNCF.

Le mouvement pourrait-il s’étendre à des secteurs moins syndiqués ?

À cet égard, un signal intéressant pourrait venir des secteurs moins rompus au combat syndical et aux mouvements sociaux. Au Quai d’Orsay, qui avait déjà été secoué par un mouvement de grève contre la suppression du corps diplomatique cet été, « c’est la première fois qu’une très large intersyndicale du Quai rejoint un mot d’ordre national », a indiqué l’intersyndicale (CFTC, CGT, FSU, Solidaires, l’asam-Unsa et l’APMAE) à l’AFP, en précisant que la CFDT ne figure pour le moment pas sur le préavis mais devrait « rallier sous peu le mouvement ou tout au moins appeler à la grève également. »

L’élément intéressant, c’est qu’après un mouvement social à l’été pour des motifs spécifiques au fonctionnement du ministère des Affaires étrangères, la mobilisation des agents du Quai d’Orsay « illustre » cette fois « l’exaspération générale de la société française. » Un mot d’ordre plus général et plus politique donc, mais dans un secteur évidemment moins stratégique que l’approvisionnement des stations-service ou l’affrètement des trains.

De même, le Syndicat des Travailleurs·ses du Jeu Vidéo (STJV) a aussi « rejoint la mobilisation syndicale en appelant à la grève du 19 au 26 janvier. » Dans un secteur aussi jeune, les syndicats sont très loin d’être véritablement structurés, mais ce genre de nouvelles mobilisations sera probablement ce qui décidera si le mouvement syndical en reste aux secteurs traditionnels et mobilisés, ou bien s’il s’étend au reste de la société et déborde le cadre des grandes centrales syndicales, avec notamment des mouvements spontanés sur les réseaux sociaux type Gilets Jaunes, comme le craignent la droite et le gouvernement.

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