Haine en ligne : « Essayer de contrôler tous les contenus sur Internet est une tâche sans fin » avertit Catherine Morin Desailly

Haine en ligne : « Essayer de contrôler tous les contenus sur Internet est une tâche sans fin » avertit Catherine Morin Desailly

Après l'assassinat de l'enseignant Samuel Paty vendredi à Conflans-Sainte-Honorine, l'exécutif pointe du doigt le rôle des réseaux sociaux dans ce drame, et entend restreindre davantage les contenus haineux en ligne. Marlène Schiappa reçoit ce mardi les responsables des plateformes.
Public Sénat

Par Julien Chabrout

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Haro sur les réseaux sociaux. Après l’assassinat vendredi à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) du professeur d’histoire-géographie Samuel Paty, tué pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet, Gabriel Attal a estimé dimanche sur BFMTV qu’ils « ont une responsabilité ». Le porte-parole du gouvernement a remarqué que « les choses ont démarré sur les réseaux sociaux et se sont terminées sur les réseaux sociaux », mis en cause pour avoir relayé les messages stigmatisant le professeur d'histoire-géographie, tandis que c’est sur Twitter que la photo de l’enseignant décapité a été publiée.

« On doit arriver à mieux les encadrer », a lancé Gabriel Attal. Marlène Schiappa, ministre déléguée en charge de la Citoyenneté, doit recevoir mardi place Beauvau les patrons de ces réseaux sociaux. Dès ce lundi, elle a réuni à Nanterre les responsables des services de police et les patrons de la police et de la gendarmerie afin d'étudier de nouvelles dispositions renforçant la lutte contre ce qu’elle appelle « le cyberislamisme ». La ministre s'est rendue à la sous-direction de lutte contre la cybercriminalité. Cet endroit abrite la plateforme de signalement Pharos destinée au grand public. Mise en place en 2009, elle a identifié les 80 messages de soutien à l'action de l'agresseur de Samuel Paty.

« Il faut que l'on renforce les liens de coopération entre les plateformes et les pouvoirs publics - avec sanctions quand les plateformes refusent de coopérer - pour qu'on puisse avoir les éléments d'identification des auteurs de ces contenus chaque fois que nécessaire », a estimé la députée LREM Laetitia Avia à l’AFP. Le problème n’est pas nouveau. Dès le moi de mai dernier, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), SOS racisme, SOS Homophobie et J'accuse avaient assigné Twitter en justice pour « inaction face à la haine en ligne », estimant que le réseau social manquait de manière « ancienne et persistante » à ses obligations en matière de modération des contenus. Le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) s'était joint à la procédure.

« Il est nécessaire de responsabiliser les plateformes et de les réguler afin que de telles choses ne puissent pas se propager sur Internet. Tout ce qui est interdit dans la société doit être interdit sur internet. Les réseaux sociaux ne peuvent pas échapper aux lois communes », juge le vice-président de la commission culture, de l’éducation et de la communication David Assouline (PS) auprès publicenat.fr. « Il ne faut pas taper à côté de la cible visée », prévient toutefois Christophe-André Frassa, vice-président (LR) de la commission des lois. « On ne peut pas et on ne doit pas transférer la responsabilité de la suppression de messages ou de la surveillance uniquement aux plateformes », affirme à publicsenat.fr l’ancien rapporteur de la loi sur les « fake news ».

Valérie Pécresse veut mettre en place « une police des réseaux sociaux »

« Il y a une police des réseaux sociaux à mettre en place », a estimé ce lundi matin sur Public Sénat Valérie Pécresse, en marge du 16e Congrès des Régions de France, à Saint-Ouen. « Il faut mettre les garanties suffisantes dans la loi pour permettre de censurer les réseaux sociaux lorsqu’ils enfreignent nos libertés les plus fondamentales », a-t-elle avancé. La présidente de la région Île-de-France et dirigeante de Libres ! s’est également « demandée s’il ne faudrait pas obtenir la levée de l’anonymat sur les réseaux sociaux, derrière lesquels on peut se réfugier derrière un pseudo pour dire n’importe quoi ». En janvier dernier, Emmanuel Macron s’était prononcé « pour la levée progressive de toute forme d’anonymat » sur le web.

Le gouvernement a tenté en juin dernier de lutter contre la haine en ligne par le biais d'une loi portée par Laetitia Avia. Celle-ci imposait aux plateformes et aux moteurs de recherche l'obligation de retirer sous vingt-quatre heures les contenus « manifestement » illicites, sous peine d'amendes pouvant aller jusqu'à 1,25 million d'euros. Une autre de ses dispositions ramenait ce délai à une heure pour les contenus « terroristes » ou pédopornographiques en cas de notification par les autorités publiques. 

Mais cette proposition de loi a très vite concentré les critiques, aussi bien des responsables politiques de tous bords que des acteurs du secteur numérique, qui considéraient qu’elle revenait à donner un pouvoir de censure aux Gafam. Le Conseil constitutionnel leur a donné raison et censuré la mesure sur le retrait sous vingt-quatre heures. 

« Le fond du sujet, c’est l’implantation au cœur de la France de cet islamisme radical ».

À l'heure où les réseaux sociaux sont à nouveau critiqués, le texte devrait toutefois revenir en tête des priorités de l'exécutif. Dans une interview à franceinfo, ce lundi, Laetitia Avia a annoncé travailler à des « dispositions nationales pour apporter plus de protection à notre liberté d’expression », mais aussi « à l’échelle européenne ». « En décembre, des annonces seront faites, un texte sera proposé à l’échelle européenne dans le cadre du Digital Services Act qui va proposer des mesures exigeantes vis-à-vis des plateformes », a-t-elle dévoilé. 

« Bien sûr qu’il faut mener une réflexion dans un cadre européen », commente David Assouline, tout en soulignant la nécessité de ne pas agir « par à-coups ou coups politiques ». « Je suis ouvert à l’idée d’étudier tout ce qui dans notre arsenal législatif permettrait de mieux faire les choses, mais sans atteinte à la Constitution, comme la loi Avia le faisait », dit-il. « Toutefois, voyons d’abord ce que l’on peut faire avec nos lois. Et on peut en faire beaucoup, à condition de s’en donner les moyens », estime le sénateur socialiste de Paris.

« Ce n’est pas parce que l’on aura légiféré sur les réseaux sociaux que l’on va résoudre le problème fondamental de l’islamisme radical en France », juge de son côté à publicsenat.fr la sénatrice Catherine Morin-Desailly (Union centriste). « Le fond du sujet, c’est l’implantation au coeur de la France de cet islamisme radical », souligne l’ancienne présidente de la commission culture. Selon la sénatrice de Seine-Maritime, de toute façon, « essayer de contrôler tous les contenus sur Internet est une tâche sans fin ».

« Il ne faut pas taper à côté de la cible visée », prévient pour sa part Christophe-André Frassa, ancien rapporteur du texte sur la lutte contre la haine en ligne au Sénat . Le sénateur représentant les Français établis hors de France décrit cette loi Avia comme un « naufrage intellectuel un naufrage législatif ». « Il faut s’armer pour lutter contre les contenus haineux mais il faut s’armer intelligemment et ne pas réagir dans la passionnel », dit-il, appelant à ne pas « refaire une deuxième loi Avia qui serait encore plus contre-productive que la première et qui finirait au même endroit, c’est-à-dire à la poubelle ».

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