Hamon remplit Bercy pour relancer sa campagne

Hamon remplit Bercy pour relancer sa campagne

Benoît Hamon a mobilisé ses troupes dimanche pour un meeting à Bercy, plein pour l’occasion. Le candidat a cherché à donner un souffle clairement à gauche à son discours, où il a multiplié les attaques contre Emmanuel Macron, qu’il décrit en candidat de l’argent. Il assure que rien n’est joué. « Tout commence aujourd’hui » pour Benoît Hamon.
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Opération réussie. Benoît Hamon voulait faire de son grand meeting de Bercy, à Paris, une démonstration de force. Avec 20.000 personnes annoncées dans une salle qui peut plutôt en contenir 15.000, et 5.000 autres à l’extérieur, le candidat socialiste montre qu’il n’est pas seul, même si certains caciques socialistes l’ont lâché. Il ne fallait pas manquer ce rendez-vous, au lendemain de la grande marche de Jean-Luc Mélenchon. Aux côtés d’Anne Hidalgo et Christiane Taubira, les groupes Debout sur le Zinc et General Elektriks chauffent la salle. Il ne reste plus au candidat qu’à la saisir. Il fend la foule avant de monter sur scène.

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Le PS a annoncé plus de 15.000 personnes dans la salle.
Photo : François Vignal

« Les Français sont fatigués de voter contre. Nous voulons voter pour »

« Votre présence aujourd’hui est un message à ceux qui espèrent une élection jouée d’avance. Nous leur disons, tout commence aujourd’hui ! Tout commence avec vous ! Tout commence par vous » s’égosille Benoît Hamon devant une foule en liesse (voir la première vidéo). Ce dimanche 19 mars, à Bercy, c’est le premier jour du reste de sa vie… de candidat.

« Nous ne croyons pas à la fatalité d’une élection par défaut, par déprime. Les Français sont fatigués de voter contre. Nous voulons voter pour » lance le socialiste en fin de discours. Il veut être « un candidat pour. Pour plus de justice, pour plus de fraternité, pour un futur désirable, pour plus d’espérance ». Et demander, dans une tonalité clairement à gauche, « assumez l’acte révolutionnaire dans cette élection ». Il ajoute : « La gauche peut gagner ». L’objectif du candidat est « de restaurer du clivage », explique l’un de ses proches. « Il faut polariser » dit un autre.

Conclusion du discours de Benoît Hamon : « Les Français sont fatigués de voter contre, nous voulons voter à nouveau pour »
02:35

« Installer dans les rétines et les oreilles des Français un message clair »

« Benoît Hamon a crevé l’écran aujourd’hui » s’enthousiasme le co-directeur de campagne, Jean-Marc Germain, après le discours d’1h30 du candidat (revoir les moments forts en vidéo). Un meeting peut-il faire basculer une campagne ? Il faut « que ça y contribue » lance dans les couloirs de Bercy, Christiane Taubira, l’autre star indéniable du rassemblement.

Si un meeting, même réussi, ne suffit pas à l’emporter, il permet de marquer les esprits. « Une campagne, c’est une addition d’éléments. Et au final, quelle est l’image qui reste dans l’isoloir ? Le meeting permet d’installer dans les rétines et les oreilles des Français un message clair » souligne Olivier Faure, président du groupe PS à l’Assemblée nationale. « Benoît Hamon a montré ses talents d’homme d’Etat. Ce meeting aura un effet comparable au Bourget » pense la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann. Sauf que François Hollande, en 2012, était presque favori, au même moment.

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Photo : François Vignal

« Je suis le candidat de la feuille de paie, candidat du pouvoir d’achat, de la France qui se lève tôt »

Comme pour montrer qu’il a fendu l’armure, Benoît Hamon a su donner du souffle à son discours, rentrant moins dans les détails que lors de la primaire. Comme prévu, il a insisté sur le plan régalien, qui peut lui faire défaut. Quand le candidat appelle à une minute de silence pour les victimes du terrorisme, la salle se lève. Silence assourdissant. Sur la sécurité, il demande plus de moyens, avec  5.000 policiers et gendarmes recrutés, il veut « respecter » la justice et créer « un droit de la victime dans le code pénal ». Il entend maintenir la force de dissuasion nucléaire.

Meeting de Benoît Hamon : Minute de silence en mémoire des victimes du terrorisme
02:12

Mais c’est bien l’économie, le vivre ensemble ou la jeunesse, qui sont les terrains de jeux favoris du candidat. Il évoque le made in France – « Merci à Arnaud » –, défend son revenu universel, revu et corrigé, qu’il inscrit dans « l'œuvre du Conseil national de la résistance ». « Avec le revenu universel, je suis le candidat de la feuille de paie, candidat du pouvoir d’achat, de la France qui se lève tôt » ajoute-t-il. Il appelle la jeunesse à être « un peuple fraternel, ouvert, antiraciste. Ouvrez-vous au monde ». Gros succès dans la salle.  Et bien sûr la transition écologique, la sortie du diesel et du nucléaire. Le candidat des socialistes est très vert. Il est soutenu par Europe Ecologie-Les Verts. Cécile Duflot, tout comme Yannick Jadot, sont dans la salle. Ce dernier défend celui qui est aujourd’hui son candidat : « Tout commence. Maintenant c’est projet contre projet ».

Benoît Hamon : « Le revenu universel poursuit l’œuvre du Conseil national de la Résistance »
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« Benoît Hamon a un potentiel électoral de 30%, dont la moitié est sur d’autres candidats »

Tout au long de son discours, Benoît Hamon a soigneusement évité d’attaquer Jean-Luc Mélenchon. Pas touche. Emmanuel Macron est revanche la cible numéro 1 du socialiste. Un festival de tacles, d’attaques et de formules assassines.

Explications : « Une partie du peuple de gauche est tenté par Macron » souligne Marie-Noëlle Lienemann. Il s’agit d’aller chercher les électeurs qui existent. Et ils sont nombreux dans cette élection, à en croire les sondages. « Benoît Hamon a un potentiel électoral de 30%, dont la moitié est sur d’autres candidats. Le sujet pour nous, c’est d’exploiter ce potentiel électoral » glisse Jean-Marc Germain.

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Photo : François Vignal

« Le candidat des affaires et le candidat rattrapé par les affaires »

Dans ses attaques contre Emmanuel Macron, Benoît Hamon le met parfois dans le même sac que François Fillon. Florilège : il dénonce « une certaine vision de la France qui n’est pas la (sienne) : un pays vu comme une entreprise (…), un pays où l’argent serait roi, ou même la seule raison d’être, un pays où la gauche et la droite travailleraient ensemble pour l’entreprise France et seraient en réalité au service des gagnants. Vous êtes chômeur ? Créer votre entreprise. Vous êtes pauvre ? Devenez milliardaire ! Vous n’avez qu’un t-shirt ? Allez-vous acheter un costume, tiens ! ». « Je n’ambitionne pas de devenir le PDG du site France ». « Ils ont peut-être le sens des affaires, moi j’ai le sens de l’Etat » dit-il, raillant « le candidat des affaires et le candidat rattrapé par les affaires. Ils font un pont au FN pour après-demain ». Et de demander : « Comment le programme libéral qui a fait prospérer l’extrême droite dans toute l’Europe serait le meilleur pour faire barrage au FN ? »

Benoît Hamon : « Le parti de l’argent a trop de candidats dans cette élection ! »
02:55

Manuel Valls n’est pas oublié. Le perdant de la primaire a annoncé cette semaine qu’il ne parrainait pas Benoît Hamon. Il s’en est expliqué dans une tribune au JDD ce dimanche, jour du meeting… « Je suis révolté face à ceux qui voudraient ignorer le vote populaire. C’est ce manquement à la parole donnée, c’est ce mépris de l’expression démocratique qui exaspère tant le peuple et qui conduit au Brexit ou jette dans les bras de Marine Le Pen » selon Benoît Hamon. « Manuel Valls est aigri » ajoute l’entourage du candidat. Bref, la rupture est consommée.

Militants remontés à bloc

Après le meeting, les militants sont remontés à bloc. « C’est un beau défi réussi » pour Théo, 19 ans. « On y a cru hier, aujourd’hui, et on y croira demain » lance Sophie, 18 ans. « J’y crois car les affaires ont noyé le fond et beaucoup de gens hésitent encore » ajoute de son côté Véronique Levieux, conseillère de Paris, venue« en simple militante ».

Regardez le diaporama des militants et sympathisants venus à Bercy. Cliquez sur l'image pour lancer le diaporama :

Nazim, 41, militant PS aux Ulys, dans l’Essonne, croit en une « prise de conscience ». « Hamon est là pour construire, alors que je supporte moins le dégagisme de Jean-Luc Mélenchon » ajoute-t-il.

Virginie, DRH dans un groupe, a le sourire. « Ça fait longtemps que j’avais envie de voter par conviction. Et ça fait longtemps que je ne l’ai pas fait ». Elle est venue avec ses enfants. Virginie souhaite « qu’ils aient un monde meilleur ». Un peu plus loin, dans la fosse qui accueille habituellement les fans, Sylvie, comptable de 59 ans, vient de l’Aube. Elle reconnaît que « c’est compliqué, mais rien n’est impossible dans cette campagne. Silvain, artiste contemporain, badge des Sex Pistols sur le revers de la veste, a adhéré au PS après la victoire de Benoît Hamon à la primaire. Il aime « le langage qu’il utilise. Il avance avec des principes plutôt que des techniques » dit-il.

Domitille, 28 ans, n’a elle pas encore fait son choix. « Je ne sais pas encore pour qui je vais voter. Hamon me plaisait, mais il a un peu renoncé à certaines idées, comme sur le revenu universel. Je suis très mitigée », reconnaît-elle. Mais ce ne sera pas Macron, « trop libéral ».

« C’est vraiment le candidat qui nous a bien réveillé aujourd’hui »

Certains sympathisants, qui pouvaient douter, sont en revanche revigorés après le meeting. C’est le cas de Guillaume. « Jusqu’ici, j’étais un peu inquiet, je n’avais pas l’impression que la campagne était vraiment lancée. Là, on a vraiment senti un véritable espoir que Benoît Hamon porte pour nous tous. (…) C’est vraiment le candidat qui nous a bien réveillé aujourd’hui » lance-t-il. Regardez (images Stéphane Hamalian et Julie Hulin) :

Hamon à Bercy : « C’est vraiment le candidat qui nous a bien réveillé aujourd’hui » selon Guillaume
00:36

Reste à réveiller les électeurs. Le débat télévisé entre les cinq principaux candidats, demain soir sur TF1, sera crucial si Benoît Hamon veut créer la dynamique et faire mentir les sondages.

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