Hausse d’impôts des travailleurs frontaliers entre la France et le Luxembourg : « Plus de 20.000 foyers sont concernés », dénonce Jean-Marc Todeschini

Hausse d’impôts des travailleurs frontaliers entre la France et le Luxembourg : « Plus de 20.000 foyers sont concernés », dénonce Jean-Marc Todeschini

Plusieurs élus dénoncent les conséquences de l’avenant à la convention fiscale entre la France et le Grand-Duché. Il a pour conséquence d’augmenter l’impôt sur le revenu des travailleurs qui gagnent leur vie entre les deux pays. La hausse pourrait s’élever à plusieurs centaines d’euros pour certains. « C’est une levée de boucliers », alerte le sénateur PS Jean-Marc Todeschini.
François Vignal

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L’aller-retour entre la France et le Luxembourg commence à coûter cher pour certains travailleurs frontaliers. Depuis l’instauration, début 2021, d’une nouvelle convention fiscale entre la France et le Grand-duché du Luxembourg, certains Français ont vu leur avis d’imposition gonfler. Face à la situation, les parlementaires des départements concernés se mobilisent.

« Explosion de leur niveau d’imposition »

« C’est une levée de boucliers depuis une quinzaine de jours », raconte le sénateur PS de la Moselle, Jean-Marc Todeschini. « Sur Thionville par exemple, plus de la moitié des salariés travaillent au Luxembourg. Plus de 20.000 foyers fiscaux sont concernés », selon l’ancien secrétaire d’Etat de François Hollande. Soit un nombre conséquent, quand on sait que le nombre de travailleurs frontaliers entre les deux pays est évalué à environ 100.000.

« On est assailli de demandes. Moi je suis à 2 km de la frontière dans une commune où 80 % des actifs travaillent au Luxembourg. Vous imaginez la hauteur du mécontentement quand les gens ont découvert leur feuille d’impôt. Cette convention ne devait pas bouger le niveau d’imposition des travailleurs frontaliers à l’origine. Ils sont aujourd’hui confrontés à une explosion de leur niveau d’imposition », confirme Véronique Guillotin, sénatrice (Mouvement radical, groupe RDSE) de Meurthe-et-Moselle.

« Certains ont vu leur impôt augmenter de 42 % ! »

En cause, la nouvelle version de la convention fiscale signée entre la France et le Luxembourg. « Le gouvernement a signé en catimini un avenant à la convention, en octobre 2019 », dénonce Jean-Marc Todeschini. L’avenant doit ensuite être entériné par le Parlement via un projet de loi. Il a été adopté par le Sénat, en juin 2020, puis par les députés, avant d’être promulgué en janvier 2021. Mais en matière de convention fiscale, négociée par voie diplomatique d’Etat à Etat, le Parlement n’a pas la main. Aucune modification n’est possible, il ne peut qu’adopter ou rejeter le texte.

L’objectif affiché de la convention d’origine, signée en 2018, est « d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et la fortune ». Mais avec l’avenant, elle entraîne aussi une hausse de l’impôt sur le revenu pour certains foyers, dont les revenus sont partagés entre la France et le Grand-duché. Jusqu’ici, « les impôts prélevés directement au Luxembourg étaient défalqués des revenus déclarés en France », explique Jean-Marc Todeschini, c’est-à-dire qu’il réduisait la base sur laquelle était calculé l’impôt dû en France. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. L’assiette de l’impôt sur le revenu français augmente en conséquence, et donc le niveau de l’impôt. Exemple : le sénateur raconte avoir « été saisi par des gens qui ont peu de revenus au Luxembourg, et qui ont principalement leurs revenus en France. Ils ont vu leur impôt augmenter de 42 % ! »

« De quelques centaines d’euros, jusqu’à 1.000 euros »

A combien s’élève la hausse d’impôt ? « Ça part de quelques centaines d’euros, jusqu’à 1.000 euros, disent certains », explique Véronique Guillotin. « Pour certaines familles, c’est plus de 2.000 euros », selon Jean-Marc Todeschini, qui vise le chef de l’Etat : « Emmanuel Macron, c’est le père fouettard pour les frontaliers. Le candidat Macron distribue par milliers à tout le monde, mais on va piquer dans les poches des frontaliers ».

Bercy avait-il vu le coup venir ou pas ? « Je pense que c’est une mauvaise surprise. Le problème est qu’il n’y a pas eu d’étude d’impact avant. Je l’ai réclamée. Il faut la faire », demande Véronique Guillotin, qui ajoute : « On nous dit que ce sont plutôt de hauts revenus. Là aussi je demande une étude d’impact » pour voir qui est touché, et à quelle hauteur.

Mais pour Jean-Marc Todeschini, « ce n’est pas une erreur ». Avec l’ancien ministre du Budget, Christian Eckert, le sénateur PS Olivier Jacquin, Jean-Marc Fournel, le maire de Longwy et celui de Fillieres, Francis Herbays, ils demandent « à Bercy de faire un calcul précis sur tous les contribuables, pour calculer les hausses d’impôt. Ils savent faire. On espère que la convention sera revue, et très rapidement ».

« L’ancienne méthode d’exonération conférait aux foyers percevant des revenus de source luxembourgeoise un avantage supplémentaire », selon le ministre Alain Griset.

Interrogé en mai 2021 par le député LREM de Meurthe-et-Moselle, Xavier Paluszkiewicz, le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, Alain Griset, avait reconnu, en creux, que le nouveau système allait être moins avantageux pour les frontaliers. Mais il semblait en faire une question de justice sociale.

« L’ancienne méthode d’exonération conférait aux foyers percevant des revenus de source luxembourgeoise un avantage supplémentaire : non seulement l’impôt français était totalement abandonné sur ce revenu de source étrangère, conformément à l’objectif d’élimination de la double imposition, mais il était aussi pris en compte de façon à minorer le calcul de l’impôt progressif sur les autres revenus du foyer imposables en France », affirmait Alain Griset, qui ajoutait que « le passage d’une méthode à l’autre est par construction sans incidence pour les foyers percevant exclusivement ou très principalement des ressources d’origine luxembourgeoise ». Ce qui n’est donc pas le cas pour les autres. Le ministre ajoutait que « la méthode d’élimination par crédit d’impôt désormais appliquée est celle que la France met en œuvre dans toutes les conventions qu’elle négocie depuis de nombreuses années », comme avec « l’Allemagne, la Suisse, le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Italie ». « Si on veut changer le système, on le dit clairement et on le met en débat sur la place publique », rétorque Jean-Marc Todeschini, « et on ne dit pas qu’on n’augmente pas les impôts en France ». De quoi débattre dans l’année électorale qui s’annonce.

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