Hausse des péages : « Il faut faire pression, sinon les concessionnaires d’autoroutes ne bougeront pas », alerte le sénateur Vincent Delahaye

Hausse des péages : « Il faut faire pression, sinon les concessionnaires d’autoroutes ne bougeront pas », alerte le sénateur Vincent Delahaye

S’appuyant sur l’inflation, les sociétés autoroutières indiquent une augmentation aux péages de 8 % en 2023. Beaucoup trop pour Vincent Delahaye, rapporteur d’une commission d’enquête, sur la rentabilité des autoroutes. Il invite, une nouvelle fois, le gouvernement à faire preuve de volontarisme pour revoir les contrats de concessions.
Simon Barbarit

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L’augmentation régulière des tarifs des péages est un sujet qui préoccupe les élus de la Chambre haute. En 2020, une commission d’enquête pointait déjà « la rentabilité hors normes » des sociétés d’autoroutes. Et c’est une note plus que salée qui attend les automobilistes l’année prochaine, déjà impactée par la hausse des prix des carburants. Les concessionnaires tablent sur 8 % d’augmentation aux péages en février prochain.

Lire notre article. Autoroutes : un rapport du Sénat pointe la «rentabilité hors normes» de 40 milliards d’euros d’ici 2036

« On ne peut pas permettre aux sociétés d’autoroutes de gagner plus d’argent »

En juillet dernier, le ministre délégué aux Transports Clément Beaune avait émis le vœu que « les prix des péages n’explosent pas, malgré l’inflation ». Mais le gouvernement est lié aux concessionnaires privés d’autoroutes par des contrats d’exploitation. Et conformément à ces contrats, les hausses de tarifs des péages s’appuient sur l’inflation et les frais engagés par les sociétés pour entretenir le réseau. Les négociations ont à peine commencé entre les deux parties, et déjà une partie de poker menteur semble faire jour.

« Les concessionnaires annoncent 8 % pour obtenir 5 %. Mais c’est quand même trop. On ne peut pas permettre aux sociétés d’autoroutes de gagner plus d’argent. Une augmentation de 3 %, leur permettrait de rester au niveau par rapport à leurs charges d’exploitation. A 2 %, elles feraient un geste », calcule Vincent Delahaye, rapporteur de la commission d’enquête sur la rentabilité des concessions autoroutières qui ajoute : « Ce qui est certain, c’est que si le gouvernement ne fait pas pression, elles ne bougeront pas ».

« Faire pression », le patron du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau a commencé à le faire, en publiant, ce vendredi, un communiqué. Il se dit « stupéfait par l’indécence des sociétés d’autoroutes qui réclament une augmentation de 8 % des péages » en 2023. « En pleine crise de pouvoir d’achat des Français déjà étranglés par le prix de l’essence […] cette demande est scandaleuse », dénonce-t-il.

Le sénateur de Vendée, par ailleurs candidat à la présidence de son parti, rappelle qu’il a déposé, avec son groupe l’année dernière, une proposition de loi, destinée à « revoir les contrats des sociétés d’autoroutes et assurer un partage équilibré des bénéfices entre les usagers, les autorités concédantes et les concessionnaires ». Le texte n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour de la Haute assemblée.

« Il faut une volonté politique »

Comment le gouvernement peut-il intervenir sur le prix des péages ? « Il faut une volonté politique. Mais on a vu lors du colloque organisé au Sénat en février dernier (sur la surrentabilité des concessions NDLR) qu’elle était absente car aucun représentant de l’Etat n’avait répondu à l’invitation », souligne Jean-François Calmette, professeur de droit public, auteur de « Autoroutes, une affaire d’Etat ». « Les pouvoirs publics peuvent intervenir sur la réglementation des prix par décret, c’est par exemple le cas pour les tarifs de l’électricité. Ce n’est pas possible pour réglementer le prix des péages car la particularité des contrats, c’est que les tarifs prennent en compte l’inflation », ajoute-t-il.

« Il faut définir une fois pour toutes l’équilibre économique et financier de ces contrats »

« Ces contrats ne sont pas immuables, ils ont déjà été modifiés par le passé, souligne Vincent Delahaye qui réitère sa demande maintes fois formulée depuis la publication de son rapport. « Il faut d’abord, organiser une table ronde pour définir une fois pour toutes l’équilibre économique et financier de ces contrats. Ça n’a jamais été fait. Si l’Etat pousse les sociétés d’autoroutes à venir autour de la table, je ne vois pas comment elles pourraient dire non ».

En 2015, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal avait tenté un bras de fer en annonçant, de façon unilatérale, le gel des tarifs des péages. Les relations étaient déjà tendues entre les deux parties car l’Etat avait décidé d’augmenter la redevance domaniale versée par les concessionnaires à l’État. Le fameux protocole d’accord avait finalement conduit, à un plan de relance de 3,27 milliards d’euros à la charge des sociétés privées, compensé par une hausse plus importante des tarifs de péage de 2019 à 2023 et un allongement de la durée de concessions.

Devant la commission d’enquête du Sénat, Ségolène Royal avait reconnu ne pas avoir « suivi les négociations ». « J’ai signé, et je n’ai pas eu la curiosité de regarder le contenu, je l’ai découvert par la presse », expliquait-elle.

Sur ce dossier, Ségolène Royal avait beaucoup délégué à sa directrice de cabinet, Élisabeth Borne. Devant la commission d’enquête, cette dernière avait quant à elle jugé le bilan du protocole d’accord, « sans conteste positif ».

Désormais à la tête du gouvernement, Élisabeth Borne est-elle la personne idoine pour tenir tête aux sociétés autoroutières ? « Ce n’est pas un facteur très favorable. Mais on peut changer en sept ans, elle est peut-être plus volontariste sur ce dossier », veut croire Vincent Delahaye.

En attendant le sénateur rencontrera Clément Beaune le 12 octobre pour lui rappeler les travaux du Sénat.

 

 

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