Immigration: Philippe invite à changer de “logiciels”, les oppositions déçues

Immigration: Philippe invite à changer de “logiciels”, les oppositions déçues

"Réviser nos logiciels": critique sur le bilan de la politique migratoire, Édouard Philippe a fixé des orientations, n'excluant pas l'idée de...
Public Sénat

Par Pierre ROCHICCIOLI, Jérémy MAROT

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

"Réviser nos logiciels": critique sur le bilan de la politique migratoire, Édouard Philippe a fixé des orientations, n'excluant pas l'idée de quotas, lors d'un débat à l'Assemblée voulu par Emmanuel Macron qui a hérissé à gauche et laissé la droite sur sa faim.

Revendiquant "une politique sans coups de menton ni naïveté", le chef du gouvernement a lancé la discussion devant un hémicycle loin d'être comble, comme un lundi ordinaire. Un débat similaire aura lieu mercredi au Sénat.

Un an après la promulgation de la loi asile-immigration-intégration, le Premier ministre a admis que le gouvernement n'avait "pas atteint tous (ses) objectifs" en matière migratoire, soulignant l'augmentation de 22% entre 2017 et 2018 du nombre de demandes d'asile. "Le système français d'asile est aujourd'hui saturé", a-t-il déploré, estimant que l'idée de "quotas" n'était pas "taboue".

Mais les quotas, "ce n'est pas opératoire", pas la "recette magique", a critiqué Boris Vallaud (PS), quand Éric Ciotti (LR), favorable, a demandé le "calendrier".

Le locataire de Matignon a développé "six orientations", dont une réflexion sur les prestations sociales accordées aux demandeurs d'asile. "La France (...) ne doit être ni plus, ni moins attractive que ses voisins", a plaidé Edouard Philippe en appelant à "regarder les choses en face (...) sans rien renier de nos principes", notamment sur les conditions d'accès aux soins.

Edouard Philippe veut également redéfinir la stratégie de l'aide publique au développement, qui doit atteindre 0,55% du PIB en 2022, en mettant "enfin la question migratoire au coeur de nos relation diplomatique avec ces Etats". Il entend aussi "faire plus et mieux en matière d'intégration".

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner à l'Assemblée le 7 octobre 2019
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner à l'Assemblée le 7 octobre 2019
AFP

Quelques jours après le virulent discours anti-immigration du polémiste Eric Zemmour, le Premier ministre a décoché quelques flèches contre les pourvoyeurs de "fausses solutions", fustigeant les "mythes et fantasmes" de "l'immigration zéro", de "l'immigration de remplacement" ou encore de "la fin du droit du sol".

Pour répondre aux "inquiétudes" des Français, M. Philippe s'est dit aussi "prêt" à ouvrir un débat sur "les dérives communautaires", en indiquant qu'il ne liait pas le sujet à celui de la politique migratoire.

- "Partenariats" -

Les ministres Christophe Castaner (Intérieur) et Jean-Yves Le Drian (Affaires étrangères) ont ensuite insisté sur la nécessité d'agir au plan international pour réguler les flux migratoires et faciliter le retour des personnes en situation irrégulière.

Il nous faut "une approche globale pour agir le plus en amont avec les pays d'origine et de transit et éviter les tragédies en Méditerranée", a expliqué M. Le Drian, évoquant le renforcement des "partenariats".

L'immigration, "c'est d'abord une question internationale et l'Europe est au cœur des défis et des solutions", a approuvé Christophe Castaner.

Agnès Buzyn (Santé) a pour sa part défendu avec force le système de protection sanitaire des immigrés en vigueur: "Oui, en France, on ne laisse pas des personnes périr parce qu'il leur manque le bon tampon sur le bon document". Concernant l'Aide médicale d'Etat (AME), elle a cependant annoncé un "plan de lutte contre les fraudes".

- "Bouc émissaire" -

Les immigrés en France
Sexe, continent de naissance, niveau de diplôme des immigrés en France et motifs d'attribution des titres de séjours
AFP

Dès avant le coup d'envoi des échanges, la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a fait le lien entre la tuerie de la préfecture de Paris, perpétrée par un Français converti à l'islam, Mickaël Harpon, et une "immigration anarchique" laissant se développer le "fondamentalisme islamiste".

Marine Le Pen, qui défend un "moratoire" sur l'immigration, a appelé dans l'hémicycle l'exécutif a "avoir le courage d'organiser enfin un grand référendum" sur l'immigration.

Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron insiste sur ce thème de l'immigration, persuadé que la présidentielle de 2022 se jouera sur les sujets régaliens et qu'il se retrouvera à nouveau face à Marine Le Pen.

Dans la majorité, la mise en avant du thème de l'immigration qui avait déjà divisé lors du vote de la loi Asile et immigration en 2018, a fait grincer une partie de l'aile gauche. Dix-sept de ses membres ont réclamé dans une tribune lundi d'"élargir l’accès du marché du travail aux migrants".

A gauche, les préventions sont vives: le numéro un du PS Olivier Faure a alerté contre la tentation d'un "populisme d'Etat".

"Vous avez choisi de faire de l'immigré le bouc émissaire des problèmes du pays plutôt que le financier qui pille notre pays ou le fraudeur du fisc", a tonné le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.

Les alertes viennent aussi de l'extérieur, des associations d'aide aux migrants, qui pointent "postulats erronés" ou de la Fédération protestante de France qui s'inquiète des "conséquences délétères de l'instrumentalisation électoraliste des questions liées à l'immigration".

A droite, Guillaume Larrivé (LR) a souhaité la mise en place d'une "charte de l'immigration" adossée à la Constitution et soumise à "référendum".

En conclusion, Edouard Philippe a relevé un "dissensus" tel "qu'il est délicat d'avoir un échange nuancé" sur l'immigration. S'il n'est pas question de nouvelle loi, il a néanmoins confirmé que l'exécutif entendait "utiliser les textes à venir" pour "traduire, mesure par mesure, ces décisions en actes".

Dans la même thématique

Objets
4min

Politique

Elections européennes : quelles sont les règles en matière de temps de parole ?

Alors que le président de la République prononce un discours sur l’Europe à La Sorbonne, cinq ans après celui prononcé au même endroit lors de la campagne présidentielle de 2017, les oppositions ont fait feu de tout bois, pour que le propos du chef de l’Etat soit décompté du temps de parole de la campagne de Renaissance. Mais au fait, quelles sont les règles qui régissent la campagne européenne, en la matière ?

Le

European Parliament in Strasbourg
7min

Politique

Européennes 2024 : les sondages peuvent-ils encore bouger ?

Les rapports de force vont-ils rester globalement stables jusqu’au scrutin du 9 juin ? La liste PS-Place Publique de Raphaël Glucksmann peut-elle dépasser celle de la majorité présidentielle de Valérie Hayer ? Marion Maréchal va-t-elle devancer la liste LR de François-Xavier Bellamy ? Les Français vont-ils se décider au dernier moment ? Eléments de réponses avec quatre sondeurs.

Le