Immigration : tensions au Sénat, où la gauche accuse la droite d’être peu présente lors des débats

Immigration : tensions au Sénat, où la gauche accuse la droite d’être peu présente lors des débats

Les sénateurs ont commencé l’examen du texte asile et immigration. Ils ont adopté le principe de quotas et confirmé la suppression de la nouvelle carte de séjour pluriannuelle. Le gouvernement pourra revenir sur son texte lors du retour du projet de loi devant les députés.
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Les sénateurs ont débuté mardi 19 juin le long examen du projet de loi asile et immigration. Pas moins de 580 amendements au compteur pour ce texte que la majorité sénatoriale LR-UDI a globalement durci. Un texte important. Mais comme souvent, pour les séances de nuit, relativement peu de monde est présent. Ce qui a engendré une certaine tension, tard dans la nuit.

Les débats ont d’abord commencé sur un ton plutôt posé. Les sénateurs ont notamment adopté le principe de débats au Parlement, chaque année, sur des quotas d’immigration. Un principe que défend le sénateur LR Roger Karoutchi, mais que le rapporteur LR François-Noël Buffet ne partage pas vraiment, en réalité, sur le fond. En séance, il n’a cependant pas exprimé ses doutes sur l’idée des quotas. Les sénateurs ont aussi maintenu la suppression de la nouvelle carte de séjour pluriannuelle, d’une durée de quatre ans, au profit des apatrides et de leurs familles, que souhaite instaurer le gouvernement.

« Nous parlons de vies humaines (…) ça mérite d’être présent dans l’hémicycle »

A la reprise des débats, à 21h30, les bancs de droite sont moins garnis. A gauche, entre les socialistes et les communistes, la mobilisation est plus soutenue. Si bien qu’un amendement PS est adopté, contre l’avis du rapporteur et du gouvernement, représenté par Jacqueline Gourault, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, étant à Berlin avec Emmanuel Macron. L’amendement vise à intégrer dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile les aspects liés au sexe dans les motifs de persécution.

Pour éviter de se retrouver en minorité, la droite, groupe pourtant le plus important au Sénat, demande ensuite des scrutins publics. Ce qui permet concrètement de voter pour les absents. Patrick Kanner, président du groupe PS, prend alors le micro, non sans ironie (voir la vidéo) :

« Nous pouvons passer beaucoup d’heures sur le scrutin public. J’ai essayé de demander à mes collègues PS de quitter la salle pour que vous soyez majoritaire. Ils ne veulent pas ».

« Nous constatons une forme de blocage sur la fluidité de nos débats » pointe Patrick Kanner, qui ajoute : « Vous n’avez peut-être pas réussi à mobiliser sur un texte aussi important… » Il demande une suspension de séance de quelques minutes, pour laisser à la majorité sénatoriale le temps de rappeler les troupes. Mais à la reprise, pas de changement.

David Assouline, qui avait déjà pris la parole de manière indignée plus tôt dans la soirée (voir la vidéo), remet une pièce : « Il ne faut pas banaliser ce qui se passe depuis tout à l’heure. (…) Nous avons souligné l’importance de nos débats. C’est un moment où le ministre de l’Intérieur italien vient de déclarer « nous avons besoin d’une épuration de masse, rue par rue, quartier par quartier. (…) Il y a ici une majorité qui dit que c’est un sujet important. Et ceux qui la composent ne sont pas capables de mettre à l’honneur le Sénat, au point d’être suffisamment dans l’hémicycle » lance le sénateur de Paris, sous les huées de la droite. « Allez, faites du bruit ! » réagit David Assouline, qui en rajoute et pointe le groupe LREM, « avec deux présences pour soutenir le gouvernement », sur un total de 21 sénateurs. Huées. « Vous savez, le bruit ne peut pas compenser la présence ». Le sénateur n’en démord pas : « Nous parlons de vies humaines, d’attente, de délais, qui vont décider du destin d’un certain nombre d’êtres humains, (…) ça mérite qu’il y ait un peu plus de sérieux et que vous essayez d’être présents dans l’hémicycle ».

Liste des pays sûrs

Une leçon de morale qui déplaît forcément à la droite. « Je suis admiratif devant la capacité d’oubli de certains » lance le sénateur LR Roger Karoutchi, qui se rappelle que le groupe PS s’est lui aussi retrouvé « bien faiblement présent » dans le passé. « Rassurez-vous, dans quelques jours, ce sera votre tour. Et le président Kanner sera obligé de dire à ses troupes, vous n’étiez pas là, et j’étais dans l’embarras ». Et de conclure que les remarques de David Assouline « sont indignes du niveau du débat sur l’immigration ».

Quelques minutes après, la sérénité de la Haute assemblée reprend ses droits. Les sénateurs  commencent, un peu avant minuit, l’examen de l’article 5. Il vise à préciser la liste des pays d’origine jugés comme sûrs et la réduction, de 120 à 90 jours, du délai pour déposer une demande d’asile après l’entrée en France. Après cette période, le dossier sera traité mais il pourra l’être en procédure accélérée.

« Là, un obsédé de l’Italie, un obsédé de la Hongrie, un obsédé de l’Autriche. On va bientôt condamner le ministre de l’Intérieur allemand ! »

Mais la tension revient vite. Après que la sénatrice PS Laurence Rossignol a défendu un amendement pour prendre en compte, dans la définition des pays sûrs, l’impossibilité légale de recourir à l’avortement, le sénateur LR Sébastien Meurant, sénateur du Val-d'Oise, « s’étonne de l’étroitesse d’esprit de la gauche, qui donne des leçons au monde entier ». Il souligne que « le plus grand féminicide se trouve en Chine communiste », au nom de la politique de l’enfant unique. Regardez :

Immigration : Sébastien Meurant (LR) "s’étonne de l’étroitesse d’esprit de la gauche"
01:19

Il continue et dénonce « les obsédés des continents européens. Là, un obsédé de l’Italie, un obsédé de la Hongrie, un obsédé de l’Autriche. On va bientôt condamner le ministre de l’Intérieur allemand ! Mais ouvrez les yeux. L’Europe est un pays de liberté ! Par contre, d’où viennent les migrants, où est la liberté religieuse des pays du sous-continent… des pays musulmans ? » Le sénateur LREM de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi, décide de couper son collègue LR : « Je suspends la séance pour quelques minutes, le temps pour tout le monde de se calmer. Ça ne peut pas continuer comme ça ».

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