« Indemnité inflation » : 100 euros pour la moitié des Français, et après ?

« Indemnité inflation » : 100 euros pour la moitié des Français, et après ?

Face à la hausse généralisée des prix, et notamment des prix de l’énergie et du carburant, Jean Castex a annoncé ce jeudi soir une nouvelle prime de 100 euros, qui devrait automatiquement être touchée par 38 millions de Français d’ici février 2022. Au Sénat, si le coup de pouce aux ménages est salué, la pérennité du dispositif interroge. Certains lui auraient préféré une baisse de la TVA quand d’autres auraient demandé des réponses plus structurelles face aux dépenses énergétiques contraintes. 
Louis Mollier-Sabet

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« L’accouchement a mis un peu de temps » ironise Jean-François Husson, rapporteur général du budget au Sénat. Il est vrai que, cette dernière semaine, les « arbitrages » du gouvernement sur la réponse à apporter à la hausse des prix du carburant ont tenu en haleine ceux qui s’inquiètent de l’inflation. Parce que si la hausse du prix des carburants a focalisé l’attention ces derniers jours, c’est bien d’une hausse des prix généralisée dont il s’agit, Jean Castex l’a martelé au 20h de TF1 ce soir. « La question de l’inflation ne concerne pas que les produits pétroliers, nous devons avoir une approche plus large que celle liée à l’essence » a ainsi affirmé le Premier ministre.

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100 euros pour tous les Français gagnant moins de 2000 euros nets par mois

Face à cette « situation exceptionnelle », Jean Castex a donc annoncé, trois semaines après le bouclier tarifaire, une nouvelle « indemnité inflation » de 100 euros, qui sera versée automatiquement entre décembre et février à tous les Français qui gagnent – individuellement et pas par ménage – moins de 2000 euros nets par mois, soit environ le salaire médian. D’après le Premier ministre, ce sont donc 38 millions de Français qui recevront cette indemnité, sans formulaire à remplir ou démarche à entamer. En effet, les salariés du privé concernés devraient recevoir cette prime sur leur salaire de décembre et leurs entreprises compensées, assure Jean Castex, alors que pour les salariés du public cette indemnité devrait arriver au moins de janvier. Pour les indépendants, les agriculteurs ou bien les inactifs (retraités, chômeurs ou étudiants), quelques « problèmes de tuyauterie » devraient retarder la mesure, mais les 100 euros devraient être perçus entre janvier et février prochain.

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Le gouvernement entend ainsi satisfaire la promesse d’un dispositif simple et efficace immédiatement. « Nous avons pensé à essayer de cibler ceux qui devaient prendre leur voiture pour aller travailler, mais quelle usine à gaz cela aurait pu être. On ne va pas demander aux gens de présenter leur carte grise » précise notamment Jean Castex. Mais le Premier ministre insiste aussi sur la volonté du gouvernement de ne pas oublier que la « situation d’inflation » ne se résume pas à l’essence et touche bien au-delà des salariés qui sont tributaires de leur voiture pour aller travailler.

Le dispositif sera donc beaucoup plus large qu’une compensation du surcoût lié aux déplacements professionnels contraints de certains salariés. Son coût, lui aussi, sera donc conséquent et assez simple à chiffrer : 100 euros pour 38 millions de Français, cela fait 3,8 milliards d’euros. Jean Castex a précisé que cette dépense rentrerait dans le cadre du déficit de 5 % annoncé par le gouvernement dans le cadre de l’examen du budget 2022 et serait donc financée à hauteur d’un milliard d’euros par la hausse mécanique des recettes liées à la TVA sur l’énergie avec l’inflation.

« C’est une suite d’improvisations »

Rachid Temal, sénateur socialiste du Val d’Oise, y voit un aveu d’échec dans la politique du gouvernement : « Les Français vont payer plus, on va donc simplement leur rendre leur argent, il ne se passe rien. On vous reprend d’une main ce que l’on vous a donné de l’autre, ce n’est pas une mesure gagnante. » Le soutien d’Anne Hidalgo l’affirme, la bonne mesure « qui permettait d’être efficace immédiatement et de façon permanente, c’était la baisse des taxes. » La mesure proposée notamment par la maire de Paris aurait en outre le mérite d’être « simple, efficace et limpide », face à un dispositif « technocratique, rabougri et d’affichage » du gouvernement.

Chez les écologistes en revanche, la baisse des taxes sur la TVA n’avait de toute façon pas le vent en poupe. De quoi être satisfait de l’arbitrage du gouvernement ? Ronan Dantec, sénateur écologiste de Loire-Atlantique, admet qu’entre une baisse de la TVA et une mesure type chèque énergie ciblée sur les ménages à faible revenu, c’est la mesure redistributive qui avait sa faveur. « Mais cette redistribution est beaucoup trop faible. Les ménages modestes ont des dépenses énergétiques plus proches des 1000 que des 100 euros. » Plus structurellement, Ronan Dantec comprend des « aides d’urgence », mais ne voit pas comment celles-ci pourraient aider des ménages « prisonniers de la mobilité thermique », qui ont par conséquent de fortes dépenses contraintes liées à l’utilisation de la voiture. Pour le sénateur écologiste, « on ne va pas pouvoir se contenter de mesures de ce type : il faut aller sur de l’aide au changement de véhicule et de l’efficacité énergétique. »

Finalement, « l’indemnité inflation » pose la question de la pérennité d’une réponse ponctuelle comme celle-ci. Après le bouclier tarifaire de septembre et l’indemnité inflation d’octobre, que pourra faire le gouvernement dans les mois qui suivent ? « C’est une suite d’improvisations » pour Jean-François Husson, rapporteur général du budget, qui poursuit : « Le gouvernement est dans une situation difficile et le Premier ministre est aux abois. On a l’impression qu’il faut tenir jusqu’à avril et que d’ici-là on va sortir le carnet de chèque. » D’après le sénateur LR, « il faut faire attention à ce que la flambée des prix n’enflamme pas le pays, mais pas à n’importe quel prix. Là on repart sur une forme de ‘quoi qu’il en coûte’. » Plus que la dépense pure et simple affectée à la mesure, c’est bien le manque de vision qui inquiète Jean-François Husson : « Je ne dis pas que c’est trop dépensier, mais il y a une forme d’improvisation. La question c’est comment on réduit notre consommation énergétique et sur quelles énergies on s’appuie pour faire baisser les coûts. Là-dessus qu’est-ce qui a changé ? Rien. »

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