Index des seniors : bien mais peut mieux faire, selon les économistes

Index des seniors : bien mais peut mieux faire, selon les économistes

La réforme des retraites actuellement discutée au Parlement prévoit, pour les entreprises de plus de 300 salariés, la création d’un index seniors, avec des sanctions en cas de non-publication jusqu’à 1 % de la masse salariale. Un dispositif intéressant pour plusieurs économistes, mais encore flou et loin d’être suffisant.
Public Sénat

Par Steve Jourdin

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Nécessaire mais pas suffisant. Si le dispositif souhaité par le gouvernement est encore flou et demande à être précisé, l’idée d’obliger les entreprises de plus de 1000 salariés à publier dès cette année le nombre de seniors en activité séduit les économistes. « Il y a aujourd’hui une guerre des talents entre les entreprises, car un grand nombre de compétences sont recherchées. Les salariés sont actuellement en position de force, et la publication d’un index des seniors pourrait devenir un critère d’attractivité pour les entreprises. Elles devront être transparentes et montrer comment elles gèrent les carrières longues » estime l’économiste Eric Heyer, spécialiste du marché du travail et directeur du département Analyse et Prévision de l’OFCE.

 

La réforme des retraites, qui prévoit de repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, a placé la question du travail des seniors au coeur du débat. Selon le ministère du Travail, 56 % des 55-64 ans sont en emploi, contre 81,8 % des 25-49 ans Pour renverser la vapeur, l’index des seniors ne sera sans doute pas suffisant. « La priorité est de faire en sorte que les entreprises gardent le plus longtemps possible les personnes en fin de carrière, car le plus difficile est de retrouver un emploi une fois que l’on tombe au chômage », estime Christine Erhel, directrice du Centre d’Études de l’Emploi et du Travail au CNAM. « Sans contrainte, ni obligations imposées aux entreprises, l’index ne sera pas suffisant ».

 

Une mesure trop peu contraignante

 

Selon le projet de loi, une entreprise ne publiant pas les informations exigées devra payer une « contribution » pouvant aller jusqu’à 1 % de la masse salariale. Le patronat ne veut pas en entendre parler.

Une mesure inefficace pour le leader de la CGT Philippe Martinez, qui demande des sanctions en cas de licenciements de seniors.

Mais imposer des contraintes sur l’emploi des plus âgés serait contre-productif selon Eric Heyer. « Nous avons pu le constater en Allemagne, aux Pays-Bas ou en Italie : les critères d’âge provoquent des effets de seuil et des effets d’aubaine. Au final le bilan des sanctions est très négatif, car les entreprises préfèrent licencier avant que le salarié ne devienne un senior ». D’autres mesures pourraient être imaginées, afin de pousser les entreprises à conserver les plus âgés. Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste de BDO France prône la mise en place de mesures fiscales incitatives : « En Suède et aux Pays-Bas, des dispositifs ont été mis en oeuvre en matière de fiscalité afin de maintenir les seniors en poste. Il faut créer une incitation financière pour les entreprises, car souvent il est plus interessant pour elles de payer au salarié un package et de le laisser partir. »

 

Une réforme qui ne bouleversera pas la donne

 

Selon la Première ministre Elisabeth Borne, le passage progressif de 62 à 64 ans reste l’un des leviers « les plus efficaces » pour améliorer le maintien en emploi des seniors. Le gouvernement fait ainsi le pari que le nombre des 55 à 64 ans en emploi augmentera de plus de 100 000 en 2025. Mais la réforme pourrait aussi avoir des effets pervers. « Le report de 2 ans va créer 600 000 actifs supplémentaires. La moitié d’entre eux seront dans lemploi, et les autres resteront dans l’inactivité. Ces derniers sont ceux qui sont les plus précaires. Ils devront se maintenir dans la pauvreté deux ans de plus » estime Eric Heyer.

Un meilleur accompagnement des salariés tout au long de leur carrière pourrait corriger les effets pervers du système français. « Nous avons une très forte productivité et un taux d’emploi très élevé entre 25 et 55 ans. Résultat : les salariés sont épuisés à mesure qu’ils se rapprochent de l’âge de 60 ans. Il faudrait aménager les postes de travail en fonction de l’âge et repenser nos méthodes de management. C’est ce qu’il se fait dans les pays nordiques et en Allemagne. En France, nous sommes très mauvais là-dessus ! » regrette Anne-Sophie Alsif.

» Lire aussi : Réforme des retraites : les grands ratés des dispositifs pour l’emploi des seniors

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