Israël – Palestine : dialogue difficile entre les ambassadeurs au Sénat

Israël – Palestine : dialogue difficile entre les ambassadeurs au Sénat

Dans le cadre de l'initiative française pour la paix au Proche-Orient, la commission des affaires étrangères du Sénat a reçu consécutivement l'ambassadrice d'Israël, Aliza Bin-Noun, et le chef de la mission de Palestine en France, Salman El-Herfi. Ils ont réagi à l'actualité récente du conflit, en se renvoyant chacun la responsabilité dans l'échec des négociations. 
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Cela aurait pu être un moment de dialogue. Dans le cadre de l’initiative française pour la paix au Proche-Orient, le Sénat a reçu les ambassadeurs d’Israël et de Palestine... l'un après l'autre, sans qu'ils puissent échanger. Ils ont réagi à l’actualité récente du conflit, en se renvoyant chacun la responsabilité dans l’échec des négociations.

« Il y a 70 ans que notre peuple a été déraciné de sa terre », s'est ému Salman El-Herfi devant les sénateurs 

Le chef de la mission de Palestine en France, Salman El-Herfi,  a adressé « son vif remerciement au président Hollande et au peuple français » pour son initiative au cours de la conférence de Paris sur le Proche-Orient.  « Cette conférence a permis de montrer l’adhésion de toute la communauté internationale à la solution des deux Etats.» Cette déclaration est selon lui d’autant plus importante qu’elle s’exprime à un moment où il y a « urgence » à préserver cette solution.

 « Moi j’ai 72 ans. Croyez-moi, je n’ai pas eu d’enfance. Parce que c’est l’âge de la « nakba ». Il y a 70 ans que notre peuple a été déraciné de sa terre. Il y a 50 ans d’occupation de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est. » « Tout ce temps là, notre travail a été de chercher la paix avec celui qui nous occupe. Nous avons fait des concessions énormes. Aucun pays dans le monde n’a renoncé à 78% de ses territoires, n’a accepté de n’en conserver que 22% pour avoir la paix. »

 « Israel ne veut pas accepter de diktat de la part de la communauté internationale », affirme Aliza Bin-Noun

Pour l’ambassadrice israélienne, Aliza Bin-Nour, l’initiative de la Conférence du Proche-orient, de même que la résolution 23-34 de l’ONU ne sont pas bienvenues. Si elle a exprimé la volonté du gouvernement de reprendre les négociations, ce sera de manière « directe », et non par le biais d’une institution internationale ou par la médiation de la communauté. « Israel ne veut pas accepter de diktat de la part de la communauté internationale » a-t-elle résumé.

Selon elle, l’absence de reprise des négociations est due à la mauvaise volonté de l’Autorité palestinienne et de Mahmoud Abbas, qui « ne se conduit pas comme un partenaire. » Il « n’a jamais condamné une seule attaque menée contre les israéliens, et il  rend visite aux familles des terroristes ».

L’ambassadrice a rappelé la condition sur laquelle bute, selon elle, la réouverture des négociations : « reconnaître Israël comme un Etat du peuple juif, de nationalité juive ». Interrogée par la sénatrice Gisèle Jourda, qui demandait une précision, elle a affirmé que « reconnaître Israël comme un pays juif, c’est dire que c’est le seul pays juif dans le monde. »

« Israël doit choisir entre l’occupation et la paix », prévient Salman El-Herfi

A l’inverse, pour Salman El-Herfi, c’est la volonté israélienne qui manque. « Israël doit choisir entre l’occupation et la paix, entre la colonisation et la paix. Un programme de colonisation a pris la place de la paix. »

« La Palestine a déjà fait des concessions historiques pendant les accords d’Oslo »a-t-il rappelé, en interpellant le ministre des affaires étrangères Naftali Bennett, suite à l’élection de Donald Trump, qui avait déclaré « révolue » l’époque de la solution à deux Etats. « Après 23 ans de négociations directes, et je dis bien directes, et  23 ans de négociations indirectes, nous assistons à l’échec d’une stratégie de négociations. »

Par ailleurs, a-t-il renchéri, « La volonté de la prochaine administration américaine de transférer son ambassade à Jérusalem est en contradiction avec le statut de Jerusalem-Est. C’est une violation du droit international qui anéantirait les efforts vers la paix et heurterait les sensibilités de tous les croyants à travers le monde. »

 Selon lui, une telle décision pourrait conduire l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à revenir sur la reconnaissance de l’Etat d’Israël elle-même.

« Etre juif, c’est une nationalité », soutient Aliza Bin-Noun

Un point qui, pour Aliza Bin-Noun, n’est de toute façon pas acquis. « Cette année nous fêtons les 100 ans de la déclaration de Balfour, qui entérine « l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif ». Les Palestiniens protestent contre cela. Cela montre qu’il ne s’agit pas des implantations mais de l’existence d’Israël.  Ils refusent de reconnaitre Israël comme l’Etat-nation du peuple juif. Etre Juif, c’est une nationalité. Moi je ne suis pas pratiquante, mais je suis de nationalité juive.

S’exprimant ensuite sur les « colonies » israéliennes, qu’elle qualifie d’« implantations », elle a justifié l’action du gouvernement par la nécessité de répondre aux besoins des Israéliens établis sur ces territoires. « Aujourd’hui près de 100 000 Israéliens habitent là bas. Il faut leur construire des écoles, des crèches. Le gouvernement ne peut pas les ignorer. »

En outre, a-t-elle ajouté, « on ne peut ignorer le fait que pour beaucoup d’Israéliens les territoires sur lesquels les installations ont été établies ont une signification historique. Dans le temps biblique, c’est notre patrimoine qui est là bas. »

Interrogée par la sénatrice Hélène Conway-Mouret sur le poids de la minorité religieuse orthodoxe dans la société israélienne, l’ambassadrice a admis que « la société israélienne est à droite ». Mais, a-t-elle fait remarquer, « on ne peut pas faire l’éloge de la démocratie, et ensuite désapprouver les choix de la population israélienne. » « Israël est entourée de « voisins » dont le but est de voir Israël disparaître, cela influence l’état d’esprit des Israéliens. », a-t-elle continué, en reconnaissant là un « problème pour l’avenir. »

Les sénateurs ne lui ont pas donné tort, puisque l’issue de la Conférence sur le Proche-Orient, favorable à la solution des deux Etats, n’a pas été reconnue par le gouvernement israélien. L’arrivée de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis d'Amérique, dès la semaine prochaine, pourrait par ailleurs apporter d’autres sujets de tensions.

 

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