« Jean Castex est l’homme de la situation, qui ne fera pas d’ombre au Président » pour Raymond Soubie

« Jean Castex est l’homme de la situation, qui ne fera pas d’ombre au Président » pour Raymond Soubie

Raymond Soubie, ancien conseiller social à l’Élysée durant le mandat de Nicolas Sarkozy, a bien connu le nouveau premier ministre, Jean Castex. Il décrit un homme de dossier, qui ne « fera pas de l’ombre au président ». « Un casting idéal », résume-t-il. Entretien
Public Sénat

Par Hugo Lemonier

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Vous avez connu Jean Castex sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Quelle impression vous a-t-il faite à l’époque ?

 

J’avais de lui une très haute opinion. C’est gênant de dire cela aujourd’hui, maintenant qu’il est Premier ministre… mais c’est vrai. Je trouvais qu’il y avait dans la même personne beaucoup de qualités rarement rassemblées. D’abord une grande intelligence, mais ça s’est assez commun. Deuxièmement, une perception des personnes avec qui il parlait, des enjeux humains, sociaux très pointus. Il adorait discuter avec ses interlocuteurs et d’ailleurs vous ne rencontrerez pas d’interlocuteurs qui se soient fâchés avec Jean Castex. Tous, même ceux qui n’étaient pas du tout de son bord, l’ont toujours apprécié notamment les responsables syndicaux et patronaux. C’était aussi, et on l’a vu lors du déconfinement, un très bon organisateur.

Et puis, c’est un homme politique local. Et il avait envie depuis sa base de Prades, dans le Sud-Ouest, de poursuivre des ambitions politiques qu’il n’a pas d’ailleurs réellement menées. C’est pourquoi il s’était détaché pendant toutes ces années des pouvoirs parisiens, tout en continuant à exercer ses fonctions de conseiller à la Cour des Comptes pour lesquels il remontait à Paris.

Enfin, c’est aussi quelqu’un de confiance. Il ne vous raconte jamais des histoires donc je trouvais qu’il avait l’ensemble des qualités humaines et techniques. Et c’était pour cela que j’avais pensé à lui pour me remplacer au poste de conseiller social auprès de Nicolas Sarkozy. Il le connaissait bien car Jean Castex avait dirigé le cabinet de Xavier Bertrand, d’abord au ministère de la Santé, puis au ministère du Travail. Et d’ailleurs, dès que je lui ai proposé, Nicolas Sarkozy m’a répondu : « Mais bien sûr, Jean Castex ! »

 

On parle d’une rentrée sociale explosive… A-t-il les qualités pour y faire face ?

 

Édouard Philippe était, je trouve, un très bon Premier ministre, très efficace, très organisé. Lui aura un autre style, plus jovial, plus direct, plus expansif. D’abord, il connaît très bien les sujets. Par exemple, la santé, il avait été longtemps directeur de cabinet de Xavier Bertrand au ministère de la Santé. Il s’est toujours intéressé à ces sujets, outre ses fonctions pendant le déconfinement. Donc il est l’homme de la situation. De même, tous les sujets sociaux que nous avons que ce soient l’emploi, la réforme des retraites, la politique en faveur des jeunes… il connaît très bien tout ça. Il connaît très bien les interlocuteurs, les organisations et les associations qui s’occupent de cela.

En plus, c’est beaucoup plus qu’un technicien, c’est un homme politique au sens étymologique du terme : il sait prendre en compte les intérêts de la cité. Et, enfin, puisqu’il n’a aucune existence politique par lui-même, il ne peut en rien faire ombre au président. Donc pour Emmanuel Macron, je dirais que c’est un casting idéal car c’est un homme efficace, fidèle, loyal, et même temps ce n’est pas quelqu’un à qui on peut le comparer. Du tout. Ce qui est un très grand avantage. Et il va avoir comme directeur de cabinet un autre homme de confiance du président, Nicolas Revel. Le président l’a très bien connu puisqu’ils étaient tous les deux secrétaires généraux adjoints de l’Élysée au début du quinquennat de François Hollande. Emmanuel Macron l’apprécie beaucoup, tellement qu’il a essayé de l’imposer à Édouard Philippe au début de sa mandature, mais il n’a pas réussi. Nicolas Revel présente d’ailleurs un autre avantage puisqu’il est spécialiste de la santé : il est président de la Caisse nationale d’assurance maladie.

Alors les deux hommes sont très différents. Jean Castex est plus expansif, plus direct, etc. Mais ils forment un tandem très fort. Maintenant une question demeure : qui va former le gouvernement ? C’est Jean Castex qui va le proposer ou le président de la République ? La configuration montre quand même que le Président va avoir une pâte essentielle dans cette affaire.

 

Comment peut-il protéger le Président sans avoir un capital politique et être reconnu par l’opinion ?

 

C’est compliqué. Il faut le dire, Jean Castex est totalement inconnu de l’opinion, son nom ne dit rien à l’opinion. On n’en a jamais entendu parler sauf quelques fois, à l’occasion du déconfinement. Donc il va falloir qu’il se crée une image auprès de l’opinion. Deuxièmement, il va devoir gérer la période redoutable que nous avons devant nous. La pandémie risque de revenir, le virus circule toujours. Vous avez les sujets redoutables de l’emploi, des problèmes sociaux, des mécontentements, les relations avec les organisations, la réforme des retraites. Vous avez sur la table beaucoup de sujets difficiles dans un climat non moins difficile. Au fond, le rôle de Jean Castex va être de gérer tout cela efficacement, habilement et sans casse. C’est là sa principale mission. On ne sait jamais ce que réserve la vie, mais il en a, a priori, les qualités personnelles. Il lui reste à conquérir le soutien de l’opinion. C’est que l’on verra dans les prochaines semaines.

 

Il est toujours resté dans l’ombre. Comment interprétez-vous son choix de s’exposer ?

 

C’est en effet un homme de cabinet, mais aussi un organisateur. On l’a vu avec le déconfinement mais aussi dans sa mission pour les JO de Paris 2024. Sa personne est politique. Vous avez des hauts fonctionnaires qui ne sont que des hauts fonctionnaires. Mais d’autres ont un plus. Lui a des jugements politiques. Il n’a jamais exercé de fonctions ministérielles mais intrinsèquement c’est un homme politique. Il aime ça et il comprend ça. A priori, il est donc assez bien armé, mais le cœur du problème va consister à résoudre les problèmes et montrer aux Français qu’il leur apporte des solutions. Et puis, il lui faudra se faire apprécier, mais cela se construit dans la durée.

Dans le fond pour le président, il est une double assurance : il est l’homme idéal pour cette situation et en même temps cela ne peut pas être un rival politique. En vérité, pour le président, c’est un choix très habile.

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