Jean-Michel Blanquer : la dernière rentrée du quinquennat

Jean-Michel Blanquer : la dernière rentrée du quinquennat

C’est la rentrée des classes et la dernière du quinquennat pour Jean-Michel Blanquer, après 5 ans à la tête du ministère de l’Education nationale. L’heure de rappeler son action rue de Grenelle. Dédoublement des classes en zone d’éducation prioritaire, école obligatoire dès 3 ans, réforme du bac, revalorisation des enseignants, gestion de la crise sanitaire… et quelques polémiques.
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L’arrivée de Jean-Michel Blanquer rue de Grenelle, c’est d’abord une grimace de sa prédécesseure, Najat Vallaud-Belkacem, captée par les caméras de Quotidien, le 18 mai 2017. La cause ? Ancien directeur général de l’enseignement scolaire sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le nouveau ministre de l’Education est marqué à droite. Il est connu pour avoir organisé un projet de repérage des élèves présentant des difficultés d’apprentissage dès la maternelle et surtout, il a été chargé d’appliquer le principe de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

« On est quand même déçus »

« Il était annoncé comme étant proche de notre sensibilité politique. Même si pour nous ça ne pouvait être pire que la ministre précédente, au final on est quand même déçus. Si demain nous avons un gouvernement de droite, il est à espérer que nous aurons une réforme structurelle de l’Education nationale », commente aujourd’hui Stéphane Piednoir, vice-président LR de la commission Culture et Éducation du Sénat.

Dès son arrivée, Jean-Michel Blanquer envoie des signaux brouillés au monde éducatif. Pragmatique ou polémique ? Conservateur ou réformateur ? Dans ses premiers entretiens à la presse, il indique vouloir le retour du redoublement tout en le gardant exceptionnel, (ce qui était c’est déjà le cas), la suppression de la méthode de lecture globale, (qui n’était plus pratiquée depuis longtemps), l’apprentissage de La Marseillaise au CM1 qui figure au programme depuis plusieurs années).

Dédoublement de classes en ZEP

Ses premières mesures correspondent surtout aux promesses de campagne d’Emmanuel Macron. La réforme phare, le dédoublement des classes en zone d’éducation prioritaire (douze élèves par classe en CP et CE1 dans les quartiers défavorisés) commence à être mise en œuvre dès la rentrée 2017 et fait plutôt consensus à droite comme à gauche. Mais elle s’accompagne de grincements de dents d’une partie des enseignants, pourtant très favorables à des effectifs réduits. « Cette réforme s’est faite à moyens constants. Il a déshabillé Paul pour habiller Jacques, avec des effectifs dégradés à d’autres niveaux », estime Pierre Ouzoulias, sénateur communiste, vice-président de la commission Culture et Éducation du Sénat.

Réforme du bac

A la rentrée 2019, le ministre vient de faire adopter au Parlement sa loi pour « une école de la confiance ». Le texte baisse l’âge de l’instruction obligatoire de six à trois ans. Elle vise à garantir à l’issue de l’enseignement primaire, la maîtrise des savoirs fondamentaux à (lire, écrire, compter et respecter autrui). La formation des enseignants est revue et majoritairement consacrée aux savoirs disciplinaires fondamentaux et à la connaissance des valeurs de la République. Sous la pression du Sénat, Jean-Michel Blanquer a renoncé à l’un des points les plus polémiques du texte : le rapprochement entre écoles et collège par la création « d’établissements publics des savoirs fondamentaux » (EPSF), très mal vécu en zone rurale et ce, même si le ministre assure que cette idée ne signifie pas le regroupement physique des écoles et collèges ».

Certains termes de la première version du projet de loi braquent le corps enseignant qui y voit une marque de défiance. Le texte souligne dès son article 1er que « l’engagement » et « l’exemplarité » nécessaires des professeurs « contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation ». « Un malentendu » plaide le ministre, avant de voir l’article réécrit par les sénateurs.

C’est dans ce contexte de crispation avec les syndicats d’enseignants que la réforme du baccalauréat est abordée. La fin des filières L, ES et S, remplacées par un contrôle continu et le choix de plusieurs enseignements, est mal passée avec une grève des correcteurs du bac. Le locataire de la rue de Grenelle joue l’apaisement et annonce « comité de suivi » pour tenir compte des difficultés éventuelles et décider d’aménagements pour le lycée.

« C’est la fin de la promesse républicaine de l’Education nationale »

« C’est difficile d’avoir un retour d’expérience de la réforme du bac car elle n’a pas pu être réalisée en conditions normales », rappelle Stéphane Piednoir. En effet, la crise sanitaire est passée par là, ce qui n’empêche pas Pierre Ouzoulias de s’y opposer farouchement. « C’est la fin de la promesse républicaine de l’Education nationale. Avec la réforme du bac, le déterminant social est le noyau du parcours éducatif. Vous êtes marqué par le lieu où vous avez reçu votre enseignement. C’est une forme de ségrégation sociale », lâche-t-il.

« Le bilan n’est pas si négatif que cela », jugeait en 2019, le sénateur LR Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson, estimant que la réforme du lycée, « casse des séries qui avaient créé des inégalités entre élèves ».

Revalorisation des salaires des enseignants

Autre chantier perturbé par la crise sanitaire : la revalorisation des enseignants, dont les salaires font partie des plus bas des pays de l’OCDE. Mais la loi de programmation (10 milliards à l’horizon 2037 pour l’ensemble du corps enseignant) qui devait être soumise au Parlement au mois de juin 2020 ne verra pas le jour. Après les 700 millions d’euros consacrés aux augmentations de salaires dans le budget 2021, le ministre fixe désormais un objectif de 2000 euros net minimum pour tout professeur en 2024.

Proche de Brigitte Macron et dans les petits papiers du chef de l’Etat, Jean-Michel Blanquer a vu son ministère élargi lors du dernier remaniement, et ce malgré une gestion contestée de la crise sanitaire. En avril 2020, le protocole sanitaire à destination des établissements scolaires est qualifié « d‘usine à gaz de règles de sécurité infaisables » par les syndicats ». Lors de la deuxième vague l’année suivante, la doctrine du gouvernement consistant à « garder les écoles ouvertes, quoi qu’il en coûte », sera perçue comme une tentative de minimisation des chiffres de contamination au sein des établissements. « C’est difficile de l’accabler pour sa gestion du premier confinement. On était dans l’inconnu. Mais il y aurait pu avoir plus d’anticipation pour le deuxième », tempère Stéphane Piednoir.

Peu avare des rendez-vous médiatiques, Jean-Michel Blanquer s’autorise quelques sorties qui embarrassent parfois l’exécutif. Comme lorsqu’il estime que « le voile n’est pas souhaitable dans notre société ». « C’est l’exemple type de l’absence de concordance entre les paroles et les actes », s’agace Stéphane Piednoir qui n’oublie pas que le gouvernement a, par trois fois, rejeté la proposition du Sénat visant à interdire le port de signe religieux pour les accompagnants scolaires.

Autre camouflet pour la droite, la loi séparatisme qui met en place un régime d’autorisation préalable du rectorat pour l’instruction à domicile contre une simple déclaration auparavant. « Sous prétexte de lutter contre le communautarisme on s’attaque aux familles qui pratiquent l’instruction à domicile. Le ministre a confondu écoles clandestines avec l’instruction en famille », tempête encore aujourd’hui Stéphane Piednoir.

A gauche aussi ses propos déroutent. Sa déclaration à l’emporte-pièce sur l’utilisation de l’allocation de rentrée parfois utilisée par les parents pour acheter « des écrans plats », lui a valu des huées ce jeudi lors d’un déplacement à Marseille. « Jean-Michel Blanquer a du mal à apprécier ce qu’est la détresse sociale. Il a une forme d’incompréhension sur ce qu’est la pauvreté », tranche Pierre Ouzoulias.

Dans le contexte toujours incertain de la crise sanitaire et à quelques mois de la campagne présidentielle, la dernière rentrée du quinquennat de Jean-Michel Blanquer ne sera pas forcément la moins délicate.

 

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