L’historien Gérard Noiriel: Macron « ne comprend pas les classes populaires »
Le président Emmanuel Macron "ne comprend pas les classes populaires", estime l'historien Gérard Noiriel, auteur d'"Une histoire...

L’historien Gérard Noiriel: Macron « ne comprend pas les classes populaires »

Le président Emmanuel Macron "ne comprend pas les classes populaires", estime l'historien Gérard Noiriel, auteur d'"Une histoire...
Public Sénat

Par Aurore MESENGE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Le président Emmanuel Macron "ne comprend pas les classes populaires", estime l'historien Gérard Noiriel, auteur d'"Une histoire populaire de la France" (Agone), critiquant le manque d'"humilité" d'un chef de l'État qui prend la parole pendant des heures dans un grand débat où "normalement, c'est la parole aux Français".

Question: Pensez-vous que l'attitude d'Emmanuel Macron, ses petites phrases, aient provoqué la crise des "gilets jaunes"?

Réponse: "Je crois qu'Emmanuel Macron, ce n'est pas lui le responsable de cette crise, elle vient bien avant. Mais il a accéléré le processus par ses discours, par sa vision même de la société française. Il ne comprend pas les classes populaires. Je l'ai montré dans la conclusion de mon livre, elles sont complètement absentes de sa vision du monde. Il suffit de lire son programme présidentiel qui s'appelle +Révolution+: les classes populaires n'existent pas. C'est quand même incroyable qu'un président de la République qui parle au nom du peuple tout entier puisse ignorer la majorité, statistiquement parlant, de ce peuple. (...)

Je pense qu'il se dit qu'il faut maintenir le cap, il pense que c'est la seule solution, même économiquement parlant. Donc le grand débat, c'est lui qui parle, c'est quand même assez ahurissant, ce grand débat où normalement, c'est la parole aux Français, c'est lui qui fait des speechs de quatre heures! (...) Les +gilets jaunes+ voient ça comme de la provocation".

Q: Quelles sont les issues possibles du mouvement ?

R: "Il n'y a pas de vérité avec un grand V parce que ça vient des classes populaires. Il y a des connaissances qui viennent de leur vie quotidienne, que souvent les élites ne connaissent pas, mais ça ne suffit pas à faire un programme politique. (...) Par où vont passer les changements ? C'est bien par la politique, donc il faut bien un lien avec la politique. (...) La +politisation+ doit se faire et ça, ça passe par des démarches qui doivent être nouvelles. Elles ne doivent plus prendre la forme de l'élite, du responsable qui vient dire aux gens ce qu'il faut qu'ils fassent.

Il faut avoir plus d'humilité, être à la disposition des gens. C'est ça pour moi la véritable éducation populaire. C'est partir de ce que les gens font, de ce qu'ils sont et puis faire un travail en commun pour que les gens eux-mêmes se disent: +oui ça, ça m'est utile pour mon propre combat+ et qu'ils ne pensent pas qu'on est encore à l'école avec des gens qui leur disent ce qu'il faut qu'ils fassent. Ca, c'est un enjeu majeur".

Q: N'y-a-t-il pas derrière cette incompréhension entre l'élite et le peuple un terrain fertile pour le populisme ?

R: Historiquement on le voit, ça a toujours été un débat entre des discours qui mettaient en cause le capitalisme, le patronat, et des discours qui mettaient en cause l'étranger, le migrant, le juif, le musulman... J'ai démontré que la souffrance populaire pouvait aboutir à des formes politiques complètement contradictoires. Parce que les classes populaires sont démunies au niveau des analyses politiques et vont se servir dans ce qui est mis à leur disposition. (...).

On est encore dans des logiques comme celles-là et on voit avec la montée des populismes ce que ça peut donner, donc on n'est pas à l'abri d'une issue comme celle-là aux prochaines élections. (...)

Si on prend l'exemple historique des années 30, on voit bien qu'au début on s'attaque aux maillons faibles, les minorités, les migrants, etc, et petit à petit c'est l'ensemble des populations qui sont touchées et ça aboutit à la Seconde guerre mondiale: 50 millions de morts. Le contexte n'est pas le même mais les risques, à mon avis, sont grands pour tout le monde.

Partager cet article

Dans la même thématique

SIPA_01059366_000001
7min

Politique

Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : « Ce n’est pas la gauche contre la droite, mais un modèle démocratique contre un modèle illibéral »

Le paysage audiovisuel français est en train de se fracturer en deux blocs. L’animateur vedette, Pascal Praud a accusé la patronne de France Télévision, Delphine Ernotte de mettre « une cible » sur les journalistes sa chaîne, après que cette dernière a qualifié CNews de « chaîne d’extrême droite ». A moins de deux ans de l’élection présidentielle, l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel, subit une pression inédite. Son président, Martin Ajdari sera, auditionné dans quelques jours au Sénat.

Le

L’historien Gérard Noiriel: Macron « ne comprend pas les classes populaires »
5min

Politique

Mobilisation du 18 septembre : « Soit une politique de rupture est menée, soit on continue à mettre la pression »

A l’appel de l’intersyndicale, des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue partout en France pour protester contre le projet de budget pour 2026. Dans le cortège parisien, les manifestants, pas convaincus par la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon, sont déterminés à maintenir la pression sur l’exécutif. Reportage.

Le

SIPA_01229633_000009
1min

Politique

Info Public Sénat. Bataille audiovisuel public/médias Bolloré : une délégation de sénateurs LR reçue à Radio France le 30 septembre

Alors que le ton se durcit entre les dirigeants de l’audiovisuel public et la chaîne CNews de Vincent Bolloré, qualifiée « d’extrême droite » par Delphine Ernotte, une délégation de sénateurs LR sera reçue par la patronne de Radio France Sibyle Veil le 30 septembre. Le 1er octobre, le président de l’Arcom, Martin Ajdari sera, lui, auditionné par la commission de la culture et de la communication de la chambre haute.

Le