Le chef de l'Etat a prononcé jeudi 25 avril à la Sorbonne un long discours pour appeler les 27 à bâtir une « Europe puissance ». À l’approche des élections européennes, son intervention apparait aussi comme une manière de dynamiser une campagne électorale dans laquelle la majorité présidentielle peine à percer. Interrogés par Public Sénat, les communicants Philippe Moreau-Chevrolet et Emilie Zapalski décryptent la stratégie du chef de l’Etat.
L’unité des sénateurs PS plus forte que le tweet de Didier Guillaume
Par Public Sénat
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Ce matin, au groupe PS, il ne s’est rien passé. Il ne s’est rien passé non plus ce week-end entre le président de groupe, Didier Guillaume, et certains sénateurs PS, par tweets interposés. C’est du moins le message qu’ont voulu transmettre les sénateurs ce mardi, après leur réunion hebdomadaire. Rarement ses membres ont autant refusé de s’exprimer après une réunion de groupe. « Ça s’est très, très bien passé » lâche simplement à la sortie Didier Guillaume. « Il ne s’est rien passé » va même jusqu’à dire une sénatrice.
Le tweet de félicitations de Didier Guillaume à Olivier Dussopt, après la nomination de l’ex-socialiste au gouvernement, quelques jours plus tôt, est pourtant très mal passé chez certains. Et encore la veille, où plusieurs sénateurs, comme David Assouline, Martial Bourquin, Laurence Rossignol ou Xavier Iacovelli ont exprimé auprès de Public Sénat leur désaccord, mettant directement en cause l’attitude de leur président de groupe (voir notre article). Pour eux, il n’est pas possible de saluer ce transfert du PS au gouvernement, au moment même où les sénateurs socialistes s’opposent en séance au budget Macron. Trop ambiguë, la position est loin d’être partagée par tous les sénateurs PS. De quoi mettre sérieusement à mal l’unité du groupe, où socialistes plus ou moins ouverts à Macron et socialistes clairement dans l’opposition, cohabitent.
Plusieurs sénateurs ont demandé à Didier Guillaume d’éviter ce genre de propos
Les sénateurs ont bien entendu passé la réunion à parler de cette crise interne. Mais après le déballage en public des désaccords, par tweets et medias, les sénateurs ont adopté l’attitude opposée en fermant tout. On leur a demandé d’éviter d’étaler leur désaccord. « On a lavé notre linge sale en famille. On n’a pas envie d’étaler ça sur la place publique » résume un sénateur, critique sur la ligne de Didier Guillaume. « La discussion a été très lourde » dit l’un. Tout en restant « cordiale » ajoute un autre. Mais selon plusieurs sources, plusieurs sénateurs ont demandé à Didier Guillaume d’éviter ce genre d’expression, à l’avenir. « C’est monté d’un cran. Il faut arrêter les débordements comme ça. Ce n’est pas acceptable » selon un sénateur adepte d’une ligne d’opposition franche à Macron.
Mais à la sortie, l’unité a repris le dessus. « Il y a une volonté de rester ensemble et surtout de faire en sorte qu’on ait une unité du groupe. (…) Pour rester uni, il faut faire attention aux débordements, de tous côtés » explique Martial Bourquin, l’un des rares à parler (voir la vidéo ci-dessous, images Samia Dechir et Cécile Sixou). « Nous avons eu un long débat. Je pense que l’unité du groupe PS va pouvoir être maintenue » confirme Jean-Pierre Sueur, un rocardien à l’origine, donc sur une ligne sociale-démocrate. « Sur le fond, il y a une très grande majorité des membres du groupe qui tiennent à son unité » souligne un autre. Il ajoute : « La plupart des gens raisonnables préfèrent rester unis. Et beaucoup sont raisonnables ». Le PS, en pleine reconstruction, ne peut pas se payer le luxe d’une nouvelle division. Du moins pour l’instant.
« Une tempête dans un verre d’eau »
L’une des rares à accepter de prendre la parole, avant la réunion, la sénatrice de Gironde Françoise Cartron, défend Didier Guillaume. « Je pense que c’est une tempête dans un verre d’eau. Il y a beaucoup de postures. Comme on a trouvé à chaque fois les modus vivendi, je pense qu’on va continuer à les trouver » affirme François Cartron, qui souligne que « dans les tweets et Facebook, la place est laissée à tout ce qui est excessif. Et tout ce qui est excessif est dérisoire. (…) Les tweets d’insulte, ça n’apporte rien au débat » (voir la vidéo ci-dessous). Et d’ajouter que Didier Guillaume « a été élu. On ne va pas faire des coups d’État tous les quatre matins. (…) Il nous faut un peu de stabilité ». Après les sénatoriales, le sénateur de la Drôme a en effet été réélu à la tête du groupe en septembre, dès le premier tour, face à Laurence Rossignol et Martial Bourquin. Mais en réalité, seule un peu plus de la moitié du groupe avait voté pour lui. Beaucoup moins que dans le précédent groupe, où les divisions étaient rares.
Pour les contestataires, les explications de Didier Guillaume sur un message de sympathie pour « un ami de 20 ans » ne suffisent pas. Certains s’interrogent encore sur le but réel de Didier Guillaume. « Quel est son plan derrière ? Est-ce le moyen de préparer autre chose ? » s’interroge l’un d’eux. Certains pensent que l’ancien directeur de campagne de Manuel Valls pendant la primaire ménage et prépare l’avenir en restant constructif avec Emmanuel Macron.
Rachid Temal : « Aujourd’hui, personne ne demande la démission de Didier Guillaume »
Hier, le sénateur de la Drôme s’en est remis au bureau national hebdomadaire de ce soir, rue de Solférino. Mais on imagine mal l’instance dirigeante du PS prendre la responsabilité de désavouer un président de groupe parlementaire. « Aujourd’hui, personne ne demande la démission de Didier Guillaume » a assuré d’ailleurs cet après-midi à Public Sénat le sénateur PS Rachid Temal, qui joue le rôle de numéro 1 par intérim, avant le congrès d’avril. Il minimise les déclarations des dernières heures : « Il n’y a pas de crise aujourd’hui au sein du groupe socialiste, au Sénat. Il y a eu un débat suite à un tweet. Je me suis expliqué lundi matin avec Didier Guillaume sur ce que je pensais du tweet. Mais je ne perds pas de vue l’essentiel » explique le responsable socialiste (voir la vidéo ci-dessous). A savoir l’opposition du PS au budget, en plein examen au Sénat. « Entre un mauvais budget et un tweet personnel, il n’y a pas photo » ajoute de son côté Gilbert Roger, sénateur PS de Seine-Saint-Denis.
La semaine prochaine, une assemblée générale du groupe – qui est juridiquement une association – est prévue. Elle était à l’agenda avant le psychodrame des derniers jours. Mais elle sera l’occasion de remettre sur le couvert sur cette discussion de fond. « Il va être réabordé ce que nous avons mis dans notre charte et dans le texte sur le positionnement » du groupe, explique Rachid Temal. De quoi relancer le débat. Un sénateur PS, socialiste de longue date, préfère rester philosophe et s’en amuser : « C’est permanent chez nous. Donc il faut nous laisser faire ! »