Avant le mariage, le Pacs « a permis la reconnaissance des couples homosexuels » se félicite Élisabeth Guigou

Avant le mariage, le Pacs « a permis la reconnaissance des couples homosexuels » se félicite Élisabeth Guigou

C’est une bataille parlementaire à nulle autre pareille… Le 13 octobre 1999, la loi sur le Pacte civil de solidarité est adoptée après plus d’un an de débats acharnés et de rebondissements spectaculaires. Une confrontation politique de tous les records : 132 heures et 15 minutes de discussions en séance, plus de 2 000 amendements, 14 motions de procédures… Bref, un déluge de mots pour aboutir à une petite phrase toute simple dans notre Code civil : « le PACS est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune. »
Public Sénat

Par Public Sénat

Temps de lecture :

3 min

Publié le

Mis à jour le

La bataille du PACS s’inscrit dans une longue histoire. Celle de la lutte pour les droits des homosexuels, dont on trouve les premières racines sous la Révolution française. En 1791, les rédacteurs du Code pénal font disparaître le crime de sodomie de la législation française. La France devient un des premiers pays à dépénaliser l’homosexualité. Cela ne veut pas dire pour autant que les homosexuels ont la vie facile. Longtemps, la plupart d’entre eux seront obligés de vivre dans une forme de discrétion pour ne pas dire de clandestinité. La police traque les attentats à la pudeur dans les lieux de rencontres gays, dont les habitués sont fichés. En 1942, le régime de Vichy pénalisera même les relations avec des individus de même sexe de moins de 21 ans, l’âge de la majorité à l’époque. Une mesure qui survivra à la Libération et sera maintenue pendant quarante ans jusqu’à l’élection de François Mitterrand.

En 1981, l’arrivée de la gauche change la donne. Mais des discriminations demeurent. Elles seront notamment mises en lumière par la tragédie du Sida qui fauche des dizaines de milliers d’homosexuels, créant tout autant de situations dramatiques ou injustes pour les concubins ou conjoints survivants privés de droits… Pendant dix ans, les projets de contrats d’union vont se succéder sans succès. Et il faudra attendre le retour de la gauche au pouvoir avec l’arrivée de Lionel Jospin à Matignon pour voir surgir une initiative parlementaire soutenue par le gouvernement.

Rien ne se passe comme prévu…

Le texte doit être discuté le 9 octobre 1998 à l’Assemblée nationale. Mais rien ne va se passer comme prévu… Les députés socialistes sont moins nombreux que leurs collègues de l’opposition dans l’hémicycle. Or la droite a déposé une exception d’irrecevabilité qui sera adoptée. Concours de circonstances ou mauvaise volonté ? « Les socialistes ont eu honte du PACS » s’enflamme la presse. Élisabeth Guigou, garde des Sceaux à l’époque se souvient de ce qu’elle appelle « une très mauvaise surprise ! ». Aujourd’hui encore elle regrette l’attitude des députés de la majorité d’alors « Le groupe n’a pas fait son travail. Ça manifestait une réticence de beaucoup de députés socialistes ».

Un échec qui ne va pas entamer la volonté des partisans du PACS. Ils vont aussitôt se remettre à l’ouvrage et déposer un nouveau texte. Vexé, Jean-Marc Ayrault, le patron du groupe PS à l’époque demandera même aux 250 députés PS de venir signer individuellement la nouvelle proposition de loi afin de rappeler chacun à ses engagements. Le PACS devient alors « une bataille collective » comme la qualifie Patrick Bloche, député socialiste à l’époque. Et moins d’un mois après le crash du 9 octobre, l’Assemblée s’apprête à examiner la nouvelle proposition de loi. Un délai exceptionnellement court qui n’a pas empêché la droite de fourbir ses armes en déposant pas moins de 1 000 amendements. Pour un texte qui comporte à peine plus de 2000 mots !

Le 3 novembre 1998, il y a foule dans l’hémicycle. Laurent Fabius, le président de l’Assemblée nationale a beau mettre tout le monde en garde et appeler les députés au « respect mutuel » et à la « dignité », les débats vont vite déraper… Il est près de 18 heures quand une députée monte à la tribune pour défendre l’exception d’irrecevabilité déposée par le groupe UDF. Devant ses collègues d’abord médusés puis agacés, elle va parler plus cinq heures et trente minutes. Un record qui ne sera plus jamais battu ! L’Assemblée changera même son règlement après cet incident.

Cette députée, c’est Christine Boutin qui va vite devenir la « pasionaria » des anti-PACS. Avec ce texte c’est pour elle « la première fois que l’on touche au droit naturel : l’homme et la femme qui ont des enfants ». La députée voit déjà dans le PACS « les prémices du mariage homosexuel », et tente de s’y opposer.

Un examen houleux

Au cours des débats, plusieurs députés de droite auront des propos très virulents. Pierre Lellouche dira à propos des couples homosexuels : « Il n’y a qu’à les stériliser »… Dominique Dord, qui proposera qu’on enregistre les PACS « à la direction des services vétérinaires » ou encore Philippe de Villiers estimera que le PACS, « c’est tout simplement le retour à la barbarie »… Le 9 décembre à 2h00 du matin, le texte est finalement adopté par 316 voix contre 249.

Mais les opposants ne désarment pas. Ils investissent la rue. Le 31 janvier, le collectif Génération anti-pacs appelle à une manifestation à Paris. Près de 100 000 personnes vont défiler de la place Vauban au Trocadéro. Couleurs flashy, musique techno. Les manifestants pousseront même la provocation en entonnant « I will survive » de Gloria Gaynor, un hymne gay ! Ça, c’est pour le côté festif. Mais dans la manif, des observateurs lisent et entendent d’autres slogans : « Pas de neveux pour les tantouzes » ou même « les pédés au bûcher ».

Le Sénat veut imposer le concubinage

Le texte est ensuite transmis au Sénat qui doit l’examiner au mois de mars 1999. Cela laisse le temps à la droite, majoritaire à la Haute Assemblée, de préparer ses arguments. Les sénateurs de droite sont bien décidés à ne pas reproduire les excès de leurs collègues au Palais Bourbon. Ils décident de porter les débats sur le fond et entament une consciencieuse opération de détricotage. De ces débats Jean-Jacques Hyest, alors sénateur se souvient qu’« à droite tout le monde était hostile au PACS ». 20 ans après il continue de penser que « le texte était mal foutu et ne répondait à aucun critère juridique sérieux ». La majorité sénatoriale d’alors entend donc faire barrage au texte et supprimer purement et simplement le PACS en le vidant de son contenu pour le remplacer par une extension du concubinage.

Mais ils vont trouver en face d’eux des sénateurs de gauche, bien décidés à leur répondre, comme Bertrand Delanoë ou Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier avait d’ailleurs été le premier parlementaire à déposer une proposition de loi pour une forme de partenariat civil dix ans plus tôt. Un combat dans lequel « la gauche était bien à sa place, quand elle instaurait davantage de libertés et de droits ».

Le jeu des navettes parlementaires se poursuivra et il faudra laisser passer l’été pour voir enfin adopter le PACS. Christine Boutin tentera un dernier coup de poker en faisant appel au Président de la République pour qu’il demande comme le lui permet la Constitution une nouvelle délibération sur le PACS.
Sans succès. Le 13 octobre le PACS est adopté par 315 voix, contre 249 voix, ouvrant la porte à de nouveaux droits pour tous les couples. Élisabeth Guigou se souvient avec émotion de ce moment « Nous avions conscience que c’était une réforme de société majeure. […] Ça a permis au fond la reconnaissance des couples homosexuels. »

Comment la gauche a-t-elle failli perdre la bataille du PACS avant même de la livrer ? Pourquoi la droite s’y est-elle à ce point opposée ? Et comment cette conquête de droits nouveaux a-t-elle changé le regard d’un pays tout entier sur l’homosexualité ? C’est l’histoire que se propose de vous raconter ce nouveau numéro de « Il était une loi ».

 

Vous pouvez retrouver l’émission « Il était une loi - Quand le Sénat écrit l’histoire » en replay sur notre site.

Dans la même thématique

FRA: Convention de l Union LFI Manon Aubry
11min

Politique

Européennes : LFI lance sa campagne en visant 2027, une stratégie dénoncée au PS et chez les Ecologistes

Avec l’appui médiatique de Jean-Luc Mélenchon, la tête de liste LFI, Manon Aubry, a lancé sa campagne des européennes en visant déjà la présidentielle. Un choix « assumé » par LFI mais critiqué par le reste de la gauche. Jean-Luc Mélenchon se fait aussi le chantre de la paix. David Cormand, numéro 2 de la liste des Ecologistes, y voit en réalité « une forme de soumission à l’agenda de Poutine, qui mène aussi à l’escalade ».

Le