La « Consultation citoyenne » sur la sortie de l’Alsace de la région Grand Est relance le débat
La « consultation citoyenne » organisée par la Communauté européenne d’Alsace (CEA) a livré ce lundi 21 février son résultat. 92,4 % des votants ont plébiscité une sortie de la région Grand Est, un scrutin sans conséquence, puisque la consultation n’a aucune valeur juridique.

La « Consultation citoyenne » sur la sortie de l’Alsace de la région Grand Est relance le débat

La « consultation citoyenne » organisée par la Communauté européenne d’Alsace (CEA) a livré ce lundi 21 février son résultat. 92,4 % des votants ont plébiscité une sortie de la région Grand Est, un scrutin sans conséquence, puisque la consultation n’a aucune valeur juridique.
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Par Louis Dubar

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L’Alsace cultive son particularisme. Son regroupement avec les ex-régions Champagne-Ardenne et Lorraine dans le cadre de la loi NOTRe n’a jamais suscité l’enthousiasme des habitants des deux départements du Rhin. « Nous ne nous sommes jamais sentis Grand-Estiens », affirme le sénateur Les Républicains, André Reichardt. Le président (ex-LR) de la région Grand Est, Jean Rottner dit entendre dans un communiqué de presse « les préoccupations des Alsaciens » et prendre acte « d’une consultation qui n’est ni un vote, ni une expression à caractère réglementaire » et qui relance un conflit institutionnel entre la région Grand Est et la collectivité européenne d’Alsace.

Histoire d’un divorce annoncé

Depuis sa création le 1er janvier 2016, la région suscite des critiques du côté de Strasbourg et de Colmar, un ensemble géographique jugé disparate et hétérogène qui ne répond pas aux intérêts de l’Alsace : « Appliquer des décisions prises à Châlons-en-Champagne en Alsace, ça n’a pas de sens. » La renaissance de l’Alsace en tant que région est devenue une demande récurrente de la part d’élus locaux et de membres de la société civile, un appel signé en septembre 2017 par plusieurs « responsables à l’initiative du Club Perspectives Alsaciennes plaidait pour la création d’une région Alsace séparée du Grand Est, pourvue de compétences départementales et régionales.

Ce séparatisme régional est largement partagé par une partie de la population alsacienne. « Depuis la création de la superrégion en 2016, cinq sondages ont été réalisés tous par des instituts prestigieux, tous à l’initiative de commanditaires différents, on retrouve à chaque fois un résultat similaire : les deux tiers des Alsaciens veulent sortir de la région Grand Est », explique l’ex-président du conseil régional de l’Alsace, André Reichardt. Le dernier sondage en date sur le sujet remonte au mois de novembre 2021, à l’époque l’Ifop publie une enquête dévoilant que 64 % des habitants sont favorables à ce que la collectivité alsacienne redevienne une région à part entière.

Première étape de cette renaissance régionale, la création le 1er janvier 2021 de la collectivité européenne d’Alsace (CeA), cette entité fusionne les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin qui continuent toutefois d’exister en tant que circonscriptions administratives de l’Etat. Huit ans après l’échec du référendum proposant une fusion des deux départements du Rhin en 2013, l’Alsace s’unit enfin autour d’une unité institutionnelle, la CEA devient le quatrième département français représentant 40 % du poids économique de la région Grand Est. Dotée de compétences supérieures à celle d’un département, la collectivité intervient dans plusieurs domaines : construction et l’entretien des axes routiers, éducation notamment l’entretien et le fonctionnement des collèges et promotion de la langue régionale et du bilinguisme. En déplacement à Colmar le 23 janvier 2021 pour saluer les premiers jours de la collectivité territoriale, Jean Castex n’a pas manqué de souligner pour lui un juste retour des choses après une réforme territoriale de 2015 qui a fait preuve « d’une profonde méconnaissance de la réalité alsacienne. » Le premier ministre a salué la volonté des élus locaux de retrouver une « Alsace reconnue », une ambition qui selon lui « ne constitue ni une lubie folklorique, ni une menace à l’unité républicaine. » Le Premier ministre avait profité de l’occasion pour critiquer de nouvelles régions inadaptées sans « aucune légitimité historique et qui ne répondent pas aux besoins croissants de nos concitoyens pour une action publique de proximité. »

Une « consultation citoyenne » qui a mobilisé un Alsacien sur onze

Lancé début décembre 2021, le président de la CeA Frédéric Bierry a invité les Alsaciens à répondre à une question sur l’avenir de leur territoire lors d’une consultation citoyenne se déroulant sur deux mois : « L’Alsace doit-elle sortir du Grand Est pour redevenir une région à part entière ? » Sans valeur juridique, cette consultation a une haute portée politique pour les organisateurs, « en propulsant l’avenir de l’Alsace au cœur de l’élection présidentielle », explique le sénateur LR. Les habitants avaient jusqu’au 15 février pour déposer leur bulletin dans l’un des 99 bureaux de vote installés sur le territoire de la collectivité, voter en ligne ou par courrier. Malgré un taux de participation faible (11,8 %) du corps électoral, la CeA a atteint son objectif de 100 000 votants pour cette consultation citoyenne. « Pour moi, ces résultats sont bons, c’est une grande première pour un mode de consultation orignal inspiré de ce qui se fait en Suisse », affirme André Reichardt.

 

Après plusieurs jours de dépouillement, le président de la CeA Frédéric Bierry annonce ce mardi 21 février devant la presse les résultats : 92,4 % des 150 000 votants se sont prononcés pour un retour à une région alsacienne indépendante du Grand Est. Pour André Reichardt, les jours de la superrégion sont comptés : « La messe est dite, on va sortir mais la question est quand ? Transformons la CeA en une région de plein exercice » Du côté de la collectivité réunissant les deux départements du Rhin, on se félicite de ce résultat écrasant qui ne sera pas sans conséquence : « L’Alsace veut devenir une région à part entière. L’Alsace va devenir une région à part entière », indique à la presse Fréderic Bierry. « Je note également que le camp du non n’a pas fait campagne car la région Grand Est, personne n’en veut », complète le sénateur, une perspective qui n’est pas partagée par l’ensemble de la classe politique alsacienne.

 

« C’est avant tout un résultat qui traduit la volonté des opposants à la région Grand Est ; […] une consultation informelle non négligeable mais pas légitime au vu du taux de participation et des règles du scrutin », souligne le sénateur écologiste Jacques Fernique. Sur les deux mois de campagne, « il n’y a pas eu de vrai débat contradictoire contrairement au référendum de 2013 qui a mobilisé les citoyens et les médias locaux », selon le sénateur écologiste. Le sénateur se désole que ce scrutin ait relancé une guerre institutionnelle entre la CeA et la région Grand Est, « un conflit politique entre deux personnalités de droite ». Même si « la région Grand Est ne parle pas à tout le monde », la superrégion a tout de même ses avantages. Selon l’élu écologiste, « le Grand Est peut jouer un rôle positif, sur certaines ces thématiques : rénovation thermique, l’aménagement des infrastructures ou les transports ». Il plaide pour une meilleure complémentarité entre les différents échelons locaux et régionaux. « On ne trouvera pas de solutions uniquement dans le rejet de la région Grand Est. »

 

 

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