« La France ne s’est pas grandie » : les réactions au Sénat sur la situation de l’Aquarius

« La France ne s’est pas grandie » : les réactions au Sénat sur la situation de l’Aquarius

Scandalisés, inquiets ou déçus : plusieurs sénateurs, notamment de gauche, jugent sévèrement l’attitude de la France face à la détresse des migrants à bord de l’Aquarius.
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L’exécutif est sorti de sa réserve ce mardi sur la situation de l’Aquarius, ce navire humanitaire bloqué depuis dimanche en Méditerranée avec plus de 600 migrants à son bord, et en rupture de vivres. Refusé dans les ports de Malte et d’Italie, le bateau a finalement été invité par le gouvernement espagnol à rejoindre le port de Valence.

Cité par le porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres, Emmanuel Macron a dénoncé la « part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement libyen ». Selon le chef de l’État, qui a rappelé le droit maritime, « si un bateau avait la France pour rive la plus proche, il pourrait accoster ». Aux questions d’actualité, devant les députés, le Premier ministre a ensuite annoncé que la France serait « prête à aider » l’Espagne pour « accueillir » les migrants.

L’absence d’initiative française forte et ces réactions tardives ont suscité une vive émotion chez une partie des responsables politiques. La gauche, comme au groupe socialiste du Sénat, n’a pas caché sa grande déception ce matin.

« C’est écorner la France »

« La France ne s’est pas grandie par son silence […] Je ne suis pas fier du gouvernement », a réagi André Vallini, l’ancien secrétaire d'État chargé du Développement et de la Francophonie. Son parcours au gouvernement en 2016 l’avait déjà placé sur la route du navire affrété par l’ONG Sos Méditerranée. Pour le sénateur de l’Isère, la France aurait dû prendre la décision prise par l’Espagne.  « La France est restée passive. Il a fallu que le gouvernement de gauche espagnol sauve l’honneur de l’Europe », regrette-t-il.

Aquarius : « La France ne s’est pas grandie par son silence », réagit André Vallini
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Images : Cécile Sixou

Saluant également l’initiative de Madrid, le sénateur Martial Bourquin a estimé que la France ne « pouvait pas continuer comme ça ». « On a un devoir, une responsabilité pour l’accueil de ces personnes qui fuient leurs pays parce qu’ils sont en guerre. Ne plus faire cela, c’est écorner la République, c’est écorner la France », a résumé le sénateur du Doubs, qui a salué la main tendue des dirigeants corses pour accueillir le navire.

Aquarius : « La France est restée passive », regrette Martial Bourquin
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Images : Cécile Sixou

« J’ai honte pour mon pays »

« La réaction ou non-réaction française est un scandale […] J’ai honte pour mon pays », a renchéri Rachid Temal, le sénateur du Val-d’Oise. L’ancien coordinateur national du Parti socialiste a répondu à Nathalie Loiseau, la ministre chargée des Affaires européennes, qui avait invoqué l’absence de demande de la part de l’ONG. « M. Sánchez [le chef du gouvernement espagnol, NDLR] n’a pas attendu une demande, il a agi par humanité », a-t-il répliqué.

Aquarius : « J’ai honte pour mon pays », déclare Rachid Temal
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Images : Cécile Sixou

Chez les communistes, la présidente du groupe Éliane Assassi s’est dite « scandalisée » par l’attitude française, face à un « événement gravissime ». « C’est inadmissible, j’attends du gouvernement qu’il ait une réaction », s’est insurgée la sénatrice de Seine-Saint-Denis, faisant le lien entre ce « silence » et la présentation prochaine du projet de loi asile et immigration au Sénat. « Il y a un tournant pris par le gouvernement d’Édouard Philippe et par le président de la République sur la question des réfugiés qui est assez inquiétant », selon elle.

Réfugiés : « Il y a un tournant pris par le gouvernement d’Édouard Philippe et par le président de la République qui est assez inquiétant », réagit Éliane Assassi
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Images : Cécile Sixou

« Le silence radio, ce n’est pas très courageux et ça m’inquiète »

À droite, certains parlementaires préfèrent ne pas s’exprimer sur le sujet. D’autres ne s’en privent pas. Roger Karoutchi a également mis en perspective le débat parlementaire à venir sur l’asile, espérant obtenir de vraies réponses de la part du gouvernement. « Courage fuyons ! Le gouvernement s’inspire de films qui ne sont pas très héroïques », a brocardé le sénateur LR des Hauts-de-Seine.

« Le côté silence radio pour dire si d’autres pouvaient régler le problème sans qu’on bouge, ce n’est pas très courageux et ça m’inquiète. » Appelant l’exécutif à définir une politique migratoire « claire », Roger Karoutchi a estimé que le gouvernement n’avait ni choisit la fermeté, ni la facilité. « Le résultat, c’est au jour le jour, et au fil de l’eau. Ce qui est le pire ».

Aquarius : « Le silence radio, ce n’est pas très courageux et ça m’inquiète », réagit Roger Karoutchi
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Images : Adrien Develay

Sénateur du Cher, François Pillet a « regretté » que la France ne soit pas un « modèle » dans cette affaire. « Je le regrette beaucoup, je n’accepte pas humainement que l’on oublie un problème humain dramatique qui est à nos portes, je ne le supporte pas. »

Aquarius : le sénateur François Pillet « regrette beaucoup » l'attitude française
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Images : Adrien Develay

Refusant d’accabler le gouvernement, la sénatrice Fabienne Keller a mis en avant la responsabilité de l’Europe, mais aussi l’attitude du nouveau gouvernement italien. « C’est une mauvaise image que l’Europe donne en refoulant [le navire] dans un port, en l’acceptant dans un autre », a estimé la sénatrice du Bas-Rhin. Pour la cofondatrice d’Agir-La droite constructive, l’Europe doit « avancer » sur les sujets liés à l’immigration.

Aquarius : « C’est une mauvaise image que l’Europe donne », pour Fabienne Keller
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Images : Adrien Develay

« La France prend sa part avec les migrants »

Au groupe La République en marche, François Patriat a réclamé lui aussi une « vraie coopération européenne pour traiter le problème des migrants ». Comme le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, ce matin, le président du groupe LREM  considère que « la France prend sa part avec les migrants ».

Et d’ajouter, à titre personnel : « Si la situation était vraiment devenue dramatique, la France ne pouvait pas être tenue à l’écart du processus qui aurait permis de le solutionner. »

François Patriat : « La France prend sa part avec les migrants »
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Images : Adrien Develay

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