La laïcité, au menu du grand débat, fait craindre des divisions

La laïcité, au menu du grand débat, fait craindre des divisions

En affirmant que le grand débat devait "renforcer les principes" de la laïcité, Emmanuel Macron a fait naître la crainte de...
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Par Karine PERRET

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En affirmant que le grand débat devait "renforcer les principes" de la laïcité, Emmanuel Macron a fait naître la crainte de discussions "peu sereines" alors que l'exécutif a déjà commencé ses consultations pour réviser la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État.

Le sujet apparaît à la fin de sa "Lettre aux Français" publiée dimanche soir et qui va faire l'objet d'un débat pendant deux mois : "Comment renforcer les principes de la laïcité française, dans le rapport entre l’État et les religions de notre pays ?", interroge notamment le président dans ce courrier qui vise à faire retomber la colère des "gilets jaunes".

Mardi, lors du lancement du grand débat à Grand Bourgtheroulde (Eure), M. Macron a justifié son choix d'évoquer la laïcité "parce que c'est (...) une vraie préoccupation pour beaucoup de nos concitoyens" mais aussi dans l'optique de la future réforme de la loi de 1905.

"Je crois qu'on peut porter une vraie réforme ambitieuse pour renforcer la laïcité dans notre pays", a-t-il affirmé, appelant à le faire de "manière extrêmement apaisée", avec la volonté de "sortir de tous les simplismes, et de tous les ostracismes" et en tenant compte de "l'avis des gens".

"C'est étrange de parler de cette question alors que l'insatisfaction des +gilets jaunes+ est surtout socio-économique", affirme toutefois à l'AFP Jean Baubérot, ancien titulaire de la chaire Histoire et sociologie de la laïcité à l’École des hautes études en sciences sociales.

"La laïcité, c'est d'abord un principe juridique. J'ai peur que cela renforce l'idée que la laïcité est une opinion et que chacun peut avoir son opinion sur la laïcité, et que le débat se fasse sans référence au droit et aux principes juridiques", a-t-il ajouté. Selon lui, "le risque est que cela soit interprété comme +allez-y, prenez des mesures répressives+".

L'apparition du sujet a aussi étonné les francs-maçons, attachés à la défense de la laïcité et actuellement très attentifs aux projets de l'exécutif de vouloir modifier certains aspects de la loi de 1905.

"Les termes sont confus: la laïcité est un principe d'organisation, essentiel, mais pas une valeur", affirme ainsi Édouard Habrant, grand maître de la Grande loge mixte de France. "Est-ce que ce n'est pas rajouter un sujet de division ?", se demande-t-il, se disant "inquiet quant à la sérénité des débats".

- Kits méthodologiques -

"Je suis extrêmement surpris que la laïcité se retrouve dans cette lettre et sous cette forme-là", abonde Jean-Philippe Hubsch, grand maître du Grand Orient de France, qui s'interroge sur le calendrier gouvernemental.

Depuis novembre, l'exécutif mène des consultations avec les représentants religieux pour finaliser son projet de réforme de la loi 1905 qui vise notamment à renforcer la transparence du financement des cultes et à garantir le respect de l'ordre public.

"D'un côté, on a un projet de loi" qui va arriver et "de l'autre côté, on lance le sujet dans le débat national", a-t-il relevé.

Didier Leschi, président de l'Institut européen en sciences des religions (IESR), se dit, lui, pas étonné de voir ce sujet évoqué dans la lettre de M. Macron. "La manière dont on met en œuvre les principes de la laïcité, ça fait partie des inquiétudes du moment", relève-t-il. "Les discordances d'appréciation ont un effet sur le débat public", ajoute-t-il.

Christophe Bellon, historien de la laïcité, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université catholique de Lille, estime que le débat qui s'engage "a de fortes chances d'influencer le projet final de révision de la loi de 1905".

"On pouvait craindre que l’État préempte cette question-là". Or le projet de loi "prendra en compte ce qu'aura dit le débat citoyen dans les mairies, sur Internet...", juge-t-il.

L'Observatoire de la laïcité, commission consultative présidée par l'ex-ministre PS Jean-Louis Bianco et placée auprès du Premier ministre, assure pour sa part qu'il "s'investira dans le débat (...) pour donner des éléments objectifs de pédagogie sur les mesures prises et la gestion du fait religieux ces dernières années".

Le gouvernement a promis des "kits méthodologiques" et des fiches thématiques" sur les thèmes débattus.

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