La présidentielle 2022, festival de transfuges

La présidentielle 2022, festival de transfuges

Depuis le début de la campagne présidentielle, de nombreux élus et ténors politiques soutiennent un autre candidat que celui de leur parti. Les partis traditionnels de gauche et de droite en pâtissent, notamment au profit de LREM ou Reconquête. Avec, en toile de fond, la question de l’après 2022.
Public Sénat

Par Pierre-Louis Boucé

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Publié le

« Trahison » pour les uns, « clarification » pour les autres. L’actuelle campagne présidentielle est marquée par les ralliements et les défections, aussi bien à gauche qu’au centre ou à l’extrême droite. À tel point que les soutiens des uns ou des autres rythment l’élection au même titre que les promesses de campagne.

Emmanuel Macron, candidat à sa réélection, a réussi comme en 2017 à engranger des soutiens des deux côtés de l’échiquier politique. À droite, le président a reçu le ralliement d’Eric Woerth, ancien ministre du Budget de Nicolas Sarkozy, et de Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre sous Jacques Chirac. Des élus locaux, comme la maire de Calais et ancienne sénatrice Natacha Bouchart ainsi que le président de la région PACA Renaud Muselier, ou encore le maire de Nice Christian Estrosi, ont également rejoint Emmanuel Macron. À gauche, les anciens ministres socialistes Marisol Touraine, Élisabeth Guigou et François Rebsamen ont préféré soutenir l’actuel président plutôt que la candidate du PS, Anne Hidalgo.

Les partis traditionnels dépouillés

C’est d’ailleurs aussi à gauche que cette dynamique s’exerce. Jean-Luc Mélenchon a été qualifié de « vote utile à gauche » par l’ancienne socialiste Ségolène Royal, ainsi que du ralliement de Claire Lejeune. « Je me sentais incapable de faire cette campagne avec Yannick Jadot », avait déclaré à Libération celle qui était secrétaire fédérale des Jeunes écologistes de 2018 à 2019. Le candidat LFI peut également compter sur le soutien d’élus encartés au PCF, tels que le député Sébastien Jumel ou le maire de Dieppe Nicolas Langlois.

L’extrême droite n’est pas en reste de cette valse des ralliements. Le Rassemblement National a dû faire face à une hémorragie de défections au profit d’Éric Zemmour. Parmi eux figure le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier, qui estimait que ses idées n’étaient « plus portées par Marine Le Pen » , mais par le polémiste d’extrême droite. D’autres ténors du RN tels que Nicolas Bay, Gilbert Collard et Marion Maréchal ont également rejoint Reconquête. Éric Zemmour a également réussi à faire venir l’ancien numéro 2 des Républicains Guillaume Peltier, faisant fi du cordon sanitaire qui le sépare de la droite républicaine.

Peut-on parler d’une élection « historique » au vu de cette profusion de désistements et de ralliements tous azimuts ? « On est plutôt sur la fin d’une décomposition politique entamée lors de l’élection présidentielle de 2017 », selon Émeric Bréhier, directeur de l’Observatoire de la vie politique. Ces défections ne sont pas une première : « en 2007, certains cadres du PS comme Éric Besson avaient quitté leur parti pour rejoindre Nicolas Sarkozy. De même, en 1995, Charles Pasqua et Sarkozy avaient abandonné la candidature Chirac et fait office de transfuges au profit d’Édouard Balladur » rappelle-t-il. « Aujourd’hui, si certaines personnalités politiques quittent leur parti pour en rejoindre un autre, c’est soit parce qu’elles sont en fin de carrière et estiment n’avoir rien à perdre, soit parce qu’elles estiment que leur formation actuelle n’a pas d’avenir ».

Des ralliements qui confortent plus qu’ils ne convainquent

Ces dynamiques politiques ont des conséquences très relatives sur le vote, analyse Émeric Bréhier. « Ces ralliements peuvent conforter le choix d’électeurs qui ne sont pas entièrement sûrs de leur vote. Sur ce point, entre 25 et 30 % des gens se décident dans les quelques jours qui précèdent le scrutin ». « Les ralliements socialistes à Macron sont autant de signes favorables pour l’électorat traditionnellement PS dont le président a besoin, alors que le soutien d’Éric Woerth, par exemple, n’influencera pas le vote d’un électeur LR convaincu ». Il note toutefois l’exception du ralliement de François Bayrou à Emmanuel Macron en 2017, qui a fait prendre « 4 ou 5 points d’intentions de vote » au candidat d’En Marche !

Reste à savoir si cette cascade de ralliements est amenée à se poursuivre. « Il est encore trop tôt pour le dire, » tempère le spécialiste. « Mais si Emmanuel Macron venait à être réélu, alors trois des candidats actuellement en tête des sondages ne se représenteraient pas en 2027 [Emmanuel Macron en raison de la limite de 2 mandats présidentiels ainsi que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen qui affirment que 2022 sera leur dernière campagne présidentielle, ndlr]. Cela représente 60 % des intentions de vote actuelles ». Émeric Bréhier conclut : « Cela laisse supposer une recomposition politique, qui pourrait se révéler rapide et brutale ».

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