La statue de Colbert vandalisée devant l’Assemblée Nationale : des sénateurs réagissent

La statue de Colbert vandalisée devant l’Assemblée Nationale : des sénateurs réagissent

La dégradation de la statue de Colbert devant l’Assemblée nationale, ce mardi, suscite une vague d’indignation parmi les sénateurs.
Public Sénat

Par Hugo Lemonier

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

« Négrophobie d’État ». La formule a été inscrite en plein jour, ce mardi, au pied de la statue de Colbert, devant l’Assemblée Nationale. Le buste du ministre de Louis XIV, principal auteur du Code noir en 1685, est maculé d’une peinture rouge sang. Un nouvel acte de vandalisme, après la dégradation de la statue du Général Faidherbe à Lille, qui scandalise la classe politique.

Le sénateur Les Républicains des Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson, voit dans cette action, revendiquée par la « Brigade antinégrophobie » dans une vidéo postée sur Twitter, l’œuvre de « minorités agissantes » : « Je ne peux pas accepter que ces personnes décident de notre héritage au fondement même de notre histoire. On ne m’imposera pas une mémoire qui est contraire à notre universalisme républicain. »

« Une réécriture de l’histoire »

Le parlementaire, qui avait interpellé le Premier ministre lors des questions au gouvernement au sujet de cette polémique mémorielle, pointe le risque d’une « réécriture de l’histoire ». « L’anachronisme est le pire péché pour un historien », estime Max Brisson, paraphrasant Marc Bloch. « Porter un regard d’historien sur l’esclavage est nécessaire, mais on ne peut pas le faire avec nos lunettes d’aujourd’hui », conclut-il, saluant la « concordance républicaine » régnant à ce propos dans l’Hémicycle.

« Tout le monde veut voir son ego froissé, se sentir victime », souffle Julien Bargeton. Le porte-parole du groupe La République en Marche et sénateur de Paris dénonce une « dérive » et appelle à « vivre avec notre passé pour vivre ensemble ».

« Cette espèce de fuite avant, l’avènement de cette mémoire victimaire est très dangereuse car on ne sait jamais où cela s’arrête », estime l’élu. « Jules Ferry parlait de "races supérieurs". Jaurès lui-même a écrit des textes antisémites avant de soutenir Dreyfus . Faut-il les mettre dans le lot eux aussi ? Colbert a certes écrit le Code noir et ce n’est pas à son honneur. Mais il a aussi été un grand homme, à qui l’on se réfère aujourd’hui beaucoup à lui pour parler du rôle de l’État et de la politique industrielle. »

Pour autant, certaines figures plus contestées ne méritent plus, selon lui, les honneurs de la République. Bertrand Delanoë avait par exemple débaptisé en 2002 la rue Antoine Richepanse. Au nom de cet esclavagiste s’est substitué celui du fils d’une esclave, le Chevalier de Saint-Georges. « C’était nécessaire, commente Julien Bargeton. Richepanse a rétabli l’esclavage en Guadeloupe. C’est impossible de l’honorer. »

Mais, pour le sénateur, les « personnalités complexes, telles que Colbert, ou Faidherbe, doivent être pris dans leurs entièretés », défend-il, sans s’opposer la mise en place de pancartes explicatives aux côtés des statues de ces personnages controversés.

Le « meilleur moyen de refermer le débat » sur la mémoire de l’esclavage

Ce premier pas ne contenterait pas Esther Benbassa, rattachée au groupe communiste au Sénat. « Nous avons aussi besoin de nouvelles statues en l’honneur de personnes qui ont lutté contre les fléaux de notre histoire, contre l’esclavage ou la colonisation. Et pas seulement des hommes, des femmes aussi ! », réclame-t-elle.

La parlementaire, élue à Paris, voit dans cette action un « signe de colère », sans pour autant l’excuser. Longtemps professeur d’histoire à la Sorbonne, elle appelle alors à « ajouter les pages sombres de notre histoire à nos manuels ».

Mais cette montée en tension pourrait nuire à ce débat, craint le sénateur de Paris, Rémi Féraud : « C’est lamentable. La place de la mémoire de l’esclavage est un sujet très important. Avec de telles dégradations, de telles atteintes à notre patrimoine, c’est le meilleur moyen de le refermer tout de suite. » La polémique, elle, n’est pas près de s’essouffler.

Dans la même thématique

Brussels Special European Council – Emmanuel Macron Press Conference
3min

Politique

Élections européennes : avant son discours de la Sorbonne, l’Élysée se défend de toute entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Ce jeudi 25 avril, le président de la République prononcera un discours sur l’Europe à la Sorbonne, sept ans après une première prise de parole. Une façon de relancer la liste de Valérie Hayer, qui décroche dans les sondages ? L’Élysée dément, affirmant que ce discours n’aura « rien à voir avec un meeting politique ».

Le

La statue de Colbert vandalisée devant l’Assemblée Nationale : des sénateurs réagissent
8min

Politique

IA, simplification des formulaires, France Services : Gabriel Attal annonce sa feuille de route pour « débureaucratiser » les démarches administratives

En déplacement à Sceaux ce mardi dans une maison France Services, quelques minutes seulement après avoir présidé le 8e comité interministériel de la Transformation publique, le Premier ministre a annoncé le déploiement massif de l’intelligence artificielle dans les services publics, ainsi que la simplification des démarches. Objectif ? Que « l’Etat soit à la hauteur des attentes des Français ».

Le

Brussels Special European Council – Renew Europe
10min

Politique

Européennes 2024 : avec son discours de la Sorbonne 2, Emmanuel Macron « entre en campagne », à la rescousse de la liste Hayer

Emmanuel Macron tient jeudi à la Sorbonne un discours sur l’Europe. Si c’est le chef de l’Etat qui s’exprime officiellement pour « donner une vision », il s’agit aussi de pousser son camp, alors que la liste de la majorité patine dans les sondages. Mais il n’y a « pas un chevalier blanc qui va porter la campagne. Ce n’est pas Valérie Hayer toute seule et ce ne sera même pas Emmanuel Macron tout seul », prévient la porte-parole de la liste, Nathalie Loiseau, qui défend l’idée d’« un collectif ».

Le

Jordan Bardella visite Poste-Frontiere de Menton
5min

Politique

Elections européennes : la tentation des seniors pour le vote RN, symbole de « l’épanouissement du processus de normalisation » du parti, selon Pascal Perrineau

Alors que la liste menée par Jordan Bardella (31.5%) devance de plus de 14 points la liste Renaissance, menée par Valérie Hayer (17%), selon le dernier sondage IFOP-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud-Radio, le parti de Marine Le Pen, mise désormais sur l’électorat âgé, traditionnellement très mobilisé pour les élections intermédiaires. Désormais deuxième force politique chez les plus de 65 ans (le RN conquiert 24% de cet électorat, 7 points de moins que Renaissance), la stratégie semble porter ses fruits. Décryptage avec le politologue Pascal Perrineau, professeur émérite à Sciences Po Paris et récent auteur de l’ouvrage Le Goût de la politique : Un observateur passionné de la Ve République, aux éditions Odile Jacob.

Le