Larcher votera pour Macron, Retailleau préfère le vote blanc : au Sénat, la thérapie de groupe des LR

Larcher votera pour Macron, Retailleau préfère le vote blanc : au Sénat, la thérapie de groupe des LR

Après la lourde défaite de Valérie Pécresse à la présidentielle, les élus LR doivent désormais se positionner par rapport à la ligne définie par le parti, qui leur laisse le champ libre en stipulant toutefois qu’« aucune voix ne peut se porter sur Marine Le Pen ». Les choix des deux poids lourds de la majorité sénatoriale, Gérard Larcher et Bruno Retailleau, trahissent la diversité des points de vue au sein du groupe LR au Sénat.
Romain David

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Les réunions de crise s’enchaînent chez Les Républicains. Un comité stratégique et une réunion du bureau national se sont tenus lundi matin, au siège du parti, rue de Vaugirard à Paris. Quelques heures et quelques kilomètres plus loin, au Palais du Luxembourg où la droite reste majoritaire, ce sont les sénateurs du groupe LR qui se sont rassemblés pour une réunion de groupe avancée de 24 heures. La première préoccupation des LR a été de clarifier la stratégie à adopter au second tour, alors que dimanche soir, c’est une droite façon puzzle qui a défilé devant les micros après l’élimination de Valérie Pécresse, tant les avis divergeaient, entre un soutien à Emmanuel Macron pour barrer la route au Rassemblement national, le retour du ni-ni, ou encore le refus de donner une consigne de vote. « Aucune voix ne peut se porter sur Marine Le Pen », a fini par trancher une motion adoptée ce lundi par le parti, qui toutefois ne donne aucune consigne de vote explicite. Le texte stipule néanmoins : « Les Républicains ne sont fongibles ni dans le macronisme, ni dans le lepénisme. »

« Il y a eu des mots plus hauts que d’autres »

Dans les couloirs du Sénat, les LR se sont montrés plutôt satisfaits par ce texte, « qui permet à chacun d’y picorer ce qu’il veut », résume un élu parisien. « C’est une manière d’éviter les divisions. Le sujet est de rester groupé », décrypte le sénateur de l’Oise Jérôme Bascher. Une unité menacée, toutefois, par les positions qu’ont défendues les uns et les autres au fil de la campagne. Ainsi, dès les premières minutes de la réunion de groupe, le sénateur de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, sort de la salle, la mine défaite. « Le président du groupe, Bruno Retailleau, m’a demandé de sortir », lâche-t-il. En cause : le soutien qu’il a affiché pour Emmanuel Macron dès le premier tour. « Je lui ai répondu que ce qui nous séparera toujours, c’est le gaullisme ! ».

Une entrée en matière qui aurait pu laisser présager d’une réunion en forme de règlements de compte, mais les choses se sont vite aplanies, semble-t-il. « Il y a eu, au début, des mots plus hauts que d’autres, mais globalement, cela s’est bien passé », glisse une sénatrice en quittant la salle. « C’était une provocation de la part de Jean-Pierre Grand que de revenir après sa décision. Nous n’avons plus revu Sébastien Meurant aux réunions de groupe après son ralliement à Zemmour », ajoute-t-elle. Un peu plus tard, Bruno Retailleau a fait savoir qu'il avait au préalable demandé à Jean-Pierre Grand de ne pas venir à cette réunion, et que c’est à la demande des autres membres du groupe qu’il a dû quitter la salle. Pendant plus de deux heures, les prises de parole se sont succédé, « plusieurs dizaines » d’interventions. Beaucoup ont été applaudies. De quoi donner à cette réunion des allures de thérapie de groupe après la douche froide du premier tour.

>> Lire notre article : Présidentielle : sonnée par ses 4,8 %, la droite s’interroge sur le jour d’après

Deux prises de parole très attendues

Gérard Larcher, le président du Sénat, et Bruno Retailleau, le président du groupe, s’y sont exprimés pour la première fois depuis la défaite de leur candidate. Deux prises de parole très attendues donc. Et deux positions sensiblement différentes. « Je voterai le 24 avril Emmanuel Macron. Ce choix correspond aux valeurs que je porte et à mon parcours. Ce n’est ni un quitus, ni un ralliement », a fait savoir le deuxième personnage de l’Etat dans un communiqué publié juste après cette réunion. Il n’y donne pas de consigne de vote, respectant ainsi le principe de la motion adoptée un peu plus tôt par le parti.

Bruno Retailleau, lui, a choisi le vote blanc. « Pour le second tour, je ne voterai évidemment pas pour Marine Le Pen. Son élection entraînerait l’accélération du déclin de notre pays et diviserait encore plus les Français entre eux. La démagogie n’est pas une option », explique le Vendéen, également dans un communiqué de presse. « Mais je n’oublie pas qu’Emmanuel Macron est le grand responsable des scores de Marine Le Pen, et de Jean-Luc Mélenchon », ajoute-t-il. « En réduisant l’espace politique à un affrontement binaire entre progressistes et populistes, il a ouvert la voie à ces derniers. Emmanuel Macron sera réélu mais sur un champ politique miné. Sans une opposition responsable, la seule alternance possible dans cinq ans sera donc, inéluctablement, celle des extrêmes. C’est pourquoi l’expression d‘un clivage démocratique est nécessaire. Je voterai donc blanc car la droite n’est pas soluble dans le macronisme. »

« Faire bloc » pour contrer une nouvelle réforme constitutionnelle

Le groupe se serait divisé entre ces deux positions, explique une élue : d’un côté ceux qui sont prêts à voter pour Emmanuel Macron dans l’optique de faire barrage à l’extrême droite, de l’autre ceux qui préfèrent le vote blanc. Devant cette situation, un sénateur « poil à gratter » aurait évoqué le risque d’une scission dans les semaines à venir. « Très franchement non ! Les sénateurs du groupe tiennent par-dessus tout. Au moment même où notre famille politique est fragilisée. Ils savent qu’ici, il y a un camp de base qui tient bon. Il y a des liens humains, il y a aussi une liberté qui est respectée », démine Bruno Retailleau auprès de Public Sénat. En clair, assurer « l’unité dans la diversité », pour reprendre une formule utilisée par le sénateur du Nord Marc-Philippe Daubresse, au sortir du bureau national des LR. On serait presque tenté de parler d’une « droite plurielle ».

« Il y a une volonté de faire bloc au Sénat, et sans doute est-elle encore plus forte qu’au sein du parti », abonde une parlementaire de la région parisienne. Pour resserrer les rangs, Gérard Larcher aurait notamment invoqué le retour de la réforme constitutionnelle, portée par Emmanuel Macron dans son programme, avec, à la clef, un risque d’affaiblissement pour le Sénat. « Il faut que l’on reste une grande majorité, notamment pour pouvoir résister », poursuit notre élue. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le président du Sénat insiste longuement dans son communiqué sur le rôle institutionnel de la Chambre Haute. « Le Sénat a une histoire propre. Il est indépendant et non aligné. Il est le seul contre-pouvoir institutionnel et n’a cessé de le démontrer dans ce quinquennat. Que deviendrait notre République si demain le Sénat devait être une deuxième chambre d’enregistrement du pouvoir exécutif ? Que deviendraient la représentation et la défense des territoires avec un Sénat aligné dans une République hypercentralisée ? Que serait notre démocratie sans le verrou constitutionnel du Sénat ? », interroge-t-il.

Mais le risque d’éclatement, pour la majorité sénatoriale, pourrait aussi venir de son aile droite. Il se murmure aussi qu’un petit « club » d’une dizaine d’élus s’interroge désormais sur la possibilité de prendre ou non ses distances avec le reste du groupe. « Nous ne l’avons pas constaté durant les interventions », assure Gérard Longuet. « Je ne le souhaite pas », ajoute Bruno Retailleau. « La ligne définie ce matin permet de préserver le choix et la liberté de chacun », répète cet ancien filloniste. « Un parti ou un groupe ne doit pas être une caserne ».

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