“Le clientélisme, je l’assume”: à Levallois, l’imparable recette Balkany

“Le clientélisme, je l’assume”: à Levallois, l’imparable recette Balkany

Epinglé dans les prétoires, célébré dans l'isoloir : en près de 40 ans à la tête de Levallois, le couple Balkany s'est assuré le soutien...
Public Sénat

Par Antoine GUY

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Epinglé dans les prétoires, célébré dans l'isoloir : en près de 40 ans à la tête de Levallois, le couple Balkany s'est assuré le soutien infaillible d'électeurs en misant sur des services de pointe pour les seniors et les enfants. Au prix d'une dette colossale.

"Vous avez notre total soutien, vous êtes un homme formidable et un homme politique comme il ne s'en fait plus". "Chers Patrick et Isabelle, merci de votre dévotion, Levallois est un havre de paix, et c'est grâce à vous".

Les messages de soutien se comptent par dizaines dans le cahier mis à disposition dans le hall de l'Hôtel de ville depuis l'incarcération du maire Patrick Balkany, condamné le 13 septembre à quatre ans de prison pour fraude fiscale

Sa cote d'amour auprès de nombreux habitants de cette commune huppée de l'ouest parisien n'a pas baissé, tout comme celle de sa femme et première adjointe, Isabelle Balkany, elle-même condamnée à trois ans ferme. Au point que les deux édiles envisagent de se représenter aux municipales de 2020.

"Je ne me l'explique pas rationnellement", affirme à l'AFP Mme Balkany, devenue maire par intérim. "Il y a entre mon mari et les habitants de Levallois une espèce de lien qui est fait d'amitié et d'affection".

Pour consolider ce "lien" sentimental, les deux édiles ont toutefois mis en place, au fil des années, une stratégie coûteuse pour choyer les 65.000 habitants de Levallois, au grand dam de l'opposition municipale.

- Mise en scène "grotesque" -

Rassemblement de soutien à Patrick Balkany devant la mairie de Levallois le 14 septembre 2019
Rassemblement de soutien à Patrick Balkany devant la mairie de Levallois le 14 septembre 2019
AFP/Archives

En plus d'une sortie offerte au Lido ou en bateau-mouche, les seniors reçoivent tous chaque année des cadeaux de la mairie. Cet été, ils ont été gratifiés d'une gourde thermos et à Noël dernier, d'un colis avec une demi-bouteille de moelleux et du foie gras.

Patrick Balkany se charge parfois lui-même de la distribution dans une mise en scène qualifiée de "grotesque" par Arnaud de Courson, opposant divers droite.

"Ce ne sont pas les Balkany qui font des cadeaux, ce sont les impôts des Levalloisiens", recadre-t-il. "Dépenser l'argent des autres en disant +c'est moi qui vous donne+, c'est quand même un stratagème assez grossier", acquiesce Anne-Eugénie Faure, élue d'opposition PS.

Autre cœur de cible : les familles avec enfants. Des animateurs de la ville sont à disposition pour garder les enfants après l'école jusqu'à 19h00. Les places en crèche sont nombreuses et les infrastructures de haut niveau.

Piscine municipale avec sauna et jacuzzi, conservatoire de musique haut de gamme... Les enfants "sont bien choyés", insiste François-Xavier Weiss, adjoint au maire délégué à la Jeunesse et l'Evènementiel. "A une époque, on allait même jusqu'au Canada faire des classes vertes".

Entrée de la Cour des comptes à Paris, le 20 septembre 2016
Entrée de la Cour des comptes à Paris, le 20 septembre 2016
AFP/Archives

Autant de services qui coûtent cher. En 2017, la Cour des comptes pointait du doigt "le caractère préoccupant de la situation financière de la collectivité" et "les dérives de la gestion municipale". Avec plus de 350 millions d'euros de dette, Levallois est la ville la plus endettée de France par habitant, selon le site économique Le Journal du Net.

"Mais par rapport aux actifs de la ville, c'est une dette tout-à-fait mesurée", temporise Bertrand Percie du Sert, ancien adjoint de M. Balkany, passé en juin à LREM."La ville a beaucoup investi pour les Levalloisiens et les installations leur appartiennent", précise-t-il, citant notamment les 21 parkings de la commune.

- La menace d'un second jugement -

La stratégie dépensière est parfaitement assumée par la municipalité qui a fait construire à tour de bras sur les anciennes friches industrielles pour accueillir sièges sociaux d'entreprises et ménages aisés. La mairie ne lésine pas non plus lorsqu'il s'agit d'organiser des fêtes pour les habitants.

Anne-Eugénie Faure se rappelle notamment de vœux en 2010 lors desquels les Balkany avaient transformé la salle des mariages en plage. Les employés de la mairie s'étaient vu servir des cocktails fumants sophistiqués. "C'était énorme", se remémore l'élue.

Mais plus que ces dépenses somptuaires, Mme Faure dénonce le clientélisme des Balkany. "Patrick Balkany dit aux habitants, +sans moi, point de salut+. Combien de fois j'ai entendu en porte-à-porte : +le maire m'a donné un logement+", rappelle-t-elle. "Il faut venir quémander" pour obtenir une place en crèche ou en HLM. "Ça créé une situation de redevable", affirme-t-elle.

Arnaud de Courson dénonce de son côté un "système opaque" et "de la subvention déguisée".

Isabelle et Patrick Balkany à leur arrivée au tribunal à Paris le 13 septembre 2019
Isabelle et Patrick Balkany à leur arrivée au tribunal à Paris le 13 septembre 2019
AFP

Des "mensonges", rétorque Isabelle Balkany : "Moi, le clientélisme, je l'assume totalement. C'est simplement être disponible, présent et être à l'écoute des gens."

"Là où c'est différent, c'est quand vous êtes à Sarcelles et que vous promettez une mosquée à la communauté musulmane, ça c'est du clientélisme", affirme François-Xavier Weiss.

Malgré son incarcération, Patrick Balkany semble bien vouloir briguer un sixième mandat, même si plane la menace d'un second jugement en octobre pour blanchiment et corruption.

"Il est sûr que la marque Balkany pèse au moins 25% à Levallois", avance M. Weiss. "Et avec 25%, on reste assis à la table des négociations", conclut l'adjoint.

Dans la même thématique

Formulaire de demande de RSA (Revenu de solidarite active), allocation assurant aux personnes sans ressources un revenu minimum variable selon la composition du foyer
7min

Politique

Assurance-chômage : Quand le candidat Macron promettait une « assurance-chômage pour tous » en 2017

« Oui, il y aura une réforme de l’assurance-chômage cette année », a annoncé le Premier ministre, ce mercredi 27 mars, chez nos confrères de TF1. Troisième réforme en la matière depuis l’élection du Président de la République, ses conditions ont largement été durcies en sept ans… loin de la promesse du candidat Macron qui proposait de faire de l’assurance-chômage, un droit « universel ».

Le

French PM gathers the government for a seminar on work
10min

Politique

Réforme de l’assurance chômage : « Depuis 2017, les partenaires sociaux se sont fait balader et avec Gabriel Attal, ça sera la même chose »

La nouvelle réforme de l’assurance chômage que prépare le gouvernement passe mal chez les sénateurs. « On a dévoyé la gouvernance de l’assurance chômage », dénonce la sénatrice LR Frédérique Puissat, qui défend le rôle des syndicats et du patronat. « Attaché » aussi au paritarisme, le centriste Olivier Henno, « comprend » en revanche l’idée de réduire la durée des indemnisations. Quant à la socialiste Monique Lubin, elle se dit « atterrée » que le gouvernement relaye « cette espèce de légende selon laquelle les gens profiteraient du chômage ».

Le

“Le clientélisme, je l’assume”: à Levallois, l’imparable recette Balkany
2min

Politique

Départ du proviseur du lycée Maurice-Ravel : « Dans un monde normal, celle qui aurait dû partir, c’est l’élève », dénonce Bruno Retailleau

Menacé de mort après une altercation avec une élève à qui il avait demandé de retirer son voile, le proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel a quitté ses fonctions. Une situation inacceptable pour le président des Républicains au Sénat, qui demande à la ministre de l’Éducation nationale d’« appliquer la loi jusqu’au bout ».

Le