Le gouvernement envisage de porter à 90 jours la rétention des étrangers en attente d’expulsion
Pour expulser plus efficacement les étrangers en situation irrégulière, le gouvernement envisage d'allonger à 90 jours, contre 45 aujourd'hui,...

Le gouvernement envisage de porter à 90 jours la rétention des étrangers en attente d’expulsion

Pour expulser plus efficacement les étrangers en situation irrégulière, le gouvernement envisage d'allonger à 90 jours, contre 45 aujourd'hui,...
Public Sénat

Par Claire GALLEN

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Pour expulser plus efficacement les étrangers en situation irrégulière, le gouvernement envisage d'allonger à 90 jours, contre 45 aujourd'hui, la durée de la rétention administrative, dans son projet de loi sur l'immigration, dont l'AFP s'est procuré copie.

Selon ce texte "pour un droit d'asile garanti et une immigration maîtrisée", qui doit encore être transmis au Conseil d'Etat, "la durée maximale de la rétention ne doit pas (...) excéder quatre-vingt-dix jours". Mais "à titre exceptionnel" le juge pourrait ensuite ordonner une prolongation "de quinze jours", trois fois au maximum, dans le cas où l'étranger ferait "obstruction" à son éloignement.

La rétention administrative permet de retenir un étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement dans l'attente de son renvoi forcé. A 90 jours, la France "resterait dans la fourchette basse de la moyenne européenne", selon une source proche du dossier, qui rappelle que l'Allemagne prévoit 180 jours.

La rétention donne le temps aux pouvoirs publics d'entamer les démarches de renvoi auprès des pays d'origine, souvent peu coopératifs.

Mais la perspective de cet allongement suscite la colère des associations. "On sait qu'au delà de 12 jours de rétention, les taux d'éloignement chutent", assure Jean-Claude Mas, de la Cimade, qui dénonce "une volonté de punir" et une "politique d'affichage" se traduisant par "un renforcement de la maltraitance". "Nous allons porter le fer sur cette question", promet-il.

Un immigré en situation irrégulière dans une chambre du centre de rétention administrative de Marseille, le 31 janvier 2014
Un immigré en situation irrégulière dans une chambre du centre de rétention administrative de Marseille, le 31 janvier 2014
AFP/Archives

Dans le sillage de son message de fermeté sur l'immigration irrégulière, le régime de la "retenue" pour vérification du droit au séjour serait également durci, puisqu'elle passerait de 16 heures à "24 heures".

Le texte prévoit aussi un tour de vis sur les "dublinés", ces migrants enregistrés dans un autre pays européen et censés y être renvoyés pour le traitement de leur demande d'asile. La procédure est longue, complexe, et seuls 10% ont été effectivement transférés l'an dernier.

- "Dérive morale" -

Pour augmenter les taux, les "dublinés" pourraient être placés en rétention dès que la demande a été déposée auprès de l'Etat compétent, alors que jusqu'à présent, il fallait attendre que l'arrêté de transfert ait été pris, selon le texte.

La Cimade rappelle que 45.000 saisines ont eu lieu l'an dernier, pour 1.293 transferts.

"Ce ne sont plus des centres de rétention, mais de gigantesques lieux de privation de liberté qu'il faudrait construire", s'insurge Laurent Giovannoni du Secours catholique. Pour lui, "on est en pleine dérive morale et pragmatique" avec une logique "contraire aux valeurs de la France".

Emmanuel Macron avait estimé en septembre que "nous reconduisons beaucoup trop peu", et donné l'Allemagne en exemple pour ce texte qu'il souhaite voir adopté "au premier semestre 2018".

Pendant les six premiers mois de 2017, l'Allemagne a expulsé 12.545 personnes. C'est autant que la France en 2016, alors que 91.000 personnes en situation irrégulière ont été interpellées.

Cette fermeté s'accompagne d'une volonté affichée de mieux intégrer les réfugiés: le budget de la mission "asile et immigration" devrait augmenter de 25% l'an prochain, selon le projet de loi de Finances dévoilé mercredi.

Le texte sur l'immigration prévoit ainsi des dispositions "en faveur de l'attractivité et de l'accueil des talents et compétences", notamment pour faciliter le séjour des étudiants cherchant un emploi.

Sur la question de l'asile, il se montre plus généreux pour les titres de séjour: les personnes ayant obtenu la protection subsidiaire bénéficieraient d'une carte pluriannuelle "d'une durée maximale de quatre ans" contre un an, renouvelable, actuellement.

Mais le texte prévoit aussi que l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) pourrait juger irrecevable un dossier lorsque le demandeur "peut être réadmis dans un pays tiers sûr" -- un pays sûr par lequel il aurait transité.

La mesure, bien que prévue au niveau européen, risque de faire grincer des dents à l'Ofpra: en juin, son patron Pascal Brice avait dit ses inquiétudes sur cette notion selon lui "pas compatible avec le droit d'asile".

Partager cet article

Dans la même thématique

Capture
5min

Politique

Accord du Mercosur : aubaine ou menace ?

Le 18 décembre, lors du Conseil européen à Bruxelles, les 27 devraient donner leur feu vert à l’accord commercial avec les pays du Mercosur. Prise en étau entre les droits de douanes américains et la Chine, l’Union européenne cherche de nouveaux débouchés pour son industrie et son agriculture. Mais certains pays, comme la France, craignent un dumping sur les prix et les normes environnementales. Alors l’accord avec le Mercosur est-il un bon deal pour l’UE ? « Ici l’Europe » ouvre le débat, avec les eurodéputés Saskia Bricmont (Les Verts/ALE, Belgique) et Charles Goerens (Renew, Luxembourg).

Le

Le gouvernement envisage de porter à 90 jours la rétention des étrangers en attente d’expulsion
4min

Politique

« Il faut qu’autour des écoles, on n’ait pas de MacDo et de kebabs », déclare la sénatrice des Bouches-du-Rhône Brigitte Devésa

Le surpoids semble être la nouvelle épidémie du XXIè siècle. En France, près de la moitié de la population est concernée, constituant un véritable enjeu de santé publique. De quoi alerter le législateur qui entend renforcer les mesures de prévention et d’accompagnement sur le sujet. Axel De Tarlé reçoit la sénatrice Brigitte Devésa et le nutritionniste créateur du nutri-score Serge Hercberg pour en débattre dans l’émission Et la santé ça va ?.

Le

Le gouvernement envisage de porter à 90 jours la rétention des étrangers en attente d’expulsion
5min

Politique

Budget de l’agriculture : le Sénat adopte des crédits en baisse, la gauche dénonce les coupes dans la transition écologique

Dans la nuit de vendredi à samedi, le Sénat a adopté les crédits de la mission agriculture du budget 2026. En prenant en compte les crédits européens, les dépenses fiscales et sociales, l’enveloppe allouée à l’agriculture s’élève à 25 milliards. Toutefois les crédits sont en baisse par rapport au dernier exercice effectivement exécuté en 2024. A gauche, les sénateurs ont dénoncé les fortes coupes dans la transition écologique.

Le

Le gouvernement envisage de porter à 90 jours la rétention des étrangers en attente d’expulsion
2min

Politique

Dermatose des bovins : « Nous ne laisserons aucun éleveur seul », promet Annie Genevard

Alors que le Sénat examine les crédits de la mission agriculture du budget 2026, la ministre, Annie Genevard a assuré que l’Etat serait aux côtés des éleveurs de bovins touchés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) et a réaffirmé la politique d’abattage de toutes les bêtes des foyers affectés et d’une vaccination élargie.

Le