Le gouvernement finalise un budget post-gilets jaunes

Le gouvernement finalise un budget post-gilets jaunes

L’exécutif devrait réaliser un peu moins d’économies que prévues dans le budget 2020. Selon le sénateur LR Philippe Dallier, « on laisse filer » les déficits. Pour le sénateur PCF Eric Bocquet, il faut au contraire « arrêter un combat perdu d’avance contre la réduction des dépenses publiques » pour « redistribuer les richesses ».
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La crise des gilets jaunes semble loin en cette rentrée. Mais elle se fait pourtant encore sentir pour le gouvernement. Et se traduit directement dans le budget 2020, en cours de finalisation. L’exécutif va présenter son projet de loi de finances (PLF) le 25 septembre. Ce PLF va inclure la baisse de l’impôt sur le revenu à hauteur de 5 milliards d’euros, promise par Emmanuel Macron en réponse aux gilets jaunes, qui s’ajoute aux 10 milliards d’euros de mesures d’urgence adoptées en décembre 2018 (pour un total de 17 milliards). La revalorisation de la prime d’activité et la défiscalisation des heures supplémentaires seront entérinées aussi dans ce budget.

Réduction du déficit un peu moins rapide

En parallèle, le gouvernement a revu à la baisse ses ambitions en matière d’économies. Selon Les Echos, l’objectif de 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires est abandonné par l’exécutif. Des pistes comme le rabot du congé parental ou une nouvelle réduction des allocations familiales des plus aisés ont été écartées. Les réponses à la crise des urgences, annoncées ce lundi par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn (voir notre article), coûte 750 millions d’euros sur trois ans. Quant à l’objectif de suppression de 50 000 postes de fonctionnaires d’Etat, il avait déjà été abandonné pour prendre en compte le souhait du chef de l’Etat de ne plus fermer d’écoles et d’hôpitaux, suite au grand débat.

Dans ces conditions, l’exécutif devrait avoir du mal à tenir son objectif de baisse du déficit public à 2,1% du PIB en 2020. Le glissement ne devrait cependant pas être catastrophique, avec un déficit estimé entre 2,1 et 2,2%. Suffisant pour que la droite crie au manque de rigueur.

« Marque du renoncement du gouvernement »

Gérard Larcher ne s’y est pas trompé. Dès le début de son allocution pour sa conférence de rentrée, le 4 septembre, le président LR du Sénat a reproché à l’exécutif d’avoir « significativement réduit ses ambitions en matière de redressement des comptes publics ». Le sénateur LR Philippe Dallier, membre de la commission des finances, appelle lui à « comparer les prévisions d’aujourd’hui avec celles du début du quinquennat, où l’objectif était à l’équilibre des comptes publics en 2022. C’est la marque du renoncement du gouvernement ». Le vice-président du Sénat ajoute :

« Et quand on nous dit que les efforts sont à faire en 2021 et 2022, tout le monde éclate de rire. Les années préélectorales incitent moins à la rigueur budgétaire. On laisse filer. Les belles promesses du quinquennat se sont envolées ».

L’approche des municipales en 2020, suivies des départementales et régionales en 2021, incite sûrement en effet le gouvernement à mettre de côté l’idée d’un coup de rabot violent et généralisé.

Mais si le gouvernement montre un peu plus de souplesse budgétaire, c’est aussi grâce aux conditions économiques. Il profite d’une situation particulièrement favorable sur le front des taux d’intérêt. Au point de battre un record. La semaine dernière, la France a emprunté 10,4 milliards d’euros en une seule journée ! Pour la première fois, les taux à 15 ans ont été négatifs. Autrement dit, c’est le moment de s’endetter pour pas cher.

« Si les taux se relèvent, c’est la catastrophe »

« C’est l’arbre qui cache la forêt » tempère Philippe Dallier, « on bénéficie de ces effets d’aubaine ponctuellement. Le déficit se réduit mais en partie grâce à ces taux d’intérêt. Mais ça ne règle pas la question du déficit structurel, où les efforts sont toujours moins importants que ce qu’avait annoncé le gouvernement. Si les taux se relèvent, c’est la catastrophe, tout le monde le sait. Il y a un moment où on sera rattrapé par la réalité ».

Le sénateur communiste Eric Bocquet ne tire pas la même conclusion de ces taux d’intérêt très faibles. « Il faudrait en profiter pour emprunter en direction de la transition énergétique, de la remise à niveau des infrastructures. Le Sénat a fait un rapport sur l’état alarmant de nombreux ponts » prend pour exemple le sénateur PCF du Nord.

« La dette n’est pas scandaleuse en soi, surtout quand l’argent n’est pas cher »

Si le communiste trouve « très sein » que le mouvement des gilets jaunes ait « bousculé la donne », pour le vice-président de la commission des finances du Sénat, c’est toute la philosophie qui est à revoir. « Il faut changer de logiciel : politique d’investissement, redistribution des richesses. La dette n’est pas scandaleuse en soi, surtout quand l’argent n’est pas cher. Il faut arrêter un combat perdu d’avance contre la réduction des dépenses publiques » lance Eric Bocquet.

Le sénateur PCF du Nord pointe au passage le « quasi abandon de la taxe Gafa par la France, lors du G7 » et le très faible rendement de « la taxe yacht, qui devait compenser l’effet dévastateur de la suppression de l’ISF. Elle n’a rapporté que 288.000 euros. On attendait 10 millions d’euros… ça confirme que les grosses fortunes sont très largement épargnées. On est dans la communication ».

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