Le gouvernement se prépare à « réparer » l’hôpital et réformer l’offre de soins

Le gouvernement se prépare à « réparer » l’hôpital et réformer l’offre de soins

Le Premier ministre a listé cinq chantiers pour réformer le système de santé français, un univers actuellement jugé trop « cloisonné » et qui favorise la « course » aux actes médicaux. Une concertation nationale sera organisée de mars à mai 2018 avec tous les acteurs de la santé.
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C’est une nouvelle concertation qui va s’ouvrir. Trois mois de discussions et de tables rondes entre le gouvernement, l’Assurance maladie, les hôpitaux, les professionnels de la santé, les agences régionales – auxquels seront aussi associés les usagers – vont démarrer en mars pour préparer le système de santé français de demain.

Dans son discours prononcé au Centre hospitalier d’Eaubonne (Val-d’Oise), le Premier ministre a déclaré vouloir s’attaquer aux « faiblesses » de l’organisation des soins sur le territoire. Pour y répondre, il ne promet pas une « énième réforme de l’hôpital » mais annonce une « transformation de l’ensemble de notre système de santé », à la fois « globale » et « durable ».

Dans la feuille de route qui s’amorcera dès cette année, et qui s’étalera jusqu’à la fin du quinquennat, Édouard Philippe liste cinq grands chantiers.

La pertinence des soins

« Mon rôle est de demander pourquoi on constate d’importantes variations de pratiques d’un territoire à un autre », a expliqué le chef du gouvernement. C’est le premier axe pour l’exécutif, la « boussole » à suivre : améliorer la qualité des soins et la pertinence des actes médicaux.

Les professionnels de santé et le collège de médecine générale, en lien avec la Haute autorité de Santé et l’Assurance maladie, devront proposer avant l’été des actions pour améliorer la pertinence des soins. Des indicateurs de satisfaction des patients, comme des personnels, seront également mis en place.

Une réforme des modes de financement et une régulation budgétaire

La tarification à l’acte a été égratignée par le Premier ministre, qui a pointé la « course aux volumes » que ce système engendre. Le projet du gouvernement n’envisage pas cependant d’en finir totalement : Emmanuel Macron a promis de limiter la part de la tarification à l’acte (la T2A) à 50% du budget de l’hôpital.

« L’enjeu n’est pas de supprimer la tarification à l’activité, mais ce serait plutôt de la corriger ou de la rééquilibrer pour y intégrer des objectifs plus collectifs, pour y intégrer dans les parcours les nouvelles pratiques de soins ambulatoires et d’hospitalisation à domicile », a indiqué Édouard Philippe. La médecine de ville sera elle aussi concernée par ce chantier.

Une nouvelle « task force » devra mettre au point avant la fin de l’année de nouveaux modes de financement, qui trancheront avec la « logique inflationniste » actuelle. Le discours n’est pas sans rappeler les griefs soulevés par la Cour des comptes, dans un rapport choc publié en novembre (relire notre article).

Autre objectif de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn : mieux réguler l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).

Adopter « une vraie stratégie numérique »

Le virage du numérique est un autre élément de réponse du gouvernement dans la réforme du système de soins. Sur ce chapitre, Édouard Philippe se donne trois objectifs : l’accessibilité en ligne pour chaque patient des données médicales le concernant, la dématérialisation des ordonnances, et un partage plus fluide des informations entre l’hôpital et la médecine de ville. Ce « sera très compliqué, mais sans doute pas impossible », a reconnu le Premier ministre.

Plusieurs réformes sont en passe d’être appliquées. Le dossier médical partagé va, lui, être progressivement déployé à partir de la fin de l’année. Quant aux téléconsultations, elles auront prochainement leur tarif. « Nous sommes à la veille d’une vraie révolution, une révolution qui a commencé dès l’automne dernier avec inscription dans le droit commun des dispositifs de télémédecine », a rappelé le Premier ministre.

Des annonces sur la formation des professionnels de santé

Plusieurs pistes ont également été soulevées sur la formation des professionnels de la santé. Édouard Philippe souhaite « corriger les dysfonctionnements » dans les formations du secteur. Sur la médecine, le Premier ministre se dit favorable à « conduire une réflexion sans tabou sur le numerus clausus ». Toutes les formations sanitaires et sociales devront en tout cas intégrer des cycles universitaires classiques.

Tous les étudiants en santé devront dans le futur « exercer une mission de prévention dans les écoles et les collèges ». La prévention « doit être le premier pan de notre politique », selon le Premier ministre.

Quant à la fonction publique hospitalière, il précise qu’elle sera elle aussi concernée par les mesures proposées par le Comité interministériel de la transformation publique, qu’il s’agisse de l’assouplissement des statuts ou de rémunérations au mérite. Pour prendre en compte la détresse de certains personnels dans l’hôpital, Édouard Philippe demande un « travail de fond » sur les modifications des organisations de travail et annonce la création d’un Observatoire de la qualité de vie au travail des professionnels de santé.

Penser l’organisation des soins au niveau des territoires

L’expression de « désert médical » n’a pas été prononcée, mais Édouard Philippe a répondu qu’il fallait « penser l’organisation des soins au niveau du territoire » pour « garantir l’égalité devant l’accès aux soins ». Le chef du gouvernement appelle notamment les professionnels à « organiser la continuité des soins ». « Je ne veux pas que ce soit l’État qui oblige », a-t-il prévenu.

Toujours dans la logique de « décloisonnement », l’hôpital et la médecine de ville doivent aller vers une meilleure coordination. Appelant à développer des « expérimentations » dans l’organisation géographique des soins, le Premier ministre a appelé à « aller plus loin » dans les groupements hospitaliers de territoires.

Un instrument concret a toutefois été mis sur la table : la question des tarifs. « Cette année, les tarifs hospitaliers donneront une forte incitation à la médecine ambulatoire qui ne concernera pas la seule chirurgie. Il est grand temps d’étendre ce virage ambulatoire à la médecine », a-t-il déclaré.

Reste la question des moyens financiers. Édouard Philippe a constaté une résorption progressive du « trou » de la Sécu, mais a rappelé dans le même temps que la « régulation des dépenses » était « toujours » nécessaire. Le Premier ministre annonce que 100 millions d’euros seront consacrés chaque année à « l’accompagnement de cette transformation du système de santé ». Un chiffre à mettre en perspective avec les quelque 200 milliards d'euros de dépenses de santé annuelles en France.

Dans un contexte de « contrainte » budgétaire, le chef du gouvernement a d’ailleurs voulu préciser que les contraventions liées à l’abaissement de la vitesse sur les routes à 80 km/h viendraient nourrir les investissements dans les hôpitaux (qui prennent en charge des accidentés de la route). Une manière de faire passer la pilule d’une réforme impopulaire ?

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