« Le monde politique est très lent à réagir au mouvement Me too », estime la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel

« Le monde politique est très lent à réagir au mouvement Me too », estime la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel

A l’approche de la présidentielle et des législatives, des femmes politiques et universitaires enjoignent les partis à prendre acte du mouvement #metoo dans Le Monde. Une prise de conscience qu’elles veulent voir traduite par des engagements clairs. Au premier rang : ne pas investir de personne mise en cause pour violences sexistes ou sexuelles.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

#Metoo et après ? En masse, les témoignages de femmes victimes de violences sexistes et sexuelles déferlent depuis maintenant quatre ans. Tous les milieux sont concernés mais il est question d’un aujourd’hui : le monde politique. 285 femmes travaillant dans le milieu politique et universitaire signent une tribune dans Le Monde, lundi 15 novembre, pour enjoindre les partis à agir en écartant les auteurs de violences sexuelles et sexistes de la vie politique.

A l’approche de la présidentielle et des législatives, les cadres des partis et des mouvements politiques sont donc invités à s’engager dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Une charte a été mise à disposition sur le site metoopolitique.fr.

Avant même le mouvement Metoo, plusieurs affaires étaient venues poser la question des violences sexistes et sexuelles en politique, comme l’affaire DSK ou l’affaire Baupin. Crée en 2016 par un collectif de collaboratrices parlementaires, le site Chair collab mettait également à jour un sexisme décomplexé.

« Le monde politique est très lent à prendre la mesure et à réagir au mouvement Me too, observe la sénatrice écologiste Mélanie Vogel. C’est un environnement où l’ego et le pouvoir sont très masculins. Ne pas mettre au pouvoir des personnes coupables, ne pas promouvoir au plus haut sommet de l’Etat des auteurs de violences sexistes et sexuelles est primordial. »

« Il est nécessaire que les appareils politiques prennent en compte ces critères dans le choix de leur candidat »

Pourquoi maintenant ? Ancienne ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol - qui fait partie des signataires de cette tribune - l’explique : « Il y a la présidentielle mais surtout les législatives ou 577 députés seront investis par les partis et les mouvements politiques. Il est nécessaire que les appareils politiques prennent en compte ces critères dans le choix de leur candidat ». Les signataires de la charte s’engagent donc à ne pas investir de personne mise en cause pour violences sexistes ou sexuelles, mais aussi à ne pas leur donner de parrainage pour la présidentielle et à ne pas les embaucher dans leurs équipes de campagne.

Une question se pose alors : comment établir ces critères ? Sur leur plateforme, les initiatrices de Me too politique évoquent les questionnements auxquels elles ont fait face. « Le choix du terme « mis en cause » a fait l’objet d’une réflexion approfondie. Aucun autre terme n’est pleinement satisfaisant », écrivent-elles. Attendre une condamnation judiciaire ne leur apparaît pas pertinent compte tenu du faible taux de dépôts de plainte et du très faible pourcentage de condamnation.

Lire aussi. Sexisme en politique : changer « un monde fait par et pour des hommes »

« Investir quelqu’un ce n’est pas une décision de justice mais une décision politique. Ce n’est pas se substituer à la justice que de ne pas investir une personne », indique par ailleurs Mélanie Vogel, sénatrice écologiste. Laurence Rossignol (PS) rappelle, elle, que la question s’est déjà posée lors des précédentes municipales. A Saint-Nazaire, le PS avait par exemple refusé de soutenir le maire sortant qui avait soutenu un de ses adjoints mis en cause pour viol. A Lorient, la tête de liste PS, Bruno Blanchard visé par une accusation de violences conjugales, avait dû renoncer à l’investiture de son parti.

Des décisions qui n’ont pas été prises sans mal. Les prises de parole sont encore rares et quand elles émergent, elles sont bien souvent réduites à des « affaires privées » ou rangées dans la catégorie « manipulation politique ». « L’argument de la manipulation politique ne tient pas. Dans quel but ? A quel moment elles sortent gagnantes ? », rétorque Laurence Rossignol. Et les initiatrices de Me too politique d’interroger : « Combien d’hommes ont eu leur carrière détruite, même avec des accusations dont on sait qu’elles sont fondées ? Aucun », répondent-elles.

« Que les partis traitent leurs délinquants misogynes, comme ils traitent leurs délinquants financiers »

« Quand les partis ont des doutes sur les affaires financières, ils se protègent en prenant des décisions avant que les affaires sortent dans la presse. Ils protègent leur réputation. Il faudrait considérer que les délinquants misogynes sont tout autant des brebis galeuses qui nuisent à l’image du parti », appelle Laurence Rossignol.

La mutation des partis sur cette problématique doit donc s’accompagner d’actes. Au-delà de cette charte d’engagement, des outils doivent être créés. Chez EELV, une cellule d’écoute a été mise en place et des formations ont été dispensées aux responsables du parti nous indique Mélanie Vogel. « Ce n’est pas parfait, il faut encore améliorer les procédures internes et créer un climat où les personnes se sentent en confiance pour témoigner », estime la sénatrice écologiste.

Parmi les signataires de cette tribune, on retrouve peu ou pas de personnalités de droite. « Je ne sais pas si elles ont été sollicitées », précise Laurence Rossignol. Reste qu’à droite de l’échiquier politique, le sujet ne semble toujours pas à l’ordre du jour. « A droite, l’omerta est encore plus forte », estime Laurence Rossignol. « Les affaires de violences sexuelles sortent davantage dans les milieux progressistes car le contexte est plus favorable et non parce qu’il y a plus d’affaires », ajoute en écho Mélanie Vogel.

Comme il est souligné dans la tribune, trois candidats à la présidentielle sont cités dans de nombreux témoignages d’agressions sexuelles. Plusieurs témoignages, révélés par Mediapart, vise notamment le polémiste et candidat putatif à la présidentielle, Éric Zemmour. Un aspect qui passe sous les radars. « Il s’agit certes d’un candidat auto investi mais on ne devrait parler que de ça. C’est assez hallucinant qu’on ne l’interpelle pas sur ces affaires », s’indigne Laurence Rossignol qui espère que « cette tribune attirera aussi l’attention sur ce sujet ».

Dans la même thématique

Brussels Special European Council – Emmanuel Macron Press Conference
3min

Politique

Élections européennes : avant son discours de la Sorbonne, l’Élysée se défend de toute entrée en campagne d’Emmanuel Macron

Ce jeudi 25 avril, le président de la République prononcera un discours sur l’Europe à la Sorbonne, sept ans après une première prise de parole. Une façon de relancer la liste de Valérie Hayer, qui décroche dans les sondages ? L’Élysée dément, affirmant que ce discours n’aura « rien à voir avec un meeting politique ».

Le

« Le monde politique est très lent à réagir au mouvement Me too », estime la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel
8min

Politique

IA, simplification des formulaires, France Services : Gabriel Attal annonce sa feuille de route pour « débureaucratiser » les démarches administratives

En déplacement à Sceaux ce mardi dans une maison France Services, quelques minutes seulement après avoir présidé le 8e comité interministériel de la Transformation publique, le Premier ministre a annoncé le déploiement massif de l’intelligence artificielle dans les services publics, ainsi que la simplification des démarches. Objectif ? Que « l’Etat soit à la hauteur des attentes des Français ».

Le

Brussels Special European Council – Renew Europe
10min

Politique

Européennes 2024 : avec son discours de la Sorbonne 2, Emmanuel Macron « entre en campagne », à la rescousse de la liste Hayer

Emmanuel Macron tient jeudi à la Sorbonne un discours sur l’Europe. Si c’est le chef de l’Etat qui s’exprime officiellement pour « donner une vision », il s’agit aussi de pousser son camp, alors que la liste de la majorité patine dans les sondages. Mais il n’y a « pas un chevalier blanc qui va porter la campagne. Ce n’est pas Valérie Hayer toute seule et ce ne sera même pas Emmanuel Macron tout seul », prévient la porte-parole de la liste, Nathalie Loiseau, qui défend l’idée d’« un collectif ».

Le

Jordan Bardella visite Poste-Frontiere de Menton
5min

Politique

Elections européennes : la tentation des seniors pour le vote RN, symbole de « l’épanouissement du processus de normalisation » du parti, selon Pascal Perrineau

Alors que la liste menée par Jordan Bardella (31.5%) devance de plus de 14 points la liste Renaissance, menée par Valérie Hayer (17%), selon le dernier sondage IFOP-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud-Radio, le parti de Marine Le Pen, mise désormais sur l’électorat âgé, traditionnellement très mobilisé pour les élections intermédiaires. Désormais deuxième force politique chez les plus de 65 ans (le RN conquiert 24% de cet électorat, 7 points de moins que Renaissance), la stratégie semble porter ses fruits. Décryptage avec le politologue Pascal Perrineau, professeur émérite à Sciences Po Paris et récent auteur de l’ouvrage Le Goût de la politique : Un observateur passionné de la Ve République, aux éditions Odile Jacob.

Le