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Le patriotisme économique, credo porteur de la présidentielle
Par Valentin BONTEMPS
Publié le
De l'abandon des traités de libre-échange au rétablissement des barrières douanières, les candidats à l'élection présidentielle multiplient les propositions pour défendre le "made in France", sur fond de montée du protectionnisme et de défiance vis-à-vis de la mondialisation.
Protectionnisme "vital", "solidaire" ou bien "intelligent": le credo du patriotisme économique "est aujourd'hui omniprésent, dans les programmes comme dans le débat public", constate El Mouhoub Mouhoud, professeur d'économie à Paris Dauphine et spécialiste des délocalisations.
Le sujet, qui transcende les clivages politiques, s'était déjà imposé lors de la campagne présidentielle de 2012. Mais il a gagné en visibilité ces derniers mois, dans le sillage de l'élection à la Maison Blanche de Donald Trump, chantre du "America first" et pourfendeur des accords de libre-échange.
Le phénomène "prend de l'ampleur", souligne M. Mouhoud, qui attribue ce regain protectionniste aux "excès de la mondialisation", marquée par des délocalisations en série dans les pays à faible coût de main d'oeuvre. "Cela a fait naître une forte anxiété au sein de la population", rappelle-t-il.
Suppressions d'emploi, désindustrialisation, spectre du déclassement: dans ce contexte délicat, la plupart des candidats ont décidé de hausser le ton, par conviction ou stratégie, jusqu'à donner une impression de surenchère dans la défense du patriotisme économique.
- "Cesser d'être naïf" -
A la pointe de ce combat: les candidats souverainistes et nationalistes Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen. "Le libre-échange généralisé est un échec", estime la chef de file du FN, qui voit dans le protectionnisme "le seul moyen de créer massivement des emplois".
La candidate frontiste, qui a fait du slogan "achetons français" sa marque de fabrique, promet ainsi de renégocier les traités commerciaux, de faire jouer la préférence nationale pour les marchés publics et de rétablir des barrières douanières.
A gauche, la lutte contre le libre-échange a également ses adeptes, à l'image de Jean-Luc Mélenchon, qui souhaite un protectionnisme, mais à dimension "solidaire". Une façon selon lui de préserver l'environnement, en produisant "local", et de lutter contre le dumping social induit par le concurrence internationale.
Chantre du "made in France" depuis son passage au ministère du Redressement productif, Arnaud Montebourg propose de réserver 80% des marchés publics aux PME travaillant dans l'Hexagone. Mais aussi de soumettre à l'approbation de l'Etat les investissements étrangers dans les intérêts stratégiques du pays.
Pour Manuel Valls, qui souhaite également lutter contre les "insécurités" de la mondialisation, l'offensive doit toutefois se faire "au niveau européen". "L'Europe doit cesser d'être naïve, nous devons nous protéger", a-t-il assuré, réclamant une "application plus ferme de la réciprocité" en matière commerciale.
Seuls François Fillon et Emmanuel Macron - dont le programme n'a cependant pas été dévoilé - se montrent réservés. En estimant, à l'image du candidat LR, que "le protectionnisme a toujours conduit à des catastrophes".
- "Marketing politique" -
Car au delà des cercles politiques, la tentation protectionniste est loin de faire l'unanimité. "Si tout le monde se recroqueville et qu'on ferme les frontières, vous allez avoir un drame absolu", estime ainsi Pierre Gattaz, patron du Medef.
Pour El Mouhoub Mouhoud, "il y a une forme de marketing politique sur la question de la relocalisation de la production", mais les propositions manquent de sérieux. "Dire qu'on veut relocaliser, c'est facile. Mais comment? A quelle échelle? Ca, les candidats ne le disent pas", regrette-t-il.
Plusieurs propositions avancées par les candidats, comme celle de réserver des marchés publics aux entreprises nationales, semblent incompatibles avec les règles européennes. Et ont donc peu de chances de voir le jour - à moins d'obtenir un accord des pays membres de l'UE.
Les discours politiques, en outre, ne s'appuient "pas suffisamment sur le diagnostic des phénomènes de délocalisation et de relocalisation", selon M. Mouhoud. Ce qui conduit les candidats à avoir "un temps de retard" dans leurs propositions.
La plupart envisagent la question des délocalisations "sous l'angle industriel", où "le mouvement est déjà à la re-régionalisation des processus de production", souligne l'économiste. Or "c'est le secteur des services" qui a aujourd'hui "un potentiel élevé de délocalisation", rappelle-t-il.