Le plan d’aide aux collectivités jugé largement insuffisant par les élus

Le plan d’aide aux collectivités jugé largement insuffisant par les élus

Le gouvernement a dévoilé vendredi les premières mesures de son plan d’aide aux collectivités. Des aides « pas à la hauteur » pour les communes, qui recevront 750 millions d’euros de compensation de pertes de recettes fiscales.
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Très attendues par les élus, les premières annonces sur le plan d’aide du gouvernement aux collectivités territoriales ont été réservées aux communes. Vendredi matin, Edouard Philippe a dévoilé une aide de 750 millions d’euros pour compenser leurs pertes de recettes fiscales en 2020. Un dispositif « d’une ampleur inédite, massive, et jamais employé » assure le Premier ministre. Cette enveloppe doit permettre de compenser toutes les recettes fiscales et domaniales (liées par exemple au stationnement) dont le covid-19 a privé les communes.

Sur la base d’une moyenne calculée sur leurs recettes fiscales des trois dernières années, l’État s’engage à leur verser le manque à gagner qu’elles n’ont pas touché. Ce mécanisme a été proposé par le député (LREM) du Gers Jean-René Cazeneuve, missionné par le gouvernement pour évaluer l’impact de la crise pour les finances des collectivités locales. « C’est un dispositif qui va vraiment regarder la perte sur 2020 et la comparer à l’année moyenne 2017-2019. C’est robuste à la crise, si elle est plus importante que prévu, la compensation le sera aussi », explique le député, qui vante la souplesse du mécanisme. Quel que soit le différentiel, il sera donc compensé par l’État. D’après le gouvernement, entre 12 000 et 14 000 communes devraient bénéficier du dispositif.

Les communes touristiques en première ligne

Privées de taxes de séjour et autres recettes spécifiques, les communes touristiques, les plus durement touchées par la crise du covid-19, sont les premières visées par le plan d’urgence du gouvernement. « C’est une bonne décision » juge Philippe Sueur, président de l’ANETT (association nationale des élus des territoires touristiques). En l’absence de touristes, sa commune d’Enghien-les-Bains, connue pour son casino, a déjà perdu 1,3 million d’euros de redevance sur les jeux. Les recettes dites « domaniales » liées au stationnement lui rapportent normalement 400 000 euros net par mois. Toutes ces pertes liées aux revenus touristiques seront intégralement compensées.

L’enveloppe, estimée à 750 millions d’euros par l’exécutif, est-elle réellement à la hauteur des besoins ? Président de la délégation sénatoriale aux collectivités locales, Jean-Marie Bockel juge « à la hauteur » les annonces du gouvernement, « uniquement dans la mesure où c’est un plan d’urgence ». Le sénateur (Union Centriste) attend d’autres mesures, de plus long terme. Pour lui, l’enveloppe ne compense pas « la totalité de ce qui serait nécessaire pour les collectivités ». Et de fait, pour les associations d’élus, le plan du gouvernement est très loin du compte.

« Il aurait fallu nous consulter avant »

L’Association des maires de France a fait ses comptes. Entre 2020 et 2022, le covid-19 devrait provoquer une perte de 5 milliards d’euros pour le bloc communal (communes et intercommunalités), dont 4,5 milliards pour la seule année 2020. Bien plus, donc, que l’enveloppe de 750 millions d’euros promise par le gouvernement. « C’est une première étape, mais ce n’est pas du tout à la hauteur» regrette Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF. « Le Premier ministre nous convoque pour nous dire ce qu’il veut faire, mais il aurait fallu nous consulter avant. On ne tient pas compte de notre chiffrage » dénonce le maire de Sceaux.

Recettes tarifaires non compensées

Au-delà du montant, les maires dénoncent aussi la nature des aides. Car le mécanisme du gouvernement ne prévoit pas de compenser les pertes des recettes dites « tarifaires », liées à la cantine, aux garderies, ou encore aux transports. Pour l’année 2020, l’AMF estime cette perte à 2,2 milliards d’euros. Argument de l’exécutif : les mairies ont aussi moins de dépenses, comme l’achat des repas à la cantine, puisque ces services sont fermés. « C’est faux », rétorque Philippe Laurent, qui prend l’exemple de la cantine : « 80% des dépenses sont liées au personnel, pas au repas ». Pendant la crise, les communes ont en effet continué à rémunérer le personnel de ces services, sans bénéficier du dispositif du chômage partiel financé par l’État pour les entreprises.

Explosion des dépenses sociales

En plus du mécanisme de compensation des pertes de recettes, l’État s’engage à aider les collectivités à faire face aux dépenses supplémentaires liées à la crise du covid-19. Elles sont invitées à sortir ces dépenses de leur budget de fonctionnement, et les inscrire dans un budget spécifique, dont le remboursement pourra être lissé sur trois ans, grâce à des prêts facilités. « Si ce sont des prêts, il faudra les rembourser. Ce n’est pas satisfaisant » regrette Antoine Homé de l’APVF (association des petites villes de France).

Maire de Wittenheim, dans le Grand Est, il estime que les dépenses supplémentaires liées au coronavirus représenteront 4 à 5 % du budget de fonctionnement de sa commune cette année. Une augmentation qu’il explique en grande partie par l’explosion de la pauvreté. « Le nombre de demandeurs de bons alimentaires a été multiplié par dix dans notre centre communal d’action sociale. On voit arriver dans nos services des gens qu’on n’avait jamais vus ». Pour l’APVF, comme pour l’AMF, les communes ne pourront pas faire face, sans aide directe de l’État, à l’augmentation des dépenses sociales liées à la crise qui s’annonce.

Dernier volet de mesures dévoilées ce matin : un milliard d’euros supplémentaire pour soutenir les investissements « verts » des communes. L’enveloppe consacrée au bloc communal atteint donc 1,75 milliard d’euros. D’après les informations du journal Le Monde, une aide aux départements est également prévue, à hauteur de 2,7 milliards d’euros. Ce qui porte au total le plan d’aide aux collectivités à près de 4,5 milliards d’euros, sur les 7,5 milliards de pertes estimées pour 2020 par le député Jean-René Cazeneuve. Sur cette somme, rien n’est prévu pour les régions.

La colère des régions

C’est en plein milieu d’une réunion par visioconférence avec la secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Économie que les présidents de régions ont appris la nouvelle. Lorsqu’ils ont su que le plan d’urgence du gouvernement ne leur réservait pas un centime, ils ont tout simplement « raccroché au nez d’Agnès Pannier-Runacher » a fait savoir l’ARF dans un communiqué. L’Association des régions de France y voit une « provocation ».

Si le plan d’urgence n’inclut pas les régions, c’est parce que « l’impact pour elles sera surtout en 2021, et elles le savent », explique le député Jean-René Cazeneuve, qui assure qu’elles feront l’objet d’annonces ultérieures. « Le gouvernement attend probablement de connaître l’effet de la crise avant de voir quelle aide il va leur attribuer » explique Charles Guéné, vice-président de la commission des finances du Sénat. Car le principal manque à gagner pour les régions viendra de la CVAE, la taxe sur la valeur ajoutée des entreprises, payée avec une année de décalage. «Ca va appeler à des négociations » veut croire Charles Guéné.

Édouard Philippe a annoncé qu’il poursuivrait les discussions entamées avec les présidents de région au cours du mois de juin. Contacté par Public Sénat, le ministère de la cohésion des territoires confirme que le budget 2021 comprendra bien des mesures d’aides pour les régions.

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