Le pouvoir macroniste rattrapé par ses exigences de moralisation

Le pouvoir macroniste rattrapé par ses exigences de moralisation

Emmanuel Macron avait symboliquement ouvert son quinquennat en faisant voter des lois de moralisation mais, après deux ans d...
Public Sénat

Par Jérémy MAROT et Anne-Pascale REBOUL

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Emmanuel Macron avait symboliquement ouvert son quinquennat en faisant voter des lois de moralisation mais, après deux ans d'exercice du pouvoir, les polémiques sur de supposés abus scandent encore la vie politique, jusqu'à atteindre un des chantres de la transparence, François de Rugy.

22 février 2017, l'élection présidentielle prend un tournant décisif à l'heure où François Bayrou et Emmanuel Macron scellent leur "alliance". Au cœur de leur pacte, une exigence du patron du MoDem: la promesse d'une loi de "moralisation de la vie publique", notamment s'agissant des "conflits d'intérêts".

Deux lois (organique et ordinaire) sont dûment adoptées dès l'été 2017 et promulguées le 15 septembre en direct à la télévision par Emmanuel Macron dans une mise en scène inédite.

Les frais de mandat parlementaire sont mieux encadrés, les réserves ministérielles et parlementaires supprimées, les emplois de collaborateurs de la famille proche interdits... Tout semble répondre au leitmotiv de la campagne: renouvellement des visages comme des usages.

François de Rugy s'est inscrit en pointe de ce combat, lui qui prône de longue date la "transparence totale" en publiant dès octobre 2009, lorsqu'il était député (Verts), le montant de ses revenus et l'utilisation de son indemnité de frais de mandat.

Au Perchoir, il a défendu fin 2017 la mise en place d'un "arsenal de règles" plus strictes pour les frais de mandat des députés, et a mis sur les rails plusieurs chantiers, vantant une "gestion plus efficace et plus économe" de l'Assemblée, ce qui lui a valu des inimitiés.

Ironie de l'histoire, c'est sur le ministre de la Transition écologique que le boomerang des accusations (dîners fastueux, travaux supposément dispendieux...) revient aujourd'hui, signe d'un ajustement difficile malgré l'électrochoc des affaires passées comme celle du ministre Jérôme Cahuzac.

"C'est presque une loi que les personnalités qui occupent ce type de fonction pour la première fois de leur vie sont naturellement portées à profiter de la cave, des fleurs, des facilités", souffle, fataliste, un pilier expérimenté de la majorité.

Le pouvoir macroniste doit encore solder les pratiques passées, en s'interrogeant, parfois avec difficulté, sur ce qui est pénalement ou moralement répréhensible, ce qui vaut sanction ou non.

- "Course à la pureté" -

Dès le début du quinquennat, François Bayrou, fraîchement nommé ministre de la Justice, et deux cadres du MoDem, Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes, et Sylvie Goulard, ministre de la Défense, ont ainsi été emportés dans des soupçons d'emplois fictifs au Parlement européen.

Autre cas sensible, celui de Richard Ferrand, exfiltré du gouvernement pour une affaire immobilière remontant à 2011. Le dossier a été classé sans suite à Brest, relancé à Paris, dépaysé à Lille et pour l'heure au point mort sur le plan judiciaire.

Moins médiatisé, le départ du gouvernement de la ministre des Sports Laura Flessel, officiellement pour "raisons personnelles", plus probablement en raison de sa situation fiscale.

Et quelques épisodes ont rebondi au Palais-Bourbon, à l'image de cette députée (LREM) de la Sarthe, Pascale Fontenel-Personne, épinglée pour des visites rémunérées de l'Assemblée proposées par son entreprise.

Avec les clichés montrant M. de Rugy à table autour de homards et vins fins, "ce qui est rageant, c'est que l'image peut balayer toute l'action que l'on mène depuis deux ans", soupire un ministre. "Et cela alimente le discours du tous pourris, qui n'est pas vrai", ajoute-t-il.

Mais la promesse initiale était-elle tenable ? Un cadre du groupe de députés note un "débat" interne entre "les jansénistes dans la course à la pureté, et les autres (comme lui, ndlr) qui pensent qu'on crée un monde infernal".

"C'est pour cela que le Premier ministre ne voulait pas du terme de +moralisation+ mais évoquait plutôt un +rétablissement de la confiance+", rappelle un de ses proches. "C'est une promesse qui ne peut que décevoir, les hommes et femmes politiques ne sont pas plus moraux qu'ailleurs", souligne-t-il.

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