Le préfet Michel Delpuech, premier fusible de la crise des « gilets jaunes »
Son limogeage était devenu une arlésienne depuis le scandale de l'affaire Benalla. C'est finalement le saccage des Champs-Elysées...

Le préfet Michel Delpuech, premier fusible de la crise des « gilets jaunes »

Son limogeage était devenu une arlésienne depuis le scandale de l'affaire Benalla. C'est finalement le saccage des Champs-Elysées...
Public Sénat

Par Gregory DANEL

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Son limogeage était devenu une arlésienne depuis le scandale de l'affaire Benalla. C'est finalement le saccage des Champs-Elysées lors de la dix-huitième journée de manifestation des "gilets jaunes" qui a décidé du sort de Michel Delpuech, démis lundi de ses fonctions à la tête de la puissante préfecture de police de Paris.

Moins de deux ans après sa nomination à la suite d'un épisode rocambolesque, l’exécutif a décidé de faire sortir ce grand commis de l'Etat, 66 ans, par la petite porte.

"Grand préfet", "profondément dévoué à l'Etat de droit", "fin connaisseur de la préfecture de police", "bon technicien": dans les rangs policiers comme dans les couloirs du ministère de l'Intérieur, Michel Delpuech jouissait d'une vraie réputation de "solidité" à défaut de faire l'unanimité.

N'était-il pas parfois moqué en interne pour une attitude jugée trop aristocratique qui lui a valu le surnom de "Louis XIV"?

Né à Aurillac le 13 février 1953, M. Delpuech, fils de petits commerçants est pourtant un produit de la méritocratie républicaine.

Ancien élève de la fameuse promotion Voltaire de l'ENA, où il a côtoyé François Hollande et Dominique de Villepin, il commence sa carrière comme directeur de cabinet du préfet du Lot en 1980 avant de gravir un à un les échelons du cursus honorum de la préfectorale.

Directeur de cabinet de Michèle Alliot-Marie au ministère de l'Intérieur en 2007, M. Delpuech longtemps étiqueté "préfet chiraquien" a également occupé les postes de préfet de Corse, de Picardie, d'Aquitaine ou de Rhône-Alpes au fil d'une carrière de près de 40 ans.

Nommé préfet d'Ile-de-France en février 2017, il doit prendre en urgence la succession de son ami Michel Cadot à la tête de la "PP" car son ex-camarade de l'ENA s'est sérieusement blessé lors d'une chute de vélo.

Pour l'exécutif socialiste, sa nomination vaut assurance tout risques sur fond de quinquennat finissant mais aussi de menace terroriste persistante.

Nommé mais pas encore en fonction, il doit d'ailleurs gérer l'assassinat du policier Xavier Jugelé par un jihadiste sur les Champs-Elysées, le 20 avril 2017.

- "Chaîne de commandement" -

La préfecture de police parfois considérée comme un "État dans l'État", est une institution qu'il connaît bien pour avoir été secrétaire général pour l'administration de la police en 1996, puis directeur de cabinet du préfet de 1999 à 2003, avant d'être nommé préfet des Hauts-de-Seine.

Depuis le siège de la préfecture de police sur l'île de la Cité, Michel Delpuech affronte sa première tempête à l'occasion du défilé du 1er mai 2018 marqué par de spectaculaires violences dans le sillage des Black Blocs.

Sa gestion du maintien de l'ordre jugée trop molle fait l'objet d'une pluie de critiques. Lui souligne que l'intervention des forces de l'ordre ne se sera soldée par aucun mort, ni blessé grave dans les deux camps. Une constante dans son action dont il se prévaudra encore lors de la crise des "gilets jaunes".

Mais ces critiques sur la gestion du 1er mai n'étaient rien face à l'ouragan qu'il allait ensuite essuyer: l'affaire Benalla.

Absence de signalement à la justice des violences commises par l'ex-conseiller de l'Elysée ce jour-là, autorisation de port d'arme délivrée à Alexandre Benalla sans en référer à Beauvau, gestion calamiteuse de l'incident par les services de la préfecture: le patron de la PP est désigné comme le fusible idéal par l'exécutif et en particulier Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur de l'époque.

Mais le 23 juillet, lors d'une audition à l'Assemblée nationale retransmise en direct, il se défend bec et ongles. Annoncé sur le départ, il sauve sa tête, même s'il était depuis en disgrâce à l'Elysée.

Le retour des manifestations violentes à Paris à la faveur du mouvement des "gilets jaunes" le place à nouveau sur la sellette. Cette fois plus clairement: lundi matin, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur a admis un "échec" après les violences et pillages sur les Champs-Elysées en déclarant vouloir se pencher sur les responsabilités de la "chaîne de commandement".

"Un autre à sa place n'aurait pas fait mieux", défend un syndicaliste policier tandis qu'un autre critique "une gestion chaotique semaine après semaine".

Son remplacement par Didier Lallement, 62 ans, une autre figure du corps préfectoral qui n'est cependant jamais passée par la préfecture de police de Paris, alimentait lundi les spéculations sur l'avenir de l'institution bicentenaire sous sa forme actuelle.

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