Le RN lance enfin sa campagne pour les législatives et cible Mélenchon
Jordan Bardella a présenté ce mercredi la liste définitive des candidats investis par le Rassemblement national pour les élections législatives. L’occasion de revenir sur la stratégie d’un RN pour le moment un peu effacé, et sur certaines investitures mouvementées, comme celle de Philippe Vardon dans les Alpes-Maritimes.

Le RN lance enfin sa campagne pour les législatives et cible Mélenchon

Jordan Bardella a présenté ce mercredi la liste définitive des candidats investis par le Rassemblement national pour les élections législatives. L’occasion de revenir sur la stratégie d’un RN pour le moment un peu effacé, et sur certaines investitures mouvementées, comme celle de Philippe Vardon dans les Alpes-Maritimes.
Louis Mollier-Sabet

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Il était temps. Alors que le Rassemblement national a dévoilé aujourd’hui la liste des 569 candidats investis par le parti dans le cadre des élections législatives des 12 et 19 juin prochains, Marine Le Pen semble relativement absente depuis sa défaite face à Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle le 24 avril dernier. Surtout, le contraste est saisissant avec Jean-Luc Mélenchon et la « Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale », qui ont largement capté l’attention médiatique post-présidentielle. « C’est plutôt Jean-Luc Mélenchon qui est parti très tôt », analyse Jordan Bardella. « Il a gagné deux semaines en ne se qualifiant pas au second tour. » Face à la France Insoumise qui a réussi à rassembler la gauche derrière elle et qui a réussi à nationaliser ce « troisième tour » de l’élection présidentielle, le président du Rassemblement national – il remplace Marine Le Pen au moins jusqu’au 10 septembre prochain – joue la tranquillité : « Nos électeurs ne rentrent dans la campagne que 2 ou 3 semaines avant le scrutin et nous avons des candidats qui labourent le terrain depuis septembre dernier. »

« Jean-Luc Mélenchon veut faire de la France un squat géant »

Face à un Jean-Luc Mélenchon qui se voit déjà Premier ministre, Jordan Bardella dénonce un « mensonge » de la gauche : « La différence avec Jean-Luc Mélenchon, c’est qu’on ne ment pas aux Français. Jean-Luc Mélenchon ne sera pas Premier ministre. Expliquer aux Français que LFI va gouverner la France est un mensonge. Les institutions veulent que les législatives soient le moment où le Président constitue sa majorité » D’après lui, l’enjeu des élections législatives, « c’est de permettre de choisir la future opposition et qui seront les avocats des Français face à la brutalité d’Emmanuel Macron. » Le leader de la récente union de la gauche aurait ainsi « fait élire Emmanuel Macron », se discréditant pour le titre de « premier opposant » au Président de la République, récit que la séquence ouverte par la gauche après la présidentielle entendait installer.

Après Marine Le Pen ce matin sur RTL, qui accusait Jean-Luc Mélenchon de vouloir « transformer l’Assemblée nationale en ZAD », Jordan Bardella varie les plaisirs : le leader de LFI voudrait « faire de la France un squat géant », « une ZAD regroupant les idéologies les plus dangereuses pour la France. » Le président du Rassemblement national, qui charge la NUPES, « un bloc de 50 nuances de rouges », « qui ne défend plus les ouvriers, mais les clandestins » et « qui préfère Assa Traoré à Mila. » C’est un procès en islamo-gauchisme assez classique qu’instruit ce mercredi matin Jordan Bardella, mais, il y a quelques semaines, le Rassemblement national ne faisait pas de Jean-Luc Mélenchon sa cible prioritaire. Depuis, celui-ci a failli coiffer Marine Le Pen au poteau lors du premier tour de l’élection présidentielle, et il a réussi à coaliser les autres partis de gauche autour de LFI dans un accord électoral qui sera un avantage certain pour les candidats NUPES qui n’auront, en dehors des dissidences, pas de concurrents d’autres partis de gauche dans leurs circonscriptions, et pourraient donc beaucoup plus facilement accéder au deuxième tour. Le RN appuie donc sur « l’indigénisme » de LFI pour explicitement tenter de convaincre la « gauche laïque et souverainiste ulcérée par la dérive antirépublicaine » de la NUPES.

« Éric Zemmour hésite parce qu’il sait qu’il partirait au carton »

Mais selon toute vraisemblance, les réserves de voix du Rassemblement national se trouvent plus à droite de l’échiquier politique, notamment chez les « patriotes de LR » désignés comme cible par Jordan Bardella après l’échec de Valérie Pécresse, « à la tête d’une équation impossible, où la moitié de ses soutiens pensaient comme Emmanuel Macron, et l’autre moitié comme nous. » De même du côté de Reconquête, « dont aucun des cadres ne souhaite s’engager dans la bataille législative » et en particulier Éric Zemmour, dont le RN ne semble toujours pas avoir digéré les sorties sur la défaite de Marine Le Pen. « Éric Zemmour hésite parce qu’il sait qu’il partirait au carton, et devrait tirer les conclusions d’un deuxième échec », tacle Jordan Bardella, qui semble se délecter du fait que « depuis quelques jours, certains [des cadres du RN partis à Reconquête !] ont retrouvé nos numéros de téléphone. »

» Lire aussi : Législatives : le torchon brûle entre le RN et Reconquête !

Toujours est-il que d’après Jordan Bardella, les députés RN pourraient travailler avec d’éventuels élus « Reconquête ! » à l’Assemblée nationale, et notamment avec ceux « qui se sont tenus à l’écart de propos diviseurs », comme Stanislas Rigault, président de Génération Z. « J’ai proposé à Stanislas Rigault de venir avec nous en tant que rattaché au groupe, confirme Jordan Bardella. C’est quelqu’un de talentueux qui n’a pas eu cette logique de division, je me sens proche de lui, c’est peut-être générationnel. Il est loin des outrances de ses aînés, nous avons vocation à travailler ensemble. Mais, probablement parce que c’est quelqu’un de bien, il a refusé par loyauté. » On comprend que, si Éric Zemmour s’est un peu grillé en chargeant Marine Le Pen pendant la campagne et après sa défaite, et que le RN fera payer leur défection à ceux qui ont quitté le navire un peu vite, le Rassemblement national « a vocation à travailler avec cette droite-là » pour former « un groupe parlementaire puissant. »

569 candidats sur 577 circonscriptions, Nicolas Dupont-Aignan et Emmanuelle Ménard épargnés

Mais, si union de la droite il y a, elle se fera soit au deuxième tour des élections législatives, soit pendant l’organisation du travail parlementaire pendant le quinquennat. Le RN sera en effet présent dans presque toutes les circonscriptions de France, et n’a laissé le champ libre qu’à d’autres candidats que des candidats directement investis par le RN que 8 « circos. » C’est le cas par exemple de Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout la France ayant réuni 2 % des suffrages à la présidentielle, et prétendant à sa cinquième réélection depuis 1997 dans la 8ème circonscription de l’Essonne. De même, le RN ne présentera pas de candidat dans la 6ème circonscription de l’Hérault, où Emmanuelle Ménard, députée non-inscrite sortante avait déjà été élue avec le soutien du Front national en 2017.

Dans ces investitures, Jordan Bardella a assuré que le RN avait misé sur « l’implantation locale » de candidats « enracinés dans les territoires », hormis « une dizaine de candidatures » que Jordan Bardella assume être « ce que [les journalistes] appellent des ‘parachutages’. » Le président du Rassemblement a mis en avant le « caractère national » de l’élection législative, où les Français élisent théoriquement des députés de la République, et non des élus locaux représentant leur territoire, même si le découpage par circonscriptions confère de fait au scrutin une dimension locale. Philippe Ballard, ancien journaliste de LCI jamais élu auparavant, est par exemple investi par le Rassemblement national dans la 2ème circonscription de l’Oise, où Marine Le Pen a fait 37,6 % au premier tour et a battu Emmanuel Macron au second (52 %) à l’élection présidentielle.

Philippe Vardon n’est finalement pas investi à Nice

Dans la 3ème circonscription des Alpes-Maritimes, Marine Le Pen réalise un score plus faible (23,8 %), mais l’investiture est tout de même contestée. Philippe Vardon, leader historique du RN niçois, a ainsi vu l’investiture de son parti lui passer sous le nez, au profit de Benoît Kandel, colonel de gendarmerie et ancien 1er adjoint (UMP) de Christian Estrosi. Jordan Bardella invoque le choix d’un « profil d’ouverture » et « les doutes qu’a eu Philippe Vardon à l’égard de la campagne de Marine Le Pen. » Le conseiller municipal RN niçois est un ancien responsable du Bloc identitaire niçois et a plaidé pour « l’union des droites » avec Éric Zemmour tout au long de la campagne, sans pour autant rejoindre Reconquête !.

Au-delà des questions de personne, le vote d’extrême-droite est bien différent dans l’Oise où a été investi Philippe Ballard, et dans le sud de la France. Éric Zemmour rassemble par exemple 13,5 % des voix dans la circonscription où Philippe Vardon va vraisemblablement maintenir sa candidature, et où Reconquête ! n’a pas investi de candidats, alors que son poids électoral est négligeable dans le Nord-Est, où le RN enregistre ses plus gros scores. Si le Marine Le Pen a clairement pris le leadership de l’extrême-droite après les résultats du premier tour, la question des rapports à Reconquête ! continuera vraisemblablement de se poser, notamment dans le sud de la France, où le discours d’Éric Zemmour sur « l’union des droites » a plus de chances de s’installer durablement.

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