Le Sénat adopte à la quasi-unanimité la loi engagement et proximité

Le Sénat adopte à la quasi-unanimité la loi engagement et proximité

Le Sénat a adopté à la quasi-unanimité le projet de loi engagement et proximité. Les sénateurs ont renforcé les pouvoirs de polices des maires, tout comme la commune au sein des intercommunalités. Ce texte, où gouvernement et sénateurs ont partagé une vision commune, s’attelle aussi au statut de l’élu et vise à répondre à la crise des vocations dans les communes rurales.
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Les sénateurs ont pris le temps nécessaire – deux semaines – pour examiner un texte qui leur est cher : le projet de loi engagement proximité du ministre chargé des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu. Ils en ont terminé l’examen dans la nuit de jeudi à vendredi 18 octobre.

Lors du vote solennel sur l’ensemble du texte, mardi 22 octobre, le Sénat a adopté à la quasi-unanimité le projet de loi, par 338 voix contre seulement 2 voix. Fait rare, l'ensemble des groupes politiques ont voté en faveur du texte.

Sur ce projet de loi, le Sénat et le gouvernement ont globalement partagé la même vision et la même ambition : renforcer l’autorité des maires, renforcer la place de la commune et améliorer le statut de l’élu. Présenté en urgence, soit une seule lecture par chambre, il doit encore passer devant les députés. Le projet de loi pourra ainsi être adopté avant la fin de l’année et donc avant les prochaines municipales de mars 2020.

L’exécutif s’est largement inspiré des travaux du Sénat sur les collectivités. Mais la Haute assemblée a néanmoins modifié le texte, parfois en désaccord avec le gouvernement sur certains points.

Autorité et pouvoir de police des maires renforcés

C’est l’un des points majeurs de ce texte. Suite à la mort du maire de Signes cet été, le gouvernement et les sénateurs ont voulu renforcer l’autorité des maires. Après une consultation des maires sur les incivilités qu’ils subissent, les sénateurs ont transcrit dans le texte le « plan d’action » qu’ils ont établi.

Le pouvoir des maires est renforcé pour faire exécuter leurs arrêtés de police, en leur permettant de prononcer des astreintes, voire des amendes administratives. Un amendement a notamment été adopté pour élargir le nombre de cas de figure dans lesquels les maires pourront fermer un débit de boissons en situation d’infraction.

Pour les maires victimes de violences, la protection juridique est garantie. L’information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire de leur commune est systématisée.

Renfort de la place de la commune au sein de l’intercommunalité

Prévu par le gouvernement, les sénateurs sont allés plus loin dans le renfort de la place de la commune au sein des intercommunalités, en autorisant la gestion de services ou d’équipements de proximité par les communes membres d’une interco. Le Sénat a voté, contre l'avis du gouvernement, la suppression du transfert obligatoire des compétences « eau » et « assainissement » à l'intercommunalité. Ils ont aussi ouvert la voie à des transferts à la carte de compétences, ce que ne souhaite pas l’exécutif.

Parité renforcée pour les intercommunalités

Les sénateurs ont adopté à la quasi-unanimité une mesure, défendue par le PS, renforçant la place des femmes dans les exécutifs des intercommunalités. On ne compte aujourd’hui que 8% de présidentes d’interco et 20 % de vice-présidentes.

Airbnb : le Sénat laisse aux maires la possibilité de limiter les locations à 60 jours par an

Le Sénat a adopté un amendement PS qui permet aux maires de fixer une limitation à 60 jours, contre 120 actuellement, de la durée de location d’une résidence principale en Airbnb sur leur commune. Une manière de lutter contre ce phénomène. « A Paris, entre 20 000 et 30 000 logements sont ainsi détournés de l’objet de l’occupation par des habitants » a défendu Marie-Pierre de la Gontrie, auteure de l’amendement.

Il a été adopté contre l’avis du gouvernement mais aussi du rapporteur LR du texte, Mathieu Darnaud. Ce dernier y voit une atteinte au droit de propriété « puisque vous limitez la faculté de percevoir des revenus ».

Feu vert du Sénat à une tarification sociale de l'eau

Les sénateurs ont voté à l'unanimité un amendement du gouvernement permettant aux collectivités qui le souhaitent de mettre en place un tarif « social » de l'eau pour les plus démunis. La possibilité d'une expérimentation d'une « tarification sociale » de l'eau pour alléger la facture des ménages défavorisés a été introduite par la loi « Brottes » sur l'énergie de 2013. Il s’agit ici de généraliser ce principe.

Crise des vocations : plus de souplesse pour les conseils municipaux des communes rurales

Face à la crise des vocations dans les communes rurales, le Sénat a adopté une mesure pour que les conseils municipaux des petites communes soient réputés complets, même si le scrutin municipal n'a pas désigné un nombre suffisant de conseillers municipaux. Le ministre Sébastien Lecornu a salué une mesure « de souplesse » qui vise à permettre au conseil municipal « de fonctionner normalement même s'il n'est pas complet ».

Favoriser l'accès des personnes handicapées aux fonctions électives

Le Sénat a adopté à l’unanimité une disposition visant à favoriser l'accès aux fonctions d'élus locaux des personnes handicapées, bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). L’amendement du gouvernement prévoit que les indemnités perçues pour un mandat local peuvent se cumuler avec l'AAH dans les mêmes conditions que les rémunérations tirées d'une activité professionnelle, ce qui n’est pas possible actuellement.

Municipales : le Sénat prévoit une nuance « sans étiquette » pour les petites communes

Le Sénat a adopté un amendement visant à permettre aux candidats « sans étiquette » aux municipales, dans les communes de moins de 3.500 habitants, de se présenter sans qu'une « nuance politique » leur soit assignée. Le ministre Sébastien Lecornu s’y est opposé, estimant que la disposition relevait non pas de la loi, mais du réglementaire. Il s'est engagé à ce qu'elle s'impose aux préfets, par voie de décret. L'initiative des sénateurs fait suite à « une très grosse irritation des élus locaux » lors des municipales de 2014, a rappelé la rapporteure UDI Françoise Gatel. Un certain nombre de candidats qui n'avaient pas déclaré d'étiquette politique s'étaient vus attribuer par l'administration une « nuance politique ».

Hausse des indemnités pour les maires des petites communes

C’est un sujet sensible dont le gouvernement et les sénateurs ont souhaité se saisir. Le Sénat a adopté la possibilité, donnée aux communes, d’augmenter les indemnités pour les maires et adjoints dans les petites municipalités de moins de 3500 habitants. C’est aussi une réponse à la crise des vocations.

Gouvernement et Sénat diffèrent quelque peu sur le niveau d’augmentation. Les sénateurs proposent une revalorisation plus progressive : hausse de 50 % des indemnités pour les villages de moins de 500 habitants, soit 991 euros brut contre 661 euros brut actuellement ; de 30 % dans les communes de 500 à 999 habitants (1566 euros brut contre 1205 euros actuellement) et +20% pour les communes de 1.000 à 3.499 habitants (2006 euros brut contre 1672 euros).

Statut de l’élu renforcé

C’est une demande de longue date des maires : se doter d’un réel statut de l’élu ou du moins renforcer les mesures en la matière. Le texte du gouvernement s’y attelle et complète la panoplie de mesures qui visent à lutter contre la crise des vocations.

En commission, les sénateurs ont renforcé le texte sur ce chapitre, en permettre aux élus de mieux concilier l’exercice de leur mandat avec leur vie familiale et professionnelle. La prise en charge par l’État des frais de garde et d’assistance des élus dans toutes les communes de moins de 3 500 habitants est ainsi étendue. En séance, la formation des élus locaux a aussi été renforcée.

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