Le Sénat dresse un premier bilan des réformes territoriales

Le Sénat dresse un premier bilan des réformes territoriales

Une mission d’évaluation a rencontré les acteurs des échelons concernés ces dernières années par des réorganisations. Ils distribuent les bons et les mauvais points des réformes.
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Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Quentin Calmet)

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Loi Maptam, loi sur le redécoupage des régions de 2015, loi NOTRe : les collectivités territoriales ont fait l’objet de plusieurs réformes au cours du quinquennat. De nouvelles collectivités sont nées comme les métropoles, d’autres ont vu leurs périmètres élargis, et la répartition des compétences entre certains échelons été modifiée. Une mission d’évaluation au Sénat, transpartisane, a recueilli ces derniers mois les remontées du terrain dans ces collectivités impactées par les nouveautés, et a observé les premiers effets de l’application de la réforme. Elle a livré ses premières conclusions ce mercredi.

« Il était logique que sur des textes de cette importance, le Sénat ne se contente pas de participer aux débats parlementaires, mais qu’il continue son travail en regardant très concrètement sur un temps long – 15 mois – comment cette réforme se met en place aux différents niveaux », explique le sénateur socialiste René Vandierendonck, qui a participé aux travaux de la mission.

Les sénateurs dressent une évaluation en demi-teinte, mais reconnaissent qu’il est délicat de dresser un bilan global face à une diversité de situations régionales et locales. Les difficultés dans la mise en œuvre des réformes n’ont pas été aussi profondes que ce que les acteurs redoutaient.

La mission salue la « capacité d’adaptation » des territoires concernés par des mutations parfois rapides et complexes, mais relayent un certain nombre d’inquiétudes de la part des élus des collectivités territoriales. Les sénateurs constatent également que la formation de certains ensembles territoriaux s’éloigne de l’esprit originel des réformes, en particulier pour les intercommunalités.

Effets du redécoupage de la carte des régions

Avec le passage de 22 à 13 régions métropolitaines en 2016, la réforme territoriale a eu un impact sur l’administration territoriale. Selon Pierre-Yves Collombat (RDSE), la réorganisation des services autour des nouveaux chefs-lieux et agences s’est faite sans accroc. « La capacité d’adaptation de notre fonction publique territoriale nous a frappés », raconte le sénateur du Var.

Il ajoute que « les personnels ont trouvé que les choses s’étaient bien passées » et que peu de mutations étaient non-consenties. Dans les autres points bénéfiques de la réforme, le sénateur souligne la modernisation de l’administration à travers le numérique, rendue indispensable par l’organisation multi-sites des nouvelles régions.

Pierre-Yves Collombat pointe cependant la « hausse extraordinaire » des déplacements dans des régions de plus en plus grandes et les défient qu’elle pose sur l’aménagement du territoire. Le sénateur s’inquiète aussi d’une « logique à la centralisation vers les nouveaux chefs-lieux » qui est progressivement à l’œuvre.

Le département toujours présent

Le sénateur constate d’ailleurs, non sans amusement, que cette réforme « qui devait mettre en avant le niveau régional » a abouti quelque part « au renforcement des départements », avec les redéploiements de services. Le département est donc loin d’être mort.

Un autre phénomène illustre la force du découpage départemental dans l’organisation du territoire : la formation des intercommunalités. « On a observé relativement peu d’intercommunalités qui avaient un caractère interdépartemental. Le département reste le cadre dans lequel s’est opérée la redéfinition des périmètres intercommunaux », détaille Mathieu Darnaud (LR).

Le rapport à « la proximité » à protéger

Alors que la réforme territoriale a abaissé le seuil de population requis pour certains types d’intercommunalités, le sénateur de l’Ardèche alerte sur la nécessité de conserver un « rapport à la proximité ». Il s’interroge également sur la place qu’occuperont les plus petites communes dans ces intercommunalités élargies :

« Nombre de communautés d’agglomération ne sont pas que des espaces urbains, mais ils admettent aujourd’hui de façon assez large des espaces périurbains, voire très ruraux […] On a eu tout un tas de dérogations qui font que des petites préfectures, des petits communes, des petites villes-centres se sont constituées en communautés d’agglomération ».

Représentant d’un département peu peuplé, Mathieu Darnaud insiste sur les difficultés des territoires ruraux, qui font face selon lui à une « triple peine » : leur difficulté mettre en œuvre les réformes territoriales, leurs ressources modestes, et leur place souvent oubliée quand la métropolisation se développe.

L’impact des métropoles

La création des métropoles est justement l’un des nouveaux phénomènes amenés par les réformes territoriales du quinquennat. La mission sénatoriale plaide pour une « bonne définition » de la métropole. « On a admis le fait que la métropole n’est plus celle qui avait été définie dans la loi Maptam », constate Mathieu Darnaud, qui relève des créations de métropoles dans des territoires moins peuplés mais qui veulent s’affirmer dans le centre des nouvelles régions : Dijon ou Orléans, loin du « modèle » abouti de la métropole lyonnaise.

Preuve de la variété géographique et humaine du pays, la mission sénatoriale relève que la réforme territoriale a été « appréhendée de manière différente » suivant les régions. L’exemple des regroupements de communes en est la parfaite illustration. Les sénateurs comptabilisent 1760 communes qui ont choisi le modèle de la commune nouvelle. L’Ouest et le Nord-Ouest (notamment le Maine-et-Loire) ont été les plus volontaristes sur cette question.

La répartition des compétences en question

La réforme territoriale, c’est aussi la question d’une nouvelle répartition des compétences. Concernant la loi NOTRe et ses dispositions sur l’organisation des transports scolaires, le sénateur du Nord René Vandierendonck rapporte que des « solutions ont été trouvées », citant le cas précis de la région Occitanie. « Toutes les conventions de délégation des compétences entre la région et les départements (hors Aveyron, soit 12 départements, NDLR) ont été signées », rapporte-t-il, après une visite sur le terrain.

Du côté des intercommunalités, la situation est plus complexe. « Les élus sur les territoires nous ont dit de façon unanime que la réforme allait trop vite, notamment dans la capacité à prendre en compte les nouvelles compétences qui sont demandées », relaye le sénateur Mathieu Darnaud.

« Il y a des ajustements à faire, par rapport à ce cadre général qui est la loi NOTRe, pour rendre cette loi plus adaptable au territoire, plus en phase avec la réalité des choses », continue-t-il. Son collègue René Vandierendonck préconise lui davantage de « souplesse » et d’ « expérimentions » dans l’application des dernières lois de la réforme territoriale.

La mission d’information du Sénat finalisera dans les prochains jours son rapport d’information, et livrera notamment ses recommandations pour améliorer le cadre des collectivités territoriales.

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